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Au rapport ! (NC+18)
Anna Volkovar
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Anna Volkovar
Médecin-chirurgien
Mar 1 Mai - 19:49
Médecin-chirurgien

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Age :: 28 ans
Patronyme :: Nikitovna
Surnom :: Anya
- Andreï ! Ouvre-moi s’il te plait ! Qu’est-ce qui s’est passé ? Pourquoi il n’y a eu aucun rapport sur cette expédition ? Raconte-moi s’il te plait !

Les questions se succédaient tandis qu’elle martelait du poing la porte. Quelques secondes auparavant, elle avait entendu le verrou se refermer. Son frère n’avait même pas prit la peine de lui ouvrir, refusant même de croiser son regard.

- Ça fait deux jours que vous êtes rentrés, j’ai eu le rapport légal entre les mains, j’ai vu le corps, sa voix s’était légèrement brisée, davantage secouée par le silence obstiné de son frère que par le souvenir des cadavres, tu ne peux pas m’ignorer comme ça, Andreï, tu n’en as pas le droit. Parle-moi s’il te plait…

La supplique mourut dans un grognement exaspéré. Si elle n’avait pas cru un instant que le temps adoucirait la tension entre eux, elle ne s’était certainement pas attendue à ce qu’il lui refuse la moindre parole. La main plaquée sur la porte, les sens tendus vers la pièce qui se trouvait derrière, elle tentait de détecter la présence de son frère. Avec dépit, elle lança une bordée de juron et se détacha de la porte, s’en écartant aussitôt. D’un regard circulaire, elle mit au défi les rares spectateurs de l’aborder puis elle s’éloigna sans un regard en arrière.

Les talons claquaient sur le dallage, marquant le rythme d’un pas pressé. Le buste droit, la démarche un peu raide et le regard rivé devant elle, Anna pénétrait dans le quartier des militaires. La jeune femme ne s’était rendue dans ces quartiers résidentiels qu’à deux reprises mais elle connaissait les moindres détails. Se fiant uniquement à ses souvenirs, elle empruntait la succession de couloirs d’une démarche raide et déterminée. Mâchoire en avant et sourcils résolument froncés, elle défiait quiconque de stopper sa progression.

Les oreilles bourdonnaient encore de son échec cuisant auprès d’Andreï. Anna n’avait pourtant pas repris le chemin vers ses propres quartiers. Les narines dilatées, les poings crispés à en faire blanchir les phalanges, elle essayait de repousser la confusion qui s’emparait d’elle. Méthodiquement, elle triait la multitude de questions qui l’assaillait et tentait de répondre à celles qui entraient dans son domaine de compétence. Plusieurs hommes étaient morts. On leur avait déposé un corps et exigé une autopsie. Les militaires s'étaient empressés de le récupérer une fois le document rédigé. Aucun autre rapport concernant l’expédition n’avait été communiqué. Lorsqu’Anna avait déboulé dans le bureau du Major, elle avait dû essuyer un refus catégorique. Aucune information ne pouvait lui être communiquée. Face à son insistance et non sans dépit, le vieux soldat avait fini par la rassurer sur l’état d’Andreï et Alexandre. Se contentant de ces miettes d’informations, la chirurgienne avait quitté le bureau du militaire et reprit ses propres activités.

Intérieurement elle avait nourri l’espoir que l’un ou l’autre des deux soldats la contacterait. Après tout, Alexandre n’avait-il pas promit de lui faire un rapport à son retour ? Lorsqu’elle avait regagné son bureau, elle avait rédigé une missive pour son frère. Elle lui présentait des excuses pour son comportement passé ainsi que son soulagement de le savoir de retour. Après quelques secondes d’hésitation, elle griffonna une ligne supplémentaire sur une invitation à boire un verre ensemble. Elle hésita sur la rédaction d’une seconde pour Alexandre puis se ravisa. Le lieutenant était un homme de parole, nul doute qu’il reviendrait vers elle.

