L'arbre qui cache la forêt
Stepan Volkov
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Stepan Volkov
Commissaire Politique
Ven 11 Mai - 15:44
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Surnom :: Le Sombre
- Gadzhi, petit cachottier, murmura le commissaire pour lui-même.

Un sourire sincère, doublé d'une lueur de cynisme dans le regard, Stepan Stepanovitch ne pouvait s'empêcher de rire doucement en déchiffrant minutieusement le code dessiné sous ses yeux. Le carnet du vieux colporteur était une véritable mine d'or, doublée d'un chef d'oeuvre du cryptage. La Section Lénine formait décidément merveilleusement bien tous ses membres.

D'apparence banale - même si un véritable carnet se vendait aujourd'hui très cher, du fait de sa rareté - l'oeil non averti ne verrait qu'une succession de notes personnelles sans grand intérêt sur les pages abîmées et jaunies par le temps. Mais Stepan savait, il voyait tous les petits signes qui indiquaient l'air de rien qu'un message se cachait derrière cet ennuyeux carnet de notes.

Et Nina qui ne se doutait de rien...

Il avait fallu un petit moment au Commissaire Politique afin de comprendre le mécanisme derrière ce cryptage, qui permettait à la fois de cacher des informations essentielles, mais également de laisser un message à qui trouverait ce carnet. Car si ce carnet n'était pas en la possession de ce vieux vétéran de colporteur, c'est qu'il lui était arrivé quelque chose.

Et Stepan dédouanait sa conscience ainsi. En se disant qu'il fouillait dans la vie personnelle d'un frère d'armes - même si cela faisait partie de son boulot - mais qu'il le faisait pour essayer de le sauver. Car l'attitude de la petite étoile montante de la Ligne Rouge ne lui avait pas échappé, elle était inquiète pour son oncle. Et si elle venait confier un objet personnel à un commissaire politique, c'est qu'elle était sereine quant aux convictions de son propriétaire, car en règle générale, les habitants de la Ligne Rouge évitaient les gens de son espèce, de peur de faire un faux-pas. Une chance alors qu'elle ait eu la présence d'esprit de lui donner à lui, et non à un autre commissaire.

Car il était capable de lire entre les lignes, et surtout, il y apprenait des choses véritablement croustillantes.

Nika et Gadzhi donc ? Il ne s'en serait jamais vraiment douté. Stepan avait même pendant un temps été convaincu que sa camarade, qu'il appréciait beaucoup au demeurant, n'était tout simplement pas intéressée par les hommes. Mais à dire vrai, il comprenait que le charme du colporteur puisse conquérir une femme de cette trempe. Cela étant dit, des psychotropes ? Gadzhi avait l'air de tout sauf d'un trafiquant de drogues, et Veronika d'une junkie. Les gens réservent bien des surprises. Et il comptait bien garder ces surprises pour lui, peut-être un jour lui serviraient-elles.

Mais son étonnement ne s'en arrêta pas là, et sa curiosité fut de nouveau piquée à vif lorsqu'il comprit que la jeune Nina cachait un secret bien plus lourd encore...

- La petite étoile montante... murmura-t-il encore pour lui-même.

Il fallut un petit temps de réflexion au Commissaire Politique pour décider de ce qu'il voulait faire d'une telle information lorsqu'il comprit de quoi il s'agissait. Une mutation ? Voilà qui était troublant. D'un geste hésitant, il attrapa alors le téléphone sur son bureau, relié au secrétariat de leur QG :

- Camarade Alexandr Viktorovitch ? entama finalement Stepan Stepanovitch de sa voix affable et ferme à la fois, ici le camarade Politkom Stepan Stepanovitch, j'ai besoin de voir le camarade Nina Gadzhievna Platonova, dites-lui que c'est urgent.

- Tak tochno, camarade commissaire, répondit la voix du soldat avant de raccrocher.

