« Un à un, ils tombèrent dans la fosse qu’ils avaient patiemment creusée, leurs yeux grands ouverts braqués sur Jericho. » - Swain (VB)

Chose promise, chose due, surtout quand la promesse a été faite il y a littéralement trente secondes, on attaque avec Jericho. Je tiens à prévenir les vétérans des éditions précédentes qui auraient déjà lu mes commentaires postés sur Just Married ou sur Peek a Boo que mon commentaire de Swain y sera sensiblement le même ceux que j’ai écrits là-bas, parce que c’est encore et encore le même genre de chose que j’aime souligner dans ses textes. Donc ce sera surtout enrichissant pour les nouveaux lecteurs. Mais a priori, il y en a beaucoup, donc je vais pas me gêner.

Ce que je trouve formidable, chez Swain, c’est le caractère très pictural de son écriture, et je pense que c’est l’une des principales raisons de son succès. Cette phrase, à titre d’exemple, c’est un tableau entier à elle seule, donc chaque élément de description nous apporte son lot d’informations. La deuxième partie est la plus caractéristique de cela, mentionnant les soldats comme tombant "[les] yeux grands ouverts braqués sur Jericho". La phrase ne dit pas explicitement que Jericho est responsable de leurs morts, ni qu’il s’en sent responsable, ni que l’ambiance respire l’horreur, mais ce simple détail de description suffit à suggérer toutes ces idées, et le fait qu’on se les figure à travers une image qu’on interprète nous-mêmes aide énormément à faire passer le ressenti. C’est sûrement la raison pour laquelle on nous enseigne les métaphores et autres tropes comme les figures de style dominantes, à l’école.

De fait, dans cette phrase comme dans beaucoup d’autres du texte, chaque mot descriptif s’avère porteur de sens. Le fait que les yeux soient "grands ouverts", typiquement, est le principal catalyseur du caractère horrifique de l’atmosphère qui se dégage de la phrase. Un autre exemple, c’est ce mot "patiemment" dans la proposition précédente qui, en plus de dire ce qu’il veut dire au sens propre, ajoute une connotation de lenteur à toute la phrase, notamment couplé à l’expression "un à un" qui la commence. Sémantiquement parlant – ça veut dire au niveau du sens direct des mots – on aurait aucune raison de penser que le caractère patient de l’action de creuser des tombes ait une quelconque répercussion sur la façon dont les soldats tombent dedans, mais quand on lit la phrase, instinctivement, on peut imaginer les soldats qui tombent lentement, et même patiemment. Avec ce genre de connotations, j’ai vraiment l’image d’une file d’âmes errantes qui se jettent résignées dans le puits des enfers. Oui, comme chez Masque-de-Mort.

Bref, en quarante-deux mots comme en cent, quarante-trois si on considère le d’ comme un mot à part, je suis un grand fan du style de Jericho, il fait partie de ceux qui arrivent à me tenir en haleine de la première à la dernière phrase, et ça me fait plaisir de voir que tant d’autres y ont été sensibles. J’en profite pour signaler que j’avais pas lu les commentaires des autres avant de choisir ma phrase – fatalement, puisque je l’ai relevée pendant la lecture et que je lis pas les commentaires avant les épreuves, naméoh – et que c’est donc totalement un hasard si j’ai parlé de ce passage précis dont Mitsu’ a dit précédemment "la participation de VB m'a particulièrement plu, surtout dans la facilité que j'ai eu à imaginer les personnes qui tombaient autour de Swain suite aux questions de la sorcière". Ou plutôt, c’est une autre marque du fait que ce passage marche bien et que c’est pas juste moi qui interprète comme un sagouin – pour une fois, ça fait plaisir.