Et ce fut sur cette pensée insidieuse que la jeune femme frappa à plusieurs reprises à la porte de ce dernier. Ses pas avaient fini par la mener à l’autre logement qu’elle connaissait dans l'Arbatskaia. Cette fois-ci cependant, elle ne fit pas l’erreur de se présenter avant que la porte ne lui soit ouverte. Frappant une seconde fois, plus rapidement et plus fort, elle tendit ensuite l’oreille et perçut un mouvement de l’autre côté. Elle posa sa main à plat sur la porte, la caressant légèrement tandis qu’elle se préparait déjà à caler son pied pour la bloquer dès que celle-ci s’ouvrirait.
Alexandre Prokhorenko
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Alexandre Prokhorenko
Lieutenant-instructeur, chef de section du Bastion Vympel
Mar 1 Mai - 23:31

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Age :: 32
Patronyme :: Nikitovitch
Surnom :: Stena
Deux jours de plus et il était enfin libre de quitter ses quartiers. Jusqu’à la fin de la procédure, il devait être joignable à n’importe quelle heure et rester dans son box, sans contact avec ses frères. Un secrétaire du général lui apportait ses repas, un autre l’escortait aux douches. Ce matin encore, l’entretien contradictoire s’était déroulé à bâton rompus et Alexandre n’avait pas dit autre chose que ce que son rapport contenait déjà. Ses souvenirs se superposaient et s’emmêlaient en un kaléidoscope d’engrammes flous, mais sa narration restait cohérente. Il n’avait toujours pas fermé l’œil depuis leur retour de mission, depuis la mort de Marko et la disparition de Yuriy, depuis la paralysie, depuis qu’une force indescriptible l’avait utilisé comme une marionnette de chair sans qu’il ne pût rien y faire. Étranger en sa propre carcasse, témoin impuissant de l’outrage du cadavre de son frère, responsable d’avoir mené l’unité à sa perte, responsable de la disparition de son ami, responsable du déroulement des évènements et de l’assaut déplorable, coupable. Coupable. Coupable.

A chaque traction, son propre souffle semblait le narguer, assenant l’accusation dans un langage onirique. Les cliquetis des chaines secouées dans ses remontées énergiques, retenant le sac de frappe, reprenait en chœur les tortures mentales qu’il s’infligeait en boucle. Mort, mort, mort. A bout, il refusait de s’arrêter tant qu’il ne tomberait pas : il était en contrôle de son enveloppe viandeuse et il en faisait ce qu’il voulait. Ses muscles et ses organes devaient lui obéir et plier à sa volonté, et non pas à un foutu monstre manipulateur sadique et indécis. Il ne décolérait pas, sinon pour s’exprimer aussi durement que possible, assuré dans ses réponses, devant le lieutenant-colonel, le colonel et le général. La bande des entretiens se projetaient en continu derrière ses rétines brillantes, le sel lui piquait les yeux, et l’enchainement de questions brèves et répétitives s’intriquait au regard aveugle du mutant, le mépris sauvage avec lequel cette chose l’avait considéré et floué, enlevant sous son nez l’un de ses frères. Et quel frère.

Aux souffles secs succédaient bientôt des grondements cathartiques, bruts et libérateurs, tandis que la sueur ruisselait dans les sillons de sa musculature éprouvée. Il lui semblait devenir fou, et n’ayant pu se concerter avec Daniil pas plus qu’avec Andrei, l’idée que tout ceci n’avait été qu’un cauchemar halluciné le tentait en un ersatz de réconfort. Mais il savait que tout était bel et bien réel. Ils étaient tombés dans le piège d’un Sombre, incapables de percer ses dessins ni de comprendre ce qu’il leur voulait. Les sombres existaient et n’étaient pas que légendes. Il avait senti l’étreinte psionique se refermer sur son esprit et le comprimer, le pressuriser d’une contrainte parasite, écrasante, et l’engramme perceptuel de la détestable expérience n’était pas totalement estompé. Des rémanences, sensations résiduelles, le parcouraient encore comme autant de micro courant électriques, et la peur de perdre le contrôle à nouveau, irrationnelle, le prenait intempestivement en otage. Comme si cette enflure avait laissé ses homoncules chimiques dans sa cervelle.

Les craquements de la barre de traction, les chuintements mats du sac qui tapait contre son dos, rationalisation du matériel et de l’espace dans la pièce réduite, masquèrent un moment le vacarme des coups à la porte. Puis le bruit distinct se fraya un chemin jusqu’à sa conscience, et il lâcha la barre pour atterrir aussi lestement que les bêtes massives qu’ils avaient combattues, le choc quasi-sismique.
« J’arrive », grogna-t-il en levant la voix, peu commode et sans aucune volonté de l’être.  Probablement l’aide du colonel qui venait le chercher pour une raison ou pour une autre. Il attrapa sa serviette éponge et s’essuya le visage avant de la passer autour de la nuque, ne prenant pas la peine d’enfiler un tee-shirt. Il n’en avait strictement rien à foutre et se présenterait tel quel, quitte à mettre mal à l’aise le Ryadovoï du colonel Ignatkovich. Selon Alexandre, les mesures prises étaient abusives, injustifiées en dépit de la singularité des évènements, et il manifestait son énervement dès qu’il en avait l’occasion. Vêtu d’un short cargo et allant pieds nus, il se déplaça lourdement jusqu’à la porte, grogui, les traits tirés et contractés, l’air plus bestial que jamais.