Stepan perçut un bref échange de mots dans le bureau où se trouvaient les soldats affectés au secrétariat, et des pas qui s'éloignaient vivement. Il se replongea alors dans le déchiffrage du carnet, où il espérait trouver des indices sur l'endroit où se trouvait son frère d'armes. De toutes les infos qu'il trouvait, c'était celle dont il avait le plus besoin qui lui manquait le plus...
Nina Platonova
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Nina Platonova
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Lun 14 Mai - 20:44
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Pas un seul instant elle n’avait songé au carnet de son oncle. Dès le moment où Veronika se l’était appropriée, Nina l’avait rayé de son périmètre d’action. Pour ce qu’elle en savait, Gadzhi tenait essentiellement à l’écrit ses déplacements et les transactions qu’il effectuait. Pour le reste, il s’était toujours targué de faire fonctionner sa mémoire, autant pour l’entretenir que pour assurer sa fiabilité auprès de ses clients. Ne laisser aucune trace derrière soi. Du moins c’est ce qu’avait cru Nina, n’ayant jamais vu le colporteur écrire la moindre chose digne d’intérêt dans le carnet qu’il tenait à jour sans même chercher à le porter en permanence sur lui. Une espèce de carnet de compte, comme devait en tenir les marchands, ambulants ou non. Ainsi la jeune stalker n’avait pas cherché à en apprendre davantage, se fiant sur le sujet aux déductions de la commissaire politique. Seulement, au moment où son regard se braqua sur le carnet à la couverture élimée, elle sut qu’elle avait commis une erreur.

La jeune femme n’avait pu retenir un frisson lorsqu’un camarade dont elle ignorait le nom avait frappé à sa porte. En débardeur, les mains couvertes d’huile et de poudre noire, elle venait de terminer de nettoyer son armement et s’apprêter à s’occuper de ses cartouches. Elle s’était levée, non sans avoir poussé un soupir, s’était essuyée rapidement les mains sur un vieux morceau de bandage qui lui servait de chiffon puis avait ouvert la porte. A son grand regret cette dernière ne comportait aucun oculaire si bien qu’elle ne pouvait deviner l’identité de son visiteur. Face au visage inconnu, elle avait haussé un sourcil puis articulé un vague salut, visiblement contrariée d’être ainsi dérangée. Nina n’était pas du genre à recevoir de visites imprévues et, par expérience, elle savait que celles-ci ne présentaient généralement rien de bon. Une fois de plus, son instinct avait vu juste lorsque le soldat récita son ordre en ne lui laissant aucune marge de discussion. Sans se laisser démonter, la jeune femme avait grogné un vague acquiescement, l’air visiblement indifférent puis avait quitté la porte sans la refermer. Elle avait terminé de s’essuyer les mains, abandonnant l’idée d’en ôter les sillons noirs incrustés sous les ongles et les replis de ses mains abimées. Elle avait ensuite enfilé un pull en laine épais qui couvrait astucieusement ses formes tout en dévoilant les insignes de sa fonction, enfourné une boite en métal dans la poche arrière de son pantalon puis refermé la porte derrière, prête à suivre l’émissaire.

Pourtant, à mesure qu’elle évoluait dans les corridors, elle sentait son cœur s’emballer. La convocation ne signifiait clairement rien de bon. En dehors de Veronika, et à son grand regret, Nina s’appliquait à ne pas attirer l’attention des commissaires politiques. Bien évidemment, il en allait de même pour pratiquement tout être sensé au sein de la Ligne Rouge. Il n’y avait donc rien de véritablement étrange à sentir l’appréhension s’insinuer dans chacun des pores de sa peau. Le regard rivé droit devant elle, emboitant le pas de l’émissaire, elle n’avait pratiquement pas conscience des personnes qui croisait son chemin. Son esprit ne cessait de s’activer sur les hypothèses d’une telle convocation. L’histoire avec Airat aurait-elle pu remonter jusqu’à ce commissaire Volkov ? Et surtout en quoi cela aurait-il pu l’intéresser ? Faute de postulat plus probant, Nina se rangea sur celui-ci et chassa toute autre pensée parasite. Lorsque l’émissaire s’arrêta devant une porte, s’effaçant pour lui en céder le passage après avoir toqué à deux reprises, elle marqua un temps d’arrêt. Par réflexe, elle jeta un regard aux alentours. Une voix lui répondit de l’autre côté du panneau et elle posa la main sur la poignée. Se ménageant une seconde, elle tenta de se constituer une figure impassible puis poussa la porte.

A peine avait-elle passé l’encadrement de la porte que son regard s’était accroché au journal qui trônait sur le bureau, ouvert en son milieu et encadré d’une paire de main aux ongles impeccables. Refermant machinalement la porte derrière elle, Nina avait alors rapidement détaché son regard de l’objet pour croiser celui de son bourreau. Un long frisson l’avait parcourue, son angoisse à peine amoindrie par le sourire sympathique qu’arborait le commissaire politique. Détournant aussitôt le regard et se faisant violence pour ne pas reculer, la jeune femme avait alors un peu relevé la tête et s’était redressée en un semblant de salut. Aussitôt, les automatismes soigneusement ancrés reprirent le dessus.