« Préfères-tu mourir ou me dire qui tu es, sorcière ? » - Engel (AVA)

Si de nombreux personnages ont tenté de défaire Baba Yaga à son propre jeu – oui, c’est le thème de l’épreuve, pour ceux qui comme moi avaient oublié à ce stade du commentaire – Engel nous offre une version assez unique de cet affrontement. En fait, le personnage adopte un comportement très naturel : elle est totalement déroutée par la première question, qui traite d’un sujet censé être très intime, ce qui lui laisse comprendre qu’il y a anguille sous roche et justifie qu’elle tente de répondre honnêtement plutôt que d’envoyer promener Baba Yaga – jusque-là, c’est ce qu’on a pu lire dans d’autres textes aussi – mais sitôt qu’elle perd son bras en représailles de sa réponse, elle est brutalement projetée en-dehors du caractère mystique de la situation, et devient simplement folle de rage. Dit comme ça, ça paraît évident – d’où le fait que le caractère soit naturel – mais ce qui l’est moins, c’est la façon dont c’est présenté, avec cette phrase. Engel perd totalement le sens des réalités, qui lui dicterait d’user ses questions avec parcimonie maintenant qu’elle a vu que la personne qu’elle avait en face d’elle était à prendre au sérieux. À la place, elle laisse exploser toute son impulsivité, et gaspille son atout précieux pour… à peu près rien, en vérité.

J’insiste, mais c’est vraiment pas évident de faire dire une énorme connerie à son personnage quand on le respecte. Mais ici, c’est ce qui donne toute sa force à la phrase. Pas besoin de nous dire qu’Engel devient folle et qu’elle répond impétueusement avec la seule envie de faire ravaler ses paroles à la sorcière, tout est compris dans le fait que sa réplique soit totalement et ostensiblement hors de propos. Et le fait que ça nous tombe comme ça, sans un mot au préalable pour introduire la démence qui commence à gagner Engel, et alors que les larmes qu’elle a lâchées à la suite de la perte de son bras étaient la dernière marque des émotions qu’elle ressentait et nous laissaient l’imaginer abattue, et alors qu’on lit l’épreuve en sachant qu’elle est censée reposer entièrement sur l’astuce dont fera preuve le personnage en jouant contre Baba Yaga, et alors qu’on est peut-être même déjà en train de se demander ce qu’on aurait répondu raisonnablement dans une telle situation, ça donne à la phrase un impact absolument remarquable, c’est toute la rage d’Engel qui explose d’un seul coup sous nos yeux.

Pour tout dire, à la base, j’étais parti pour parler d’une autre phrase – à savoir la deuxième question d’Engel, "Tu préfères rester… ou partir ?", qui est un peu de la même veine et qui me semblait plus intéressante en relisant mes citations à tête reposée – mais c’est en relisant le texte pour en parler, et en redécouvrant à quel point cette première question est forte de sens que je l’ai choisie à la place. Ce que je veux dire, c’est que même à la relecture, c’est à dire en sachant déjà ce que je vais lire, le choc provoqué par ce petit passage a réussi à demeurer indemne, et c’est déjà suffisant pour que j’appelle à la prouesse.

« Elle chassait, de nouveau. Ici c’était son territoire. » - Cielle (SNKR)

Bon, parce qu’on peut toujours trouver encore plus original, je vous présente le texte de Cielle. Enfin, je vous le présente pas, parce que vous l’avez sans doute déjà lu si vous avez scrupuleusement respecté mon alerte aux spoilers, donc je vous le représente. Enfin, je veux dire… non, ça y est, ça me gonfle.

Ce texte, je m’attendais même à ce que certains le trouvent hors-sujet – finalement, il n’y a que Sona qui l’a mentionné, et encore, c’était pour dire que ça le frisait seulement sans l’atteindre – parce qu’à priori, la seule question que Baba Yaga pose à Cielle semble porter une réponse évidente – quand on est un prédateur, il vaut mieux chasser qu’être chassé, ça tombe sous le sens – et quand on la lit sur le moment, on est en droit de se demander à quoi elle sert. Même en tant que provocation, ça paraît limite. Oui mais. J’adore dire ça.

La citation que j’ai sélectionnée est pour moi la plus importante du texte. C’est elle qui associe pour Cielle l’idée de chasser et l’idée de se trouver sur son propre territoire. Outre le fait que ça lui donne un caractère relativement badass au moment où elle se reprend, vu qu’on a des tas de connotations à base de l’appel de la maison, la protection de ce qui est cher, ou encore le côté "ici, c’est moi qui connais" pour asseoir un caractère de domination, c’est aussi l’idée qui va donner tout son sens à la question qui lui est posée et qui ressurgit dans la toute dernière phrase du texte : chasser ou être chassé ? Parce qu’en l’occurrence, c’est synonyme de "Chez elle ou chez les autres ?"