La main sur la poignée, il ouvrit en grand et d’un soudain. Aussi, sa surprise n’était pas feinte, et deux longues secondes s’écoulèrent avant que ses processus mentaux ne traitent l’identité du visiteur. Déjà, il avait dû baisser la tête, s’étant attendu à percuter le regard du couard bien plus haut.
« Ah », bredouilla-il, penaud. L'onomatopée de confusion lui donna le temps de refroidir l’ardeur de son irritation. La posture de la brahmane, sourcils froncés et mâchoire en avant, malgré le spectacle impromptu qu’il présentait, le dissuada de la renvoyer : c’était la détermination qui l’avait amenée jusqu’ici. Lui faire face ne serait-ce qu’un seul instant venait de le recentrer et le sortir des méandres insondables de la culpabilité, et de la révolte virulente qu’il y opposait.

« Entre », bourdonna-t-il enfin, se frottant les yeux d’embarras, tandis qu’il s’écartait pour la laisser passer, la main droite toujours sur la poignée. Il referma derrière elle et alla chercher de quoi se rendre décent dans le placard d’angle, évitant soigneusement de croiser son regard. Il eut l’impression d’être en veille active depuis une semaine, se sentant tout d’un coup très pesant, le corps endolori. Lui tournant toujours le dos, il entreprit d’enfiler un tee-shirt et de débâtit avec le tissu récalcitrant qui s’enroulait et s’accrochait sur son épiderme moite, et il soupira de dépit durant la manœuvre, la moindre contrariété devenant supplice pour son mental éreinté.

Alors seulement, Alexandre se retourna en rabattant victorieusement le bas du tee-shirt, et revint vers la jeune femme. Ses yeux étaient cernés, ses prunelles d’ambre viride étincelaient en un regard fiévreux, lorsqu’il croisa enfin le bleu cyane, froidure boréale, en contrebas. Il avala sa salive, taraudé par la soif, et sans même avoir la présence d’esprit de lui proposer à boire ou de l’inviter à s’assoir, déclara de but en blanc, d’un ton morne et grondant : « Je n’ai pas pu venir te voir, ton frère non plus. Et je suis même surpris que t’aies pu arriver jusqu’ici. » Il déporta son attention vers le bureau d’usine, solide, qui longeait le mur de la pièce et sur le coin duquel était rangé, en parallèle et en perpendiculaire, tout comme les monticules de dossiers et rapports, la boite de comprimés de caféine.

Seul le kshatriya faisait désordre dans son habitat qui, fidèle reflet de lui-même, en temps normal, était rangé avec méticulosité. De grands panneaux étaient fixés aux murs, sur lesquels étaient tracés à la craie des schémas labyrinthiens affublés de sigles numérotés et codés, incompréhensibles pour le commun des citoyens de Polis, mais bien connus des militaires. Or, au beau milieu du bureau trainait une série de croquis profilant une créature au visage déformé et au regard illisible. Il se déporta avec une vivacité qui contredisait son état de fatigue et les retourna, avant de se caler contre le bureau. Il croisa les bras, l’air piteux, et étira enfin un semblant de sourire, une éclaircie bienvenue sur sa sombre mine.
Anna Volkovar
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Anna Volkovar
Médecin-chirurgien
Mer 2 Mai - 14:28
Médecin-chirurgien