- Camarade commissaire, camarade Nina Gadzhievna Platonova.

Elle s’exprimait d’une voix que l’expérience rendait sûre. Loin de se détendre pour autant, elle conservait la raideur d’un salut militaire, attendant une instruction qui ne vint pas tout de suite. Jusqu’ici, elle observait un point au-dessus de l’épaule du commissaire, s’efforçant à ne pas le fixer directement. Elle inspira lentement, se forçant une expression calme et placide. Et alors que le commissaire s’apprenait à prendre la parole, elle croisa son regard et se figea. Il savait. La certitude s’insinua en elle, embrouillant tout le reste de ses pensées.
Stepan Volkov
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Stepan Volkov
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Mar 5 Mar - 20:54
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Le commissaire réprima difficilement un sourire affable - presque complice - lorsque la jeune femme entra dans son bureau. Il ressentait cette discrète satisfaction d'avoir appris un secret dans le plus grand des secrets, et de posséder une vérité ignorée des autres, dont il pouvait se servir à sa guise. Le genre de savoir qui vous rendait puissant intérieurement. Le genre de pouvoir qui procurait une excitation difficile à contenir : à quel moment était-il le plus opportun d'utiliser ce levier ? Etait-il opportun de l'utiliser tout court ? Parfois, le simple fait de laisser planer le doute sur une découverte majeure vous donnait un pouvoir insoupçonné. Car le doute poussait à l'erreur, et le travail de Stepan Stepanovich était justement de pousser ses victimes à l'erreur.

Mais son sourire carnassier ne se découvrit pas pour autant. Nina n'était pas une ennemie, ni même une adversaire, bien au contraire. Elle était une alliée précieuse qui s'ignorait, et qu'il fallait utiliser à bon escient. Il n'était pas nécessaire de la mettre mal à l'aise, ou de la placer dans la disposition d'une captive que l'on interroge. Non, la petite étoile montante de la Ligne Rouge devait même être protégée coûte que coûte, sans même qu'elle ne le sache. Et Stepan se faisait un devoir d'élever au rang de demi-dieu les héros communistes qu'ils réussissaient à déceler, tout en s'assurant que jamais ils ne nuisent au pouvoir en place. Car les héros restaient des outils, des armes, des objets sans âme qui voix au chapitre que s'ils suivaient la ligne du Parti.

Et l'intraitable commissaire avait élevé des étoiles, comme il avait pu en faire exploser d'autre. Sans la moindre pitié.

Stepan laissa ainsi Nina se présenter, et prit une inspiration pour répondre, mais s'arrêta net l'espace d'un instant. Il sentait quelque chose. L'air de rien, il enchaîna cependant d'un geste de main amical invitant la jeune femme à s'asseoir face à lui.

- Camarade Platonova, je vous en prie, asseyez-vous, intima-t-il de cette amicale politesse qui ne souffrait pas de refus, vous êtes en territoire ami ici.

Il la laissa alors s'installer comme elle le souhaitait, et poursuivit sans lui laisser le temps de prendre la parole :

- Tout ce qui se dit entre ces murs ne sortira pas d'ici, je ne vous ai pas convoqué en tant que commissaire mais en tant qu'ami de votre oncle, qui en plus d'être un élément indispensable à la Mère Patrie, est un proche en qui j'ai placé une entière confiance. Vous pouvez donc compter sur moi pour mobiliser tous les moyens à ma disposition pour retrouver sa trace.

Stepan Stepanovich posa alors sa main sur le carnet pour le saisir, le feuilleta un instant d'un air distrait, puis en le refermant, l'agita du bout des doigts. Il était étrangement sincère lorsqu'il disait que rien ne sortirait de ces murs, mais il restait commissaire politique, et il savait pertinemment que gagner la confiance de la jeune femme ne serait pas chose aisée. Il choisit cependant de ne pas dévoiler toutes ses cartes tout de suite, et omit volontairement de mentionner les secrets que contenaient les pages de ce précieux carnet :

- Ce carnet est tout ce qu'il y a de plus banal, et ne paraît pas renfermer véritablement d'informations sur l'endroit précis où pourrait être Gadzhi, mais je dois continuer à l'étudier, car quelque chose me dit qu'il pourrait être d'une aide cruciale au cours de mon enquête... que j'ai volontairement choisi de ne pas ébruiter outre mesure, bien entendu.