À partir du moment où on comprend ça, le texte se lit comme une parabole de développement personnel, avec Baba Yaga qui pose à Cielle un dilemme qu’elle serait encline à se poser elle-même, un peu dans le même genre que le texte d’Engel juste au-dessus où c’est plus évident. Si on a lu le cartel explicatif au début du texte – très important en l’occurrence – on sait que Cielle a été forcée de rejoindre les humains, et qu’elle ne quitte jamais son territoire qu’à contrecœur quand elle y est commise. Tout le texte devient alors une illustration du malaise qu’elle ressent à travers sa situation, se terminant sur "Elle préférait décidément chasser" qui plante le dernier clou dans le cercueil de son empathie pour la race humaine. Là où c’est bien vu, en plus de ramener un dilemme complexe (aider les humains ou rester chez soi) à un choix évident (chasser ou être chassé), c’est que l’image de la chasse a un certain nombre de connotations qui servent encore le propos. Par exemple, chez les humains, Cielle est vue comme une bête, discriminée en conséquence, et en quelque sorte, chassée. À l’inverse, quand elle chasse, elle se livre à ses instincts de bête indomptable, et se permet plus de liberté que sous le joug des humains.

Voilà, c’était un peu dans le désordre, mais tout ça pour dire que c’était bien.

« Recommencer la partie. » - Adaryon (CI)

Je vais arrêter de mentionner l’originalité, parce que plus je commente de citations, plus je réalise que cette épreuve a pondu une avalanche de textes remarquablement différents. Mais lui, c’est quand même un des plus différents. J’me comprends.

Mêler une narration au passé et une au présent est quelque chose d’assez risqué. En temps normal, on utilise ça pour faire survenir les souvenirs du personnage au fur et à mesure qu’ils lui reviennent, et généralement, on s’arrange pour qu’ils aient systématiquement un lien avec la situation présente, de sorte à créer un parallélisme entre passé et présent et suggérer que chaque action du présent est justifiée par une action du passé – ou d’autres structures un peu moins strictes, mais avec le même genre d’idée. Les raisons pour lesquelles c’est risqué, c’est d’une part qu’il faut accepter d’abandonner une partie de la spontanéité dans la narration au présent, puisqu’on va systématiquement l’interrompre par de longues réminiscences – ici, ce n’est pas un problème puisque la situation est très lente de base, ça permet même de substituer très naturellement les souvenirs aux temps de réflexion que prend le personnage pour répondre aux question de Baba Yaga – et d’autre part que ça implique de devoir tailler très finement ses péripéties pour que les souvenirs arrivent dans le même ordre que ce qui les provoque, pour éviter d’égarer le lecteur ou de "spoiler" un morceau de la situation passée et briser la tension dans certains des suivants. Ici, ce n’est pas vraiment le cas, et j’ai même d’abord considéré que c’était une mauvaise utilisation du procédé. En fait, les souvenirs arrivent dans l’ordre, mais semblent assez décorrélés du présent, et à part pour le contraste que ça crée entre la lueur d’espoir que poursuivait le personnage dans le passé et l’ombre dans laquelle il se retrouve dans le présent, c’est difficile d’alterner entre les deux narrations sans y perdre la continuité dans les idées qu’elles évoquent, celles au présent étant de longues descriptions à moitié métaphoriques qui semblent faites d’un point de vue totalement externe, et celles au passé traitant de différents passages de l’aventure du personnage d’un point de vue beaucoup plus interne. Oui mais. J’avais prévenu.

Ici, le caractère assez confus engendré par cette alternance des deux narrations donne un petit côté divagation, et de plus, le fait que le point de vue semble changer en cours de route donne à l’Adaryon du présent un côté beaucoup plus distant, et beaucoup plus vidé. Ainsi, notamment quand on connaît le sujet de l’épreuve et qu’on devine la nature de sa confrontation dans le présent, on a d’une part le sentiment qu’il a encaissé suffisamment de chocs pour perdre un morceau de son caractère, et surtout, qu’il s’est écoulé assez de temps pour qu’il soit passé d’un personnage à un autre, et pour que l’Adaryon du passé semble effectivement appartenir au passé. Bref, on a le sentiment que ça fait longtemps qu’il est là, un sentiment qui est d’ailleurs aidé par le fait qu’on ait été propulsé dans la narration du présent sans introduction – autre que celle de la narration au passé – et donc sans repère temporel pour se faire une idée du temps qui s’est écoulé depuis le début de sa situation. C’est déjà quelque chose d’assez subtil, mais là où ça arrive à son apogée, c’est quand vient la chute. Et c’est là que, après plus de cinq cent mots de commentaire, je commence enfin à parler de ma citation.