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Age :: 28 ans
Patronyme :: Nikitovna
Surnom :: Anya
La main toujours posée sur la porte, Anna manqua de basculer en avant lorsque celle-ci s’ouvrit d’un coup. Se trouvant le nez pratiquement collé aux pectoraux du Lieutenant, elle recula avec un temps de retard. Luisant de sueur, songea-t-elle mécaniquement. Visiblement tout aussi surpris qu’elle, le jeune homme finit par briser le silence d’une exclamation qui trahissait sa confusion. Gênant, avait pensé la jeune femme. Anna avait alors secoué doucement la tête, cherchant dans les tréfonds de son sang-froid un sourire à esquisser. Ses lèvres se crispèrent en un rictus qui se voulait amusé puis elle inclina la tête et entra sous l’invitation d’Alexandre. Lorsqu’elle passa près de lui, elle ne put s’empêcher de plisser le nez. De la sueur ou du renfermé, elle était incapable de déterminer l’origine de l’odeur âcre qui lui parvenait. Vraiment gênant. Déjà son regard décrivait l’environnement dans lequel elle se plaçait. Anna n’était entrée qu’à une seule reprise, quelques années plus tôt. Rien n’avait véritablement changé à l’exception des croquis qui parsemaient les murs. Ces derniers évoluaient constamment sous les annotations du Lieutenant. Pour le reste, la pièce baignait dans un ordre méticuleux qui relevait presque de l’obsession, l’espace ayant été savamment optimisé. Alexandre donnait presque une impression déplacée à se pavaner à moitié habillé, les muscles encore crispés par l’exercice. Anna avisa la barre de traction etandis que ce dernier s’afférait à enfiler un t-shirt. Il faudrait vraiment faire quelque chose pour remédier à cela, fut la pensée qui la traversa tandis que ce dernier s’escrimait avec son haut. Le regard de la jeune femme avait étincelé lorsqu’Alexandre avait commencé ses explications puis elle avait haussé les épaules. De l’air menaçant qu’elle avait affiché jusqu’ici ou de la chance, elle ne savait ce qui avait pu guider ses pas mais elle s’en fichait éperdument. Pour l’heure elle exigeait des explications. Comme ce dernier ne semblait pas enclin à en fournir de suite, elle jeta un coup d’œil autour d’elle puis avisa le lit sur sa gauche. Elle s’y assit sans aucun égard pour les draps soigneusement pliés. Elle fut tentée un instant de s’y assoir en tailleur puis se ravisa. Alexandre n’apprécierait sans doute pas et, pour l’heure, elle n’avait aucun besoin de le contrarier. Dans son mouvement, Anna n’avait pas manqué par ailleurs les documents qu’il avait retourné avant de s’adosser au mur opposé. Elle fronça imperceptiblement les sourcils, plongeant dans les souvenirs immédiats pour retrouver ce qui se trouvait sur ces documents lorsqu’elle était entrée. Des croquis, relativement brouillons, il lui semblait avoir aperçu des silhouettes pas tout à fait humanoïdes. Elle ne savait plus vraiment. Troublée par les lacunes de sa mémoire d’ordinaire infaillible, elle secoua une nouvelle fois la tête. L’instant d’après, elle plongeait ses prunelles dans celles d’Alexandre.

- Tu ne dors pas, avait-elle déclaré de but en blanc puis elle avait détourné le regard pour englober la pièce dans laquelle il se trouvait, faudrait peut-être que tu passes à l’occasion dans mon bureau pour le ranger, quand t’auras le temps…

Evidemment, du temps ils n’en avaient pas. Tous deux courraient après leur devoir, optimisant au mieux leur disponibilité avec leurs compétences. Ils incarnaient les éléments d’un mécanisme soigneusement élaboré. Anna avait accompagné sa tirade d’un sourire, encouragée par celui qu’esquissait le Lieutenant. Comme à son habitude, évidemment, mais cette fois-ci le cœur n’y était pas. Avec un soupir, la jeune femme abandonna les faux-semblants derrière lesquels ils tentaient tous les deux de se draper.

- J’ai examiné le corps. Les circonstances de la mort étaient relativement évidentes, les origines en revanche moins. Ils n’ont rien voulu nous dire, ils se sont empressés de classer notre rapport. Je n’ai même pas eu droit à un mot vous concernant, Andreï et toi. Il a fallu que je cuisine le Major pour savoir que vous étiez en vie, elle avait grimacé à l’évocation de la scène, Alexandre savait tout aussi bien qu’elle à quel point le vétéran pouvait se montrer difficile, j’ai attendu deux jours des nouvelles de l’un de vous d’eux !

Elle avait accompagné son exclamation d’un mouvement de la main. A présent elle comprenait les raisons de leur silence mais elle ne se sentait pas encore prête à le leur pardonner. Anna avait inspiré un grand coup. Au dernier moment elle se ravisa de parler de la tentative avec son frère. Qu’il ait été interdit de visite était un fait mais, dans ce cas précis, il l’avait refusé, gardant porte close aux suppliques de sa propre sœur. Elle baissa le regard et se mit à fixer ses mains aux ongles impeccables puis les joignit dans un spasme.