Le commissaire politique posa alors ses yeux sur Nina. Il aimait bien cette jeune femme. Quelque chose au fond de lui intimait à cet enquêteur chevronné d'apprécier l'étoile montante de la Ligne Rouge. Pourquoi ? Il soupçonnait tout d'abord de basses pulsions charnelles, Nina Gadzhievna étant, il fallait le dire, une très belle femme selon ses standards. Mais au-delà de la chimie opérant dans son bas-ventre, il aimait cette discrétion et cette capacité à ne rien laisser transparaître de ses secrets dont elle faisait preuve. Elle était un coffre-fort qu'il prenait plaisir à étudier, sans même chercher à le forcer. Parfois, le simple mécanisme d'un verrou était bien plus fascinant que ce qu'il renfermait, bien que Stepan ne doutait pas une seule seconde qu'il apprécierait tout autant ce qu'il trouverait derrière une fois ce coffre-fort déverrouillé.

- Néanmoins, connaissant le personnage, je soupçonne certaines petites choses...

Stepan laissa planer volontairement un silence, comme s'il cherchait ses mots, pour observer discrètement la réaction de la jeune femme, puis acheva l'air de rien :

- Qui sont ces marchands avec qui il semble s'acoquiner dernièrement ? Ce sont des fréquentations qui ne lui ressemblent pas...
Nina Platonova
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Lun 11 Mar - 14:27
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Asseyez-vous.

Une consigne claire qui imputait un acte simple. La jeune femme avait acquiescé d’un léger mouvement de tête avant de tirer une chaise à elle et de s’y assoir. Dos droit et épaules rejetées vers l’arrière, elle fixait désormais l’oreille droite du commissaire. Au fond d’elle-même, elle sentait tous les signaux de panique s’éveiller rapidement. Il s’en fallait de peu pour qu’elle succombe à l’envie de crisper ses mains sur le rebord de sa chaise pour repousser l’envie d’évasion. En lieu et place, elle arborait un visage impassible, le corps parfaitement raide tandis que le commissaire se lançait dans un exposé qui n’avait pour elle aucun sens. Elle n’y trouvait aucun écho, complètement focalisée sur les phrases qu’elle se répétait mentalement pour recouvrir son calme. Son oncle était à l’origine même de cette technique, exercé aux mantras pour surmonter les moindres difficultés de l’esprit. Nina cligna des yeux à deux reprises. Elle ne devait pas penser à son oncle. Elle devait se focaliser entièrement sur le commissaire qui venait de la convoquer et, si possible, lui apporter les réponses satisfaisantes pour qu’il la laisse repartir sans encombre.

Comme Stepanovitch en appelait à sa confiance et à son intégrité, la méfiance de la jeune femme s’éleva d’un cran. Un léger tressaillement au niveau de ses machoires manqua de la trahir tandis qu’elle focalisait sur la tempe du commissaire, évitant toujours soigneusement son regard. Jusqu’ici, elle avait mené l’enquête seule et avec les moyens à sa disposition. Veronika était bien venue s’en mêler mais pour des motifs qu’elle n’était pas parvenue à deviner. Et maintenant Stepan entrait dans la danse et proposait son assistance. Indépendante, cruellement solitaire, la jeune stalkeuse soupçonnait désormais son oncle de lui avoir dissimulé bien trop de secrets. Deux commissaires s’intéressaient à sa disparition et rien n’était anodin au sein de la Ligne Rouge. Dans quoi était allé se fourrer Gadzhi ? Où était-il parti et sur qui était-il tombé ?

- Connaissant le personnage, je soupçonne certaines petites choses…

Plongée dans ses pensées, Nina n’avait pas vu venir le coup. Sous l’effet de surprise, ses yeux étaient venus à la rencontre de ceux du commissaire. Sourcils arqués, lèvres fermement closes, elle ne voyait pas où il voulait en venir. Commerce de contrebande ? Vente d’informations ? Gadzhi n’y avait certainement pas échappé au cours de sa carrière de colporteur mais n’était-ce simplement pas un moyen de forger de la monnaie avec laquelle obtenir des faveurs et des informations pour la Ligne Rouge ? Pas un instant Nina n’avait douté de l’intégrité de son oncle et de sa loyauté envers leur faction. Les questions du commissaire Volkov venaient cependant remettre en doute une bonne partie de ses certitudes concernant le colporteur. Sourcils froncés, Nina ne cherchait pas à dissimuler sa perplexité. Lèvres pincées et regard baissé, elle rassemblait tous les éléments qui concernaient la disparition de son oncle.

