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Kao [ES]
Invité
Dim 15 Mar - 15:29
Hoplà, j'ai été inspiré par l'épreuve 3. Donc je l'ai faite. Mais ce coup-ci, avec ma petite Penrose, mon second personnage, qu'on n'a jamais vue en interforum en dehors de la boîte à textes et qui perpétue sa tradition. Et pour le coup, ça va chercher dans les deux mille mots, mais j'ai le droit parce que boîte à textes, na.

Personnage et contexte:




Le ciel d’Esquisse rayonne de toute sa splendeur rosée quand Penrose quitte son petit appartement du 21, rue officinale. Une fois n’est pas coutume, elle a décidé de prendre une petite pause dans son travail de toute une vie. Trêve d’équations méta-mathématiques appliquées à la logique chancelante de cet univers, le fatras de brouillons raturés dispersé dans son salon attendra qu’elle se soit aérée quelques heures.

Capricieuse comme peut l’être la météo dans l’Esquisse, difficile de déterminer si c’est une journée idéale pour aller faire quoi que ce soit. Mais à défaut de mieux que l’auspice incertain du ciel brillant, Penrose décide que c’est l’occasion de retourner visiter le Labyrinthe qui se tient en marge de la Ville. C’est sa meilleure façon de faire durer sa pause assez longtemps pour qu’elle soit raisonnable – si elle se perd, elle ne pourra plus retourner s’adonner à son travail pendant un moment, même si l’envie lui reprend subitement – et un lieu riche en rencontres inopinées qui stimuleront sans nul doute son inspiration.

Par le passé, elle a déjà eu l’occasion de le visiter une fois. Des collègues à elle le lui avaient vendu comme une compilation de la quintessence des créations improbables de l’Esquisse, car le Labyrinthe avait la particularité d’inventer de nouvelles péripéties à braver au fur et à mesure que l’on y progressait. Mais la première fois, avant même d’entrer dans son enceinte, elle y avait rencontré un vieillard sénile et aigri qui tint à lui tenir compagnie durant son aventure. Aujourd’hui encore, elle ignore s’il s’agissait de l’une des épreuves à laquelle l’avait confrontée le Labyrinthe, mais le fait est qu’elle n’était pas parvenue pas à la surmonter. En moins d’un quart de journée, elle avait fini par fausser compagnie au papy grincheux et rentrer chez elle en pestant contre la moitié de l’Esquisse connue.

Elle ne peut qu’espérer que ça ira mieux cette fois.

Quand elle arrive au lieu dit, son premier réflexe est de s’assurer que personne ne se trouve à proximité. C’est d’une part pour s’assurer de ne pas renouveler l’expérience de la fois dernière, et d’autre part parce qu’elle avait juré après coup et devant témoins qu’elle ne remettrait plus les pieds ici. Fort heureusement, il semble ne se trouver personne à une lieue à la ronde. Elle inspire un grand coup, comme avant de résoudre le dernier produit tensoriel censé mener à un résultat physique hors du commun, puis se décide enfin à franchir l’entrée.

Dès le premier croisement, elle décide de tourner à gauche par une sorte d’instinct qui lui dit de tout faire différemment de sa première fois. En l’occurrence, ça ne fait pas vraiment de sens, puisqu’elle n’était pas passée par l’entrée à l’époque, mais ça la conforte psychologiquement. Elle observe attentivement chaque recoin des murs pour s’assurer que rien n’en sorte qui puisse la surprendre, à tel point qu’elle en vient à se demander pourquoi elle a décidé de revenir ici si c’est pour redouter tout ce qu’elle pourrait y trouver. Mais c’est au second virage que l’attend sa première péripétie.

Elle traverse l’angle du chemin, les yeux toujours rivés sur le mur, et ce n’est qu’en relevant le museau vers le couloir dans lequel elle s’enfonce qu’elle l’aperçoit. Une vieille dame qui l’attend.

Une avalanche de réminiscences traumatiques vient la frapper. Elle affronte un instant le désir de prendre ses jambes à son cou et décréter une bonne fois pour toutes qu’elle ne les y foutra plus ici, puis tente de se calmer en récitant des nombres premiers dans sa tête. Tous les vieux ne sont pas forcément séniles et aigris, se répète-t-elle avec peu de conviction. Elle entame quelques pas pour se présenter à la vieillarde, avec l’intention de la gratifier d’une salutation, mais avant qu’elle puisse prononcer un mot, c’est la vieille dame qui amorce la conversation :

« Bonjour, ravissante jeune fille, commence-t-elle d’une voix tremblante. Êtes-vous venue tenter votre chance à travers les mystères insondables de ce méandre aux cent périls ? »
« Oui, madame, répond Penrose avec autant de politesse qu’elle parvient à forcer. Mais cette fois, c’est cuit, j’y vais seule. »

La vieille femme commence à rire, d’une façon à la fois gênante et encore plus gênante. Elle se déhanche dans ses haillons de paysanne pour faire mieux face à Penrose, puis lui annonce avec un sourire révélant l’état lamentable de sa dentition.