- Stena, explique-moi s’il te plait, articula-t-elle entre ses dents, les mains serrées l’une contre l’autre.
Alexandre Prokhorenko
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Alexandre Prokhorenko
Lieutenant-instructeur, chef de section du Bastion Vympel
Mer 2 Mai - 19:06

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Age :: 32
Patronyme :: Nikitovitch
Surnom :: Stena
Quarante-huit heure de veille n’était pas le pire, natif du monde sous-terrain, le lieutenant était habitué à mener à mal le rythme circadien vestigial. Sa tête d’enterrement était l’œuvre du mutant qui lui avait fait endurer sans répit, intoxication sur assaut psionique. Il garda le silence, marmoréen devant la remarque brise-glace, tandis qu’il prenait progressivement conscience de la mise qu’il présentait, de la vulnérabilité dans laquelle il se trouvait, ébréchant l’image qu’il pensait habituellement servir à cette femme qui le connaissait pourtant depuis toujours. Que pouvait-il lui dire ? Légalement, rien. Que pouvait-il lui dire sans la mettre en danger ? Rien de plus. Etait-il lui-même un danger ? Les interrogatoires et la procédure contradictoire servaient plusieurs desseins et se recoupaient avec les observations médicales qui se déroulaient sous l’œil d’une équipe restreinte de brahmanes, dont une, qui n’était personne d’autre qu’Akilina Ivanovna, membre du Conseil et chercheuse obsessionnelle. Alexandre s’était bien gardé de demander plus de détails sur la finalité des enchainements barbares d’entretiens, de tests psychotechniques et physiques auxquels ils étaient soumis depuis leur retour de mission.

L’officier en lui avait compris les soupçons et les hypothèses que les scientifiques, en coordination avec l’état-major, tentaient de tester et d’invalider. Il était devenu un objet d’étude, car rare étaient ceux qui revenaient d’une rencontre avec un Sombre, et moins encore ceux qui pouvaient témoigner de leur puissance, de la portée de leurs pouvoirs, après en avoir essuyé la charge et en avoir réchappé. Sur une échelle aux gradients inconnus, il y avait une chance qu’ils fussent devenus aux yeux des brahmanes et du haut-commandement impliqués, des agents dormants. Tout en réordonnant une énième fois les informations de première main qu’il détenait, il écoutait Anna, morte d’inquiétude pour son grand frère, bien qu’elle tentât de se réfréner. Le serbe était passé entre ses mains, il y avait cela, aussi. A quoi diable le lieutenant-colonel avait-il pensé, s’agaça-t-il intérieurement, laissant libre-court à la joie mauvaise, subretice, de constater une incompétence de la part d’un supérieur qu’il ne portait pas spécialement dans son cœur, et dont ses ambitions, justifiées, caressaient parfois d’en prendre la place. La supplique finale eut raison de lui et son sourire fragile flocula.

« Oui », annonça-t-il sombrement, tout en se repoussant du bureau. Oui, il allait lui parler. Mais pas tout de suite. Nerveux, il cherchait à gagner du temps autant qu’à se refroidir. La thermogenèse de son métabolisme n’était pas sous son contrôle, contrairement à ce qu’il cherchait à se prouver, et il passa au point d’eau du studio, qui servait autant d’évier que de lavabo, les douches étant communes. Tournant de nouveau le dos à la brahmane, il s’aspergea le visage et le cou, puis se lava les mains et les avant-bras. Sans un regard pour son reflet dans le miroir, il considéra son amie d’enfance, assise, résistant à l’impatience et se faisait probablement des films terribles. Avec raison. Il revint en prenant une grande inspiration, le col de son tee-shirt un peu plus mouillé encore, et alla s’installer auprès d’elle, sans se formaliser de partager le lit. Le matelas tanga bien qu’il s’assît avec précaution, et songeur, il joignit les mains entre ses genoux à son tour, prenant quant à lui tout son espace. Nouvelle inspiration, profonde, tandis que son regard se perdait dans les motifs baroques du grand tapis persan. Il déglutit, étira une mimique grimaçante, fronça, soupira et secoua la tête en un mouvement de nuque ophique, se retenant de céder à l’énervement, ne sachant par où commencer.