- Je l’ignore, camarade commissaire. Depuis que j’ai rejoint les rangs des stalkers, je n’accompagne plus mon oncle lors de ses déplacements. Je n’ai plus suivi ses affaires depuis 14 mois environ. On se retrouvait régulièrement, on se donnait des nouvelles sur nos tâches respectives mais je ne me souviens pas qu’il m’ait parlé de nouveaux contacts particuliers.

Le regard de la jeune femme était venu s’ancrer dans celui de son aîné.

- Pour être tout à fait honnête, j’étais plus intéressée d’avoir des nouvelles de nos connaissances communes que de ses dernières rencontres.

Veronika n’avait-elle pas évoqué un contact avec certains marchands lorsqu’elles avaient fouillé ensemble la chambre de son oncle ? Elle avait certainement dû mettre son confrère au parfum avant de lui confier le carnet et, visiblement, la suite de l’enquête. Même si elle ne souhaitait pas compromettre Gadzhi, Nina était honnête concernant les informations qu’elle détenait. Elle n’avait plus vu son oncle depuis bientôt deux mois et ne possédait pas l’ombre d’un indice le concernant. Elle avait bien failli mettre le doigt dessus avec Airat mais ce dernier lui avait échappé sous le coup d’un hasard bien capricieux. Il avait repris contact avec elle la veille, le visage émacié et l’air morbide en lui proposant un échange de service pour prix des informations qu’il détenait sur le colporteur.

- Lors de son dernier message, il m’annonçait son départ en direction des stations au nord. C’était au moment où nous parvenaient les nouvelles d’une épidémie du côté de l’alliance V.A.R, depuis plus rien…

Ses paroles s’étaient tues dans un murmure. L’espace d’un instant, elle avait bien failli lui parler d’Airat et des informations qu’il semblait détenir. Elle s’était abstenue de justesse. Non seulement elle ne tenait pas à attirer l’attention du commissaire Stepanovitch sur Airat mais la piste que lui fournissait ce dernier pouvait très bien se révéler sans issue. Les informations qu’il semblait détenir sur Gadzhi remontaient depuis un moment déjà…
Stepan Volkov
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Stepan Volkov
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Mer 13 Mar - 18:52
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Elle esquivait.

La jeune étoile montante esquivait le vrai sujet. Elle ne lui disait pas tout. Stepan Stepanovich était bien trop rodé aux interrogatoires en tout genre pour savoir quand quelqu'un savait des choses, et ne les livrait tout simplement pas. Et si ce genre de constat avait d'ordinaire pour effet de l'agacer au plus haut point, il décida de passer outre pour cette jeune femme qui lui plaisait un peu trop pour son propre bien. Et s'il avait bien vu le petit manège de son regard, qui s'était évertué à esquiver ses yeux clairs comme la glace, il n'eut pas de mal non plus à remarquer ce qui attirait l'attention de la jeune femme.

Des connaissances communes ?

Stepan se demanda s'il y avait quelque chose à comprendre derrière cette expression à l'allure anodine. Il décida de ne pas s'y attarder, et de se concentrer sur le reste. Le nord ? Au beau milieu de l'épidémie qui menaçait VAR ? Que diable était-il parti y faire ? Il était vrai que Gadzhi n'avait jamais eu aucun mal à se faufiler parmi les lignes ennemies de la Hanse, mais ce blocus désormais achevé avait mis à mal ses propres contacts, pourtant solidement ancrés et parfaitement fiables...

- Hum... murmura-t-il en guise de réaction perplexe à la déclaration de la jeune femme, durant le blocus donc ? Il devait avoir de bonnes raisons de se diriger vers le nord alors, le Gadzhi que je connais est pourtant réputé être prudent...