« Mais je ne me propose pas de vous accompagner, mon enfant. Je ne suis pas une pauvre âme errante à la recherche d’un compagnon de route. Je suis le rêve et le cauchemar des voyageurs égarés, bienfaitrice et malfaitrice à la guise de votre funeste destin. Je suis… Baba Yaga ! »
« Qui ça ? »
« Baba Yaga ! La sorcière, la vieille dame ravisseuse, la fée de l’Onde Noire… »
« Oh. On avait une prof’ de mécanique des fluides que mes amis de la fac’ appelaient "Baba Yaga", mais j’avoue que j’avais jamais su pourquoi. »
« Plaît-il ? »
« Oui, c’était notre camarade français qui avait lancé l’idée. À l’époque, je n’osais pas trop lui parler, donc je ne lui ai jamais demandé. »

Penrose se sent presque désolée de constater la mine consternée de son interlocutrice à la suite de sa dernière phrase. Elle devrait sans doute faire plus d’efforts pour contribuer au mystique de la situation et ne pas froisser cette vieille dame, mais son esprit volatile en a décidé autrement.

« Vous vouliez me dire quelque chose ? », reprend-elle avec l’espoir de revenir sur un semblant de sérieux.
« Impertinente ! » La voix de Baba Yaga devient soudainement plus grave et moins chevrotante. « Quiconque me croise sur sa route doit se soumettre à mes volontés ! Et puisque tu as la langue bien pendue, je te propose un petit jeu qui t’apprendra à la tourner sept fois dans ta bouche avant de t’exprimer ! »
« Un jeu d’énigmes ? »
« Tu peux le présenter comme ça. Il s’agit du jeu du "Tu préfères… ?" »
« C’est… »
« Silence, ça sonne mieux en russe. »
« Oh, je vois. Et c’est quoi, exactement ? »

La mine de Baba Yaga se fronce de nouveau, toujours avec ce même sentiment de consternation. À nouveau, Penrose se sent un peu honteuse de ruiner la fantaisie du moment, elle qui est pourtant si encline à défendre les atmosphères enchanteresses.

« Pardonnez-moi… À quelles règles funestes, sorcière, escomptez-vous donc me soumettre ? »
« Je te proposerai deux alternatives de ton destin proche, deux alternatives que j’aurai sciemment tissées par mes soins, et je te demanderai laquelle des deux perspectives te paraîtra la plus alléchante. Celle que tu auras choisie aura valeur de prophétie, et se réalisera inéluctablement. Il ne te sera pas possible de te défiler simultanément de tes deux options. Il te faudra donc choisir très sagement, car tu découvriras vite combien ton instinct peut te trahir. Une fois que tu auras fait ton choix, tu pourras en récompense me soumettre toi-même à un dilemme similaire. Et nous continuerons ainsi jusqu’à ce que je décide de la fin de la partie. »
« Maudit, vous me parlez d’un jeu à la con. »
« Silence ! »

Malgré sa confiance relative, Penrose commence à réaliser que si elle est soumise à une telle épreuve, surtout en sachant que l’initiative est entre les mains de son adversaire, il pourrait bien lui en coûter. Il suffit qu’elle soit confrontée à un choix du genre découvrir abandonner sa chère théorie des espaces indomptables ou abandonner tout espoir de jamais rencontrer quelqu’un d’aussi fantaisiste qu’elle pour que sa vie soit ruinée.

« Je sais à quoi tu penses, jeune fille. Et tu vas regretter d’accorder tant d’importance à certaines choses, car voici ton premier dilemme : Préfères-tu découvrir une erreur dans ta théorie des espaces indomptables que je n’ai pas eu le courage de lire en entier mais je que te sais très chère, ou perdre de vue ton collègue Langevin à tout jamais, le seul à t’avoir jamais encouragée dans tes lubies mathématiques au point d’adapter une de ses feuilles de résultats en base numérale 5 avant de te la transmettre ? »
« Découvrir une erreur dans la théorie des espaces indomptables. »
« Vraiment ? Es-tu bien sûre de ce choix que te dicte ton instinct qui pourrait s’avérer trompeur ? »
« Ben oui, la question ne se pose même pas. Je me doute bien que je vais trouver des erreurs dans ma théorie, c’est toujours le cas. D’ailleurs, si vous me proposez cette alternative, c’est qu’il doit exister au préalable cette erreur que je suis censée trouver un jour, c’est comme dans le paradoxe du devin. »
«  »
« Mais si, c’est le problème où un devin vous propose deux enveloppes et… »
« Je sais très bien ce qu’est le paradoxe du devin, idiote ! »