« Le corps que tu as examiné, » vrombit-il gravement, « Marko, il est membre… » Il se reprit, renifla, « … était membre du Bastion Vympel. J’ai perdu un autre homme, tu le connais. Yuriy. Il est parti sur ses deux jambes, toujours là, comme nous, probablement enfermé dans son propre corps et sans pouvoir lutter contre la force… Inextricable… » Il pesta, un souffle nasal lui tenant lieu de ris de dépit, et il redressa l’échine, laissant ses mains glisser à plats sur ses cuisses massives dans le procès. « Je suis tombé dans un piège, et je les y ai entrainés. C’était des mutants, à taille d'homme. Diogène aurait dit qu’ils étaient des hommes chiens, des cynanthropes… » Un sourire était apparu à la mention du vieil homme, un sourire surgi d’une autre dimension. « Mais c’était des pions. Un sombre les contrôlait. Comme il nous a contrôlé après nous avoir lancé ses chiens dessus. » Il haussa les épaules, perdant un ris sous forme de soupir, n’en revenant pas non plus de s’entendre. Les intentions du mutant dépassaient sa compréhension.  Et encore, il lui épargnait les détails ainsi que ses craintes, quant à la nature des chimères autant que du Sombre.

Il tourna la tête vers la jeune femme, revenant au présent, de manière à accrocher le regard hyperboréen. « Depuis qu’on est revenu, on n’a pas eu un moment de libre, on doit rester ici. » Sa focale ne déviait pas cette fois-ci, et ses prunelles flamboyaient dans ses orbites cernées, incandescentes sous les tergiversions sans trêve. « J’ai le Général sur le dos, et Akilina Fucking Ivanova. Elle mène l’équipe d’observation scientifique. C’est à elle qu’est revenue la carcasse qu’on a ramené. Et… » Nouveau haussement d’épaule. « … ils veulent s’assurer qu’on n’a pas de séquelles, je suppose. ». Il reporta la main au visage et se frotta la mâchoire d’un geste machinal, faisant crisser une barbe de deux jours. Détail marquant, pour qui le connaissait suffisamment. « Anya…» Son expression forcit de sérieux et de considération mêlée, alors qu’il s’exprimait avec une sorte de hâte paranoïaque. « Tu dois garder ça pour toi. Et même… faire gaffe à qui tu croises en sortant d’ici. Repère les visages… Les…» Il ne termina pas sa phrase, ne sachant plus exactement ce qu’il essayait de lui dire, et sa carrure titanesque s’affaissa, la tête entre les épaules. « Je n’ai jamais rien ressenti d’pareil… C’était… » Il expira un souffle puissant, la bouche ouverte en guise de soupape, et sa respiration s’accélérait alors qu’il repartait sur le théâtre des évènements et revoyait l’insidieuse créature qui l’avait vaincu et humilié, emportant deux de ses meilleurs soldats et amis. Par sa faute.
Anna Volkovar
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Anna Volkovar
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Jeu 3 Mai - 10:36
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Surnom :: Anya
Le fait qu’Alexandre n’ait même pas cherché à relever sa tentative d’humour n’annonçait rien de bon. Evidemment, une multitude d’autres signes permettait de conclure que le militaire n’était pas dans la meilleure des compositions. Il suffisait par exemple de se fier à la barbe naissante qu’il grattait négligemment. D’aussi loin qu’elle s’en souvienne, Anna ne l’avait jamais vu autrement que rasé de près. Il fut même un temps où elle s’était demandée si le lieutenant n’était tout simplement pas imberbe. Un jour, elle avait même posé la question, non sans ironie, et s’était amusée de sa surprise. Mais pour l’heure, Anna avait bien d’autres sujets sur lesquels se pencher. Lorsqu’Alexandre était venu s’assoir à côté d’elle, elle avait tourné la tête avec raideur, les mains toujours crispées. Accrochant son regard, elle le soutint pendant ses explications. A une reprise ou deux, un tic agita ses traits tirés, trahissant les pensées qui se bousculaient dans son esprit. Comme elle commençait à sentir ses mains s’engourdir sous l’effet de la crispation, elle les enfouit sous ses cuisses.

Anna accusait difficilement le choc. Une part de son esprit décortiquait et analysait les éléments d’information avec un détachement mécanique. Une autre part en revanche bouillonnait dans un tumulte d’émotions contradictoires. Il y avait de la surprise, évidemment, mais aussi de l’appréhension ou encore de la colère. Evidemment, comme bon nombres de survivants du métro, Anna connaissait l’existence des Sombres. En revanche, jamais elle n’avait rencontré de soldat qui puisse lui en parler. Faute de preuves probantes, elle avait fini par ranger la créature dans le rang des rumeurs et autres élucubrations d’esprits malades. Aussi précaire puisse-t-être l’état d’Alexandre, elle ne pouvait prétendre aux divagations propres à la folie. Il suffisait de se fier au ton de sa voix et au regard qu’il lui renvoyait. Et au moment même où elle cédait à la tentation de le croire, elle sentait affluer en elle frustration et curiosité. Ils avaient même rapporté une carcasse et personne n’avait songé à lui en parler ? N’était-elle pas la personne la plus à même d’effectuer une étude anatomique dans cette foutue faction ? Akilina, maudite veuve noire, toujours à tisser tes plans et pousser tes pions, songea-t-elle non sans venin. La jeune femme l’avait rangée depuis longtemps dans la catégorie des brahmanes dont elle devait se méfier comme la peste.

Triant parmi les émotions et les pensées rationnelles, Anna avait fini par reprendre ses esprits. Tournant le buste vers le jeune homme, elle fut davantage frappée par son attitude prostrée que ses dernières paroles. Le regard tourné vers l’intérieur, il revivait chaque détail de l’attaque. Anna connaissait trop bien l’état dans lequel il se plongeait pour l’ignorer plus longtemps. Repoussant toutes la colère qui palpitait en elle, braises sous les cendres, elle s’extirpa de son immobilité. Une main vint se poser sur l’épaule du soldat tandis qu’elle se penchait vers lui.

- Stena…

Elle inspira un grand coup. Une migraine vrillait ses tempes, rendant ses pensées plus confuses encore.

- Arrête donc de t’accabler, bon sang ! murmura-t-elle entre ses dents.

Le ton paraissait tranchant, presque glacial, en comparaison des gestes qui se voulaient doux, plein de sollicitude. Avec un soupir, elle se détendit et plissa les yeux.

- Pourquoi pas toi ?

Sa main quitta l’épaule d’Alexandre pour venir encadrer l’angle de sa mâchoire et, du bout des doigts, lui intima de se tourner vers elle. Elle accrocha son regard, les yeux à présent écarquillés.

- La question à se poser n’est pas : pourquoi moi ? Pourquoi ai-je survécu en dépit de mes hommes ? Mais plutôt : pourquoi pas moi ?

Sa main était retombée sur l’épaule, rétablissant le contact.

- Tu parles d’un Sombre, Stena, qu’aurais-tu pu faire contre lui ? Votre survie tient déjà du miracle !

Réalisant alors seulement le poids de ses paroles, elle se détacha de lui et se redressa. Du bout des doigts elle massa ses tempes endolories puis repoussa les cheveux qui lui barraient le regard. Ces derniers étaient devenus beaucoup trop longs, elle devait songer à les couper.

- Blast ! lança-t-elle dans un coup de sang, un Sombre, Stena ! Et mince à la fin, je ne t’apprends rien de ta condition d’officier, tu le sais que tu risques la vie d’hommes et de femmes à chaque expédition, tu sais ce que cela impliques. Tu sais que tu ne peux les sauver tous, que tu ne peux les protéger tous. Et eux le savent également. Et ce n’est pas inhérent aux Militaires, nous le savons tous, héritiers damnés d’une époque malade ! Nous sommes une nation de survivants. La mort est autour de nous à chaque instant.

Elle marqua une pause, reprenant son souffle. Les pensées s’embrouillaient mais elle ne savait pas si c’était sous l’effet de la colère ou de la migraine qui la tiraillait.

- Et nous vivons en sachant que chaque instant est un pas de plus vers la mort. Ces hommes le savaient, ils l’acceptaient. Pourquoi devrais-tu te rendre malade en souvenir de leur mort ?

Elle avait secoué la tête, souriant tristement à la citation de Corneille qu’elle venait de faire. Ses épaules s’affaissèrent tandis qu’une partie de sa colère la quittait. Un tressautement continuait d’agiter une de ses jambes.