Mais quelles pouvaient être ces bonnes raisons ? Naturellement, il ne cherchait pas à savoir quelles étaient les missions individuelles de ses camarades de la Section Lénine, par souci de cloisonnement, tout comme il se gardait bien de parler des tâches qu'il pouvait effectuer seul au profit de cette unité secrète. Mais il savait néanmoins beaucoup de choses malgré lui, par le biais d'informateurs et de contacts judicieusement choisis au sein de chaque strate de la société. Dubitatif, il plongea son regard dans le vide, les sourcils froncés, et tapota du bout des doigts sur le bureau, comme si cela l'aidait à réfléchir. Il avait déjà passé quelques coups de fil quand il avait compris que le colporteur ne répondait plus à l'appel, mais aucun ne s'était avéré fructueux ou digne d'intérêt. Pouvait-il être tout simplement mort dans un tunnel, dévoré par une créature sortie des tréfonds du Métro ? C'était une hypothèse qu'il ne pouvait écarter, bien qu'elle lui paraissait peu probable. Ou alors souhaitait-il tout simplement se mettre au vert et disparaître des radars suite à une mauvaise rencontre ? C'était probable, avec les missions qu'il pouvait effectuer en secret... Quand à une possible défection, elle lui semblait presque impossible, Stepan Stepanovitch ne savait que trop bien ce qu'il en coûtait de rejoindre les rangs de la Section Lénine pour imaginer trahir sa faction.

Il restait peut-être un contact au commissaire politique, qu'il n'appréciait guère au demeurant, mais qui pouvait lui apporter une réponse s'il avait un peu de chance - et s'il présentait les bons arguments...

Il reporta alors son regard sur Nina, et proposa :

- Il se trouve que je connais un marchand qui connait un des marchands avec qui aurait pu s'acoquiner Gadzhi. Ce n'est pas quelqu'un de très fiable ni de très communiste, et qui traîne davantage avec des truands qu'avec d'honnêtes citoyens, mais pour certaines raisons que je ne développerai pas, il me doit un service... Je peux aller lui poser quelques questions en personne, et je vous suggère même de m'accompagner si vous voulez des réponses au plus vite.

Une nouvelle proposition qui s'apparentait davantage à un ordre poliment formulé qu'à une véritable suggestion.

- Par contre, il se trouverait à la limite de notre périmètre de sécurité, au sein de notre zone tampon, et ce n'est pas l'endroit le plus sûr de la Ligne Rouge. Nous pouvons faire un détour par chez vous si vous le souhaitez, je vous conseille vivement de vous armer convenablement, on ne sait jamais... Ou alors nous pouvons vous procurer l'équipement dont vous avez besoin ici même, c'est vous qui décidez.

Le commissaire politique attrapa alors le combiné de son téléphone installé sur son bureau, et ordonna sans plus attendre, abandonnant toute intonation polie et affable :

- Camarade Alexandr Viktorovitch, équipez-vous, nous partons en Bordure.

Pas besoin de préciser qu'il ne tenait pas à ce que sa sortie s'ébruite, les hommes à tout faire qui constituaient la garde prétorienne de Stepan Stepanovitch avaient appris à tenir leur langue - au risque de la perdre...
Nina Platonova
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Lun 18 Mar - 15:04
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Surnom :: Ninochka
Toujours dressée sur sa chaise, le dos frôlant à peine le dossier, Nina osait s’aventurer dans le regard polaire du commissaire. En dépit de ses airs graves, il semblait plus jeune qu’elle ne l’avait imaginé. L’ayant toujours soigneusement évité jusqu’ici, elle ne connaissait de lui qu’une réputation de fervent serviteur de la cause communiste. Elle découvrait désormais un personnage complexe dont le zèle n’était certainement pas la seule qualité. Stepan était intelligent, obstiné et dangereux. Mais alors qu’elle voyait le cours de la conversation aboutir vers une impasse, se préparant déjà à être congédiée, le commissaire rebondissait sur une nouvelle proposition.

Le frisson qui avait parcouru la jeune femme alors qu’elle se redressait davantage ne lui avait certainement pas échappé. Nina recueillait les informations du commissaire avec un léger froncement de sourcil. Elle ne cherchait pas à cacher ni sa perplexité, ni son appréhension. Si au quotidien la jeune stalkeuse devait faire face à des situations impromptues dans lesquelles était mise en jeu sa survie, elle n’aimait pas partir en mission sans aucune préparation. Le briefing de Stepan était trop sommaire, les informations trop éparses et les délais définitivement trop courts. Nina devait réfléchir à la proposition, analyser le ratio bénéfice/risque et préparer le matériel en conséquence. Evidemment, le commissaire ne lui en laisserait pas l’occasion. Le ton péremptoire sur lequel il venait de lancer sa proposition ne trahissait aucune ambiguïté

Les mains resserrées sur les accoudoirs de son fauteuil, Nina se retenait de se lever d’un bond. Stepan était presque déjà debout, prêt à partir alors qu’il reposait le combiné de son téléphone. Comme son regard croisait de nouveau le sien, l’interrogeant du regard, elle lui répondit d’une moue circonspecte, lèvres pincées et sourcils froncés.