"Recommencer la partie". Cette phrase laisse envisager que c’est parti pour durer encore longtemps, mais couplée avec tout ce que j’ai souligné juste avant, ou le fait que Baba Yaga réponde instantanément comme si elle était déjà préparée à cette question, ajoute également l’idée que c’est comme ça depuis déjà longtemps. Le texte devient alors totalement intemporel, perdu dans une sorte d’éternité qu’on ne sait plus dater par rapport aux événements du passé qui y sont mentionnés, et ça justifie toute la distance qui semble émaner de ceux-ci par rapport à la situation présente, en plus de justifier le côté chambardement temporel de la structure du texte. De fait, c’est une chute que je trouve remarquablement amenée, remarquablement forte, et s’il est rare que j’accorde beaucoup d’affection à des textes qui reposent uniquement sur leur chute – quoique je leur dédie toute mon admiration – j’avoue que cette fois-ci m’a laissé une bonne impression.

« Elle opine du chef. » - Dragos (OT)

Contrairement à ce qu’on pourrait croire, je n’ai pas choisi cette citation parce qu’elle utilise une expression presque aussi vieille que Baba Yaga.

Dans le texte de Dragos, j’aime particulièrement le traitement du personnage de Baba Yaga. La narration n’est jamais précipitée, et n’essaie jamais de briser la tension qui s’installe en sa présence. Dans la partie dialoguée, aucun mot superflu ne vient trahir ses arrières-pensées, elle dit uniquement ce qu’elle a à dire. Ou même, dans la citation que j’ai choisie pour cela : elle ne dit rien. Cette phrase de narration arrive là où on attendrait une ligne de dialogue, non seulement parce que la situation s’y prête, mais aussi parce qu’elle arrive toute seule après la réplique du petit Dragos et le paragraphe censé décrire la première réaction de la vieille sorcière, qui est de s’approcher. Quand on y arrive, qu’on l’a vue entreprendre quelques pas vers le jeune garçon, et qu’on change de paragraphe, c’est là qu’on attend une réponse. Et en fait, c’est ce qu’on a, mais sous forme d’un simple signe de tête. On ne peut pas s’imaginer un ton sur lequel aurait été formulée une réponse, et surtout, on n’a pas une réponse détaillée. On n’a aucune idée de ce que Baba Yaga fait là ni de ce qu’elle veut, juste cette situation tendue qui ne semble pas vouloir se résoudre.

C’est pour les mêmes raisons que j’aime le fait que Baba Yaga parle avec très peu de détails dans ses phrases ; elle n’explique même pas les règles de son jeu à Dragos. Tout ce qu’elle ne dit pas, et tout ce qui n’est pas dit sur elle, contribue à augmenter la tension. Et un simple regard sur l’allure générale du texte vous laissera comprendre que très peu de choses y sont dites. Le tout fait huit cent quarante-deux mots – d’après LibreOffice – et est découpé exclusivement en paragraphes de moins de trois lignes, tout en gardant un rythme assez lent. Et si je me souviens bien de ce que j’ai lu de Dragos sur Just Married, c’est pas un caractère habituel de sa narration. J’voulais vérifier, mais pas de bol, ça tombe juste pendant un jour où le forum est fermé.

« Il ne lui restait plus qu’à prier pour qu’elle n’ait pas le temps de verglacer avant que revenir ne lui vienne à l’idée. » - Ithen (DT)

Cette phrase, si vous la montrez à un prof’ de français du genre bien rigoureux, bien vieille école, vous avez toutes les chances de vous la faire rayer pour violation du point de vue interne. Mais moi, grand traumatisé du nombre de phrases qui ont été rayées sur mes copies, je la trouve vraiment belle.