Bien que Baba Yaga semble à nouveau dépitée par la situation, ce n’est cette fois pas pour déplaire à Penrose, qui ressent après coup un intense soulagement. Cette vieille sorcière n’a pas l’esprit scientifique, et s’est laissée berner par son incompréhension du domaine par lequel elle voulait l’attaquer. La gaieté de la vie de Penrose vient d’être sauvée par une erreur miraculeuse. Comme quoi…

« Bien, tu remportes cette manche. Mais c’est moi qui décide quand le jeu s’arrête ! Propose-moi ton choix, et prépare-toi à endurer tes dilemmes suivants ! Je ne me laisserai pas duper une deuxième fois ! »
« Vous préférez me donner systématiquement des choix qui me sont bénéfiques ou que je vous donne systématiquement des choix qui vous nuisent cruellement sans que vous n’y puissiez rien faire malgré votre profonde intelligence ? »
«  »
« Quand je vous disais que votre jeu était stupide. »

La vieillarde semble tomber des nues. Penrose peine à imaginer comment elle a pu développer son jeu sans penser à cette éventualité. Certes, à l’époque, tout le monde n’avait pas l’éducation d’une doctorante scientifique, mais tout de même. Si cette sorcière est assez omnipotente pour courber le destin à sa guise, c’est quand même un comble d’être aussi cruche.

« Je ne sais pas si j’ai le droit d’influencer votre réflexion, mais vous avez sans doute beaucoup plus à gagner à me ficher la paix. »
« Silence, impertinente ! J’accepte que tous les choix que je te propose puissent t’être bénéfiques. Mais si tu crois avoir acquis une quelconque forme d’immunité, tu te trompes lourdement ! Car voici mon second dilemme : Préfères-tu abandonner ton intelligence, et te conforter dans un esprit simple et affranchi des préoccupations cruelles de la philosophie, ou obtenir un manteau neuf ? »
«  »
« Non, ce n’est pas ce que je voulais dire ! La deuxième option était d’abandonner tes connaissances pour avoir à nouveau un monde entier à découvrir ! »
« Mais ça ne m’est pas bénéfique, ça. J’en ai déjà un, de monde entier à découvrir. C’est l’Esquisse. Et perdre mes connaissances ne m’avancera qu’à perdre les outils qui me permettent de comprendre ce que j’y découvre. C’est pour ça que vous n’avez pas pu le dire. »
«  »
« Et du coup, je veux bien un manteau neuf. »

À ces mots, le manteau de Penrose se débarrasse soudainement de toute macule ou trace d’usure, et arbore alors une teinte resplendissante à la lueur du ciel d’Esquisse. La vieille femme est à bout de nerfs, mais Penrose n’arrive même plus vraiment à ressentir de l’empathie pour elle. Elle reprend donc la parole sans plus demander quelque forme de permission :

« Votre deuxième choix est le suivant : Vous préférez abandonner ce jeu stupide et terminer ça sur une bonne vieille partie de cartes, ou persévérer en sachant que vous ne pourrez plus non plus me proposer des choix qui me sont ne serait-ce que partiellement nuisibles ? »
« Je… je n’ai pas de cartes sur moi. »
« Vous allez me faire croire que vous pouvez modeler la réalité pour l’accorder aux règles de votre jeu mais pas pour trouver un paquet de cartes ? »
« C’est bon, ça ira ! J’accepte d’abandonner cette fichue mascarade. »

Aussitôt que Baba Yaga a prononcé ces mots, un paquet de cartes sur pattes sort de derrière le virage en courant, poursuivi par une sorte de grand rat aux poils zébrés. Dans sa course, il laisse tomber derrière lui toutes les cartes qui le composaient, pour ne plus finir qu’à l’état de carton vide quand le rat finit par l’attraper. Penrose ramasse et rassemble le tout, prenant en pitié la vieille sorcière qui ferait bien de ménager son dos en plus du reste, puis tend finalement le tout à cette dernière.

« Allez, sans rancune. C’est l’équivalent d’un tarot entier, on part sur le jeu que vous voulez. »
« Ah ! Alors je te propose une séance de tarot divinatoire, dans laquelle tu devras confronter ton destin au tirage des cartes, selon les interprétations que j’en ferai ! Si tu parviens à braver cette épreuve sans perdre tout espoir en la prospérité de ton avenir, tu pourras alors me soumettre au même exercice sur la base de tes interprétations ! »
« Crisse, vous avez vraiment un don pour les jeux à la con. »