- J’aurais besoin de faire un crochet par mes quartiers pour récupérer mon équipement, camarade commissaire.

Comme s’il avait attendu son signal pour se lever, Stepan se redressait d’un coup et repoussait la chaise sur son bureau. Il attrapait au passage son célèbre manteau de commissaire. Electrisée par le claquement des talons de bottes sur le béton ciré, Nina se leva à son tour, roide comme un morceau de bois. La tête légèrement rentrée dans les épaules, il était bien difficile de dissimuler son malaise. Les événements se précipitaient, tout allait trop vite, elle sentait la situation lui échapper progressivement des mains. Cherchant le regard du commissaire, Nina s’y accrocha et y affermit ses résolutions. Elle n’était plus seule à la recherche de son oncle. Désormais, il lui faudrait suivre les instructions du commissaire et, si possible, ne pas trop attirer sa curiosité.

*
**

Subordonné méthodique et efficace, le camarade Viktorovitch les attendait à la sortie des quartiers réservés aux bureaux administratifs et politiques. Alors qu’ils parvenaient à sa hauteur, il salua le commissaire et la jeune femme avant de tendre au premier un sac en toile épaisse. Se tenant légèrement en retrait, Nina les entendit échanger quelques consignes. L’acolyte de Stepan semblait connaître le point de rencontre et ne devait certainement pas en être à son premier voyage. Quant à la jeune femme, sa dernière visite de la bordure s’était soldée par une étrange rencontre. Alors qu’elle descendait de la surface et s’apprêtait à rejoindre une station marchande de l’anneau, elle était tombée sur une jeune albinos. Elle avait prétendu venir de la Ligne Rouge et être à la recherche de ses proches mais, au niveau de la bordure, personne n’avait été en mesure de l’identifier. Le sujet était même probablement parvenu aux oreilles du commissaire Volkov.

Perdue dans ses pensées, Nina fut tirée de celle-ci par le claquement de doigt devant ses yeux. Elle s’ébroua et jeta un regard désolé à Stepan qui l’observait d’un air contrarié. La jeune femme balbutia une vague excuse avant de prendre la direction du groupe. Ses quartiers se trouvaient à moins d’un bloc. Elle déverrouilla la porte, jeta un coup d’œil par-dessus son épaule pour apercevoir les deux hommes légèrement en retrait quelques mètres plus loin puis poussa la porte et rentra dans sa modeste chambre. D’une sobriété déconcertante, la pièce présentait un aspect avant tout fonctionnel et épuré. Tout y était rangé méthodiquement. En l’espace de cinq minutes, Nina avait enfilé sa tenue de voyage, ses protections de combat et préparé son armement. Elle tira d’une caisse sous son lit son sac de combat dans lequel était déjà placé un kit essentiel de voyage. Elle y ajouta quelques rations normalisées et deux trois accessoires puis soupesa le sac avant de le passer sur ses épaules. Juste avant de quitter sa chambre, elle jeta un coup d’œil au reflet dans son miroir. Elle s’essuya l’intérieur des yeux et massa légèrement ses pommettes. La jeune femme s’exerça ensuite à quelques grimaces avant de passer la main dans ses cheveux et de repousser l’ensemble de la chevelure rebelle vers l’arrière. Les boucles indisciplinées firent un effort et s’enroulèrent de manière à ce que l’ensemble tienne à peu près en place. Sur cette petite victoire, Nina resserra la boucle de sa ceinture tactique, ajusta la sangle de son fusil d'assaut et ferma la porte de sa chambre derrière elle.

- Je suis prête, camarade commissaire, lança-t-elle en plaquant sa main gauche contre la garde de sa machette qui descendait le long de sa cuisse.
Stepan Volkov
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Stepan Volkov
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Dim 7 Avr - 13:58
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S'il y avait bien un avantage qui incombait au statut de commissaire politique, c'était celui de ne pas avoir à faire preuve de patience. Les subordonnés directs de Stepan l'avaient appris à la dure : s'il était un homme très patient dans son travail, il ne supportait pas l'inefficience, et lorsqu'il demandait quelque chose, tout devait avoir déjà été prévu depuis longtemps.