Qu’on se mette bien d’accord, ici, si je parle de violation du point de vue interne, ça ne veut pas dire que le texte est au point de vue interne et que cette phrase ne l’est pas, mais que cette phrase en elle-même contient cette contradiction – si le personnage prie que quelque chose arrive avant qu’une certaine idée lui vienne, alors l’idée lui est nécessairement déjà venue, puisque le contenu de la prière ferait partie de sa pensée. Cependant, selon moi, c’est cette contradiction qui donne sa richesse à la phrase.

Je crois pas que ça soit jamais dit explicitement, mais le personnage d’Ithen à l’air du genre à avoir la tête ailleurs, un peu dans son monde. Et c’est exactement ça que je lis dans cette citation. La phrase ne laisse pas un instant entrevoir la possibilité pour Ithen de faire immédiatement demi-tour, et rien avant ne semble signifier qu’il soit particulièrement déterminé à avancer non plus – je rappelle qu’à ce stade, il se balade juste. En fait, la seule chose qui traîne dans son esprit, c’est l’idée qu’il devra revenir avant que la neige ne verglace, mais le fait qu’on nous la présente comme une idée qu’il prie d’avoir la peint comme une idée assez lointaine, comme s’il visualisait l’idée sans vraiment l’avoir. Instinctivement, en lisant ça, j’ai l’impression que tout le processus de réflexion censé mener à l’éventualité du retour a complètement été éludé, que c’est plutôt une sorte de réflexe qui lui dit "faudra que je rentre" sans vraiment y penser. De fait, la phrase, bien que techniquement paradoxale, sonne de façon très naturelle à mon sens, tout en ayant cette petite touche de l’inconscience nécessaire à oublier que la phrase se contredit, et qui semble parer le personnage d’Ithen en cet instant.

« Une fois son travail achevé, elle l'enroula autour d'un palmier avant de reprendre sa balade. » - Juliette (MAD)

La dernière fois, j’avais dit un truc du genre "pour ceux qui suivront pas mes prochains commentaires, je suis heureux de finir sur Juliette", et les gens ont décidé de continuer de suivre. Mais les voilà bien attrapés, car je termine ce commentaire sur Juliette aussi ! Dont j’aurai traité les trois participations au final, je savais pas que c’était aussi elle qui jouait Ellyn.

La première partie du texte de Juliette, où elle se promène sur la plage et ramasse des coquillages, fait partie de ces passages qui servent à définir un trait de caractère du personnage, et ça ne rate clairement pas ici. On a une Juliette qui cherche à se détendre et à penser à autre chose qu’à la collection de reliques, mais qui se fait rattraper par le fait qu’elle est collectionneuse par nature. C’est déjà assez pour me la rendre sympathique, c’est toujours agréable de voir un personnage s’adonner si impulsivement à une de ses lubies – et ça a un côté très humain, tant il est vrai qu’il paraît souvent peu naturel pour un personnage d’aller à l’encontre de son caractère de base.

Mais en plus de ça, il y a cette petite touche comprise dans la citation : elle ne garde pas ses coquillages, elle finit par les enrouler en colliers, les accroche à des palmiers, et reprend son chemin. Outre le fait que ça servira derrière à remettre en parallèle sa passion et ses obligations, quand elle fera quelque chose de très similaire avec les ordures qu’elle aura ramassées sur la côte de l’océan qu’elle a juré de nettoyer, ça permet de remettre en perspective toute son activité de collectionneuse. Elle ne cherche pas à garder ces coquillages qu’elle ramasse à tout prix, une fois ses mains pleines, elle s’en débarrasse – d’une façon plutôt poétique, mais quand même. Et surtout, il n’est même pas mentionné qu’elle aimerait pouvoir tous les ramener, ou quoi que ce soit du genre, elle fait tout cela très naturellement, voire machinalement. Ce que ça dit, ou du moins ce que j’en lis, c’est qu’elle n’est pas tant portée par la volonté de posséder ces coquillages que de les ramasser. Et comme on sait que cette scène est un simple reflet de son activité principale, ça laisse suggérer qu’elle garde le même genre de sentiments avec ses artefacts. Ça ajoute une petite touche de vanité dans ce qu’elle fait, puisqu’on perd la partie matérialiste de posséder des objets de valeur – même si dans son cas, ç’aurait plus probablement fini par devenir des valeurs sentimentales – et ça accentue le côté purement passionnel de son activité. Et pour ainsi dire, ça me la rend toute mignonne.