- Tu devrais peut-être passer plus de temps avec Semyon, conclut-elle sarcastique tout en posant les mains à plat sur ses cuisses pour les immobiliser.
Alexandre Prokhorenko
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Alexandre Prokhorenko
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Jeu 3 Mai - 14:21

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Surnom :: Stena
Plus que la culpabilité du survivant, l’échec personnel cuisant, la remise en cause de ses compétences stratégiques. Une erreur lui avait couté deux hommes, et il l’avait réalisé tandis qu’une force implacable le clouait sur place et le marionnettisait à l’envie. Le Sombre les avait laissés repartir. Il n’avait pas eu l’intention de les tuer. Ni peut-être celle d’attaquer. Le lieutenant ne le saurait jamais : il avait lancé l’assaut le premier. Ses raisonnements suivaient le chemin de Moebius, l’échouant toujours au même nœud gordien. Un piège. Tombé dans un piège. Quelles étaient les intentions du mutant ? Et il repartait sur la pente, glissant sur la boucle et revivait encore et encore le film mental des évènements dans l’espoir de discerner un indice, une preuve indéniable à coté de laquelle il ne cessait de passer.

Le contact tiède à son épaule, sa peau brûlante, le rappela à l’immanence. Une première claque mentale. M’accabler ? Le labyrinthe mnésique dans lequel il tournait était bien plus insidieux. Les phonèmes durs glissaient sur sa conscience et les phalanges douces, légères, s’accrochaient au piquant de sa barbe naissante. Il tourna la tête comme un aigle ahuri, la bouche entrouverte, et le charnu de sa lèvre rencontra l'épiderme de la main fine. Alors il cilla, tel un rapace visualisant une proie, et son regard fiévreux s’harponna au bleu cyane, tangible. Lui, justement. Lui, n’aurait pas dû commettre une erreur de jugement aussi grossière et se faire avoir par une créature à l’humanité incertaine. « Sombre », répéta-t-il en un bas grondement. Un lent mouvement de tête, négatif, niant la teneur du miracle qu’Anna évoquait. « Par sa volonté », la corrigea-t-il distraitement, s’agrippant aux mots de son amie comme un grimpeur aux aspérités d’une paroi verticale. Peut-être allait-elle prendre conscience de l’intensité de la déprédation subie, contre un adversaire omnipotent qui ne leur laissa, intentionnellement, qu’un banc de spectateurs derrière les vitres de leurs rétines. Alexandre avait intimement ressenti qu’une simple pression mentale de plus aurait été suffisante pour les rendre inconscients tout en laissant intactes et exploitables, leurs facultés psychomotrices. Perspective effroyable.

La brahmane s’emportait, et son emportement le déclenchait à nouveau, le système nerveux du kshatriya, hautement réactif, tant à fleur de peau qu’à fleur de mots. Il la dévisageait, les yeux à la fois écarquillés et grand ouverts, traversé d’une vague compréhension du transfert qui s’opérait entre l’inquiétude et la colère d’Anna, tenue à l’écart, et l’exaspération qu’elle était en train de manifester à son endroit. « Anya, il n’y a pas… » que ça, acheva-t-il intérieurement, chassant de ses traits les derniers restes de stupéfaction. Alexandre sortait de sa torpeur et quittait la torture réflexive qu’il s’infligeait depuis lors, bien plus par manque de repos et par isolation forcée, que par auto-flagellation méritée. La présence animée de la jeune femme contrastait avec les procédures officielles et encadrées qui rythmaient ses heures depuis son retour de mission, et tandis qu’elle tentait de le rassurer, vivement, et probablement autant pour se rassurer elle-même, sourdait en lui le triste constat de la survie de ses hommes, de la survie du plus grand nombre, laquelle n'avait tenu qu’à un lucide calcul d’inférences réputationnelles.
*
Pourquoi n’avez-vous pas ordonné le repli ?
- Parce qu’aucun discours rationnel acceptable n’aurait empêché l’envoi d’une autre unité.
Auriez-vous agi différemment, en connaissance de cause ?
- Oui. J’aurais retardé l’offensive.
Pensez-vous que l’ennemi aurait retardé l’assaut ?
- Je ne sais pas.
Quelles étaient les intentions de l’ennemi ?
- Nous tester. Communiquer. Nous piéger. Je ne sais pas.

A nouveau, une reformulation, bouclant la boucle et déviant le cycle de son orbite initial. Le lieutenant répondait spontanément, le ton déterminé et manifestant une agressivité calibrée.
En connaissance de cause, seriez-vous revenu sur vos pas ?
- Non. Une autre équipe aurait été envoyée.
Et mieux valait que ce fut lui.
Pensez-vous que cette équipe aurait regagné Polis en sécurité ?