Ainsi, le commissaire politique n'avait pas eu besoin de demander à ce qu'on lui prenne ses affaires de voyage, que son homme de main le lui tendait à peine sorti. Stepan attrapa le sac en toile épaisse, qu'il passa sur ses épaules avec un remerciement sans prendre la peine de vérifier son contenu. Il avait fait ce sac lui-même, et faisait confiance aux hommes qu'il avait lui-même choisi. Il prit alors à part son acolyte, un jeune soldat aux traits fins mais durs dans un uniforme impeccable, armé d'une AK-74 passée sur l'épaule, pour lui glisser discrètement :

- Nous allons faire un détour par les appartements du Camarade Nina Gadzhievna avant de partir pour la Bordure, nous allons voir notre ami marchand. Considérez que la vie de cette jeune femme passe avant la votre.

- A vos ordres, camarade commissaire, acquiesça le jeune soldat.

- Le camarade Commissaire en chef est prévenu ?

- Le camarade Aleksandr Semionovitch est en route pour l'en informer.

- Bien. Allons-y alors, dit-il plus haut à l'intention de la jeune femme.

Devant son absence de réaction, Stepan Stepanovitch fronça les sourcils, s'approcha de Nina, puis claqua des doigts devant ses yeux d'un air impatient.

- En route, camarade Nina Gadzhievna, répéta-t-il plus sèchement.

***


Après avoir récupéré les affaires de la jeune femme, visiblement rodée à l'exercice, le trio s'exfiltra de la station par une draisine spécialement affrétée pour ce genre d'occasion et pilotée par un vieux soldat trapu, à la barbe blanche, sans nul doute habitué à ce genre d'escapade, et dont la loquacité devait être égale à celle d'un mur de tunnel. Stepan le présenta rapidement à Nina comme étant le "Camarade Gavril Kyrilovitch", et ce dernier se contenta d'un hochement de tête silencieux en guise de salut.

Banale, sans signes apparents, équipée seulement d'une mitrailleuse légère aisément accessible par l'arrière et où Viktor se posta sans poser de questions, la draisine fila à vive allure vers la Bordure, ne s'arrêtant que très brièvement aux points de contrôle. Les documents présentés par Stepan Stepanovitch suffisaient généralement à faire taire le plus tatillons des soldats en faction, et à ouvrir la barrière sans plus de cérémonie : plus vite ils étaient débarrassés d'un commissaire politique, plus vite ils pouvaient reprendre leur activité comme si de rien n'était.

Et s'il resta silencieux durant tout le trajet, à part lorsqu'il s'agissait de donner quelques brèves instructions au pilote ou à Viktor, ou bien pour répondre à des questions qu'on lui posait, Stepan ne put s'empêcher de jeter des petits coups d'oeil en coin à sa nouvelle protégée, qui même sous son épais attirail réussissait à trouver une certaine grâce dans les yeux glacés du commissaire politique. Elle lui plaisait. Et les secrets qu'elle gardait pour elle lui donnaient une valeur toute particulière aux yeux de Stepan Stepanovitch, qui trouvait dans ces cachotteries un véritable effet aphrodisiaque. Il retrouvait la sensation de ses enquêtes les plus complexes, et en oubliait presque ses monotones enquêtes internes...

Mais très vite - pour une draisine - ils parvinrent en Bordure, où il fallut cette fois que Stepan descende du véhicule pour parlementer seul à seul avec le chef de poste, visiblement plus inquiet qu'il ne s'agisse d'un test plutôt que d'une véritable sortie pour des raisons non-officielles. Usant cette fois de patience plutôt que de sa froide autorité, le commissaire fit planer la possibilité d'une récompense pour ce sergent un peu trop zélé une fois qu'il serait revenu, et repartit avec la bénédiction du soldat ayant soudain retrouvé un semblant de calme.

L'épaisse porte de la station s'ouvrit alors devant la draisine, qui s'infiltra mollement dans l'ouverture, sous les regards circonspects mais silencieux des gardes en faction. Puis, sans même prendre la peine d'attendre que le poste ne referme ses lourdes barrières derrière eux dans un effroyable grincement, le véhicule poursuivit sa route en accélérant un peu l'allure. Ils pénétraient désormais dans un territoire méconnu, tenu aussi bien par des créatures tapies dans l'ombre, que par des bandits à la conscience versatile. Mais à ce stade, et jusqu'à ce qu'ils trouvent le camp de marchands établi non loin, à quelques minutes de leur position, ils étaient à peu près en sûreté.

Néanmoins, cela n'empêcha pas Stepan Stepanovitch d'attraper une AK-74 dans une caisse blindée à côté de lui, et de la chambrer sans plus de cérémonie. Il chercha alors du regard les yeux de Nina, et l'invita d'un geste à faire de même : on était jamais trop prudent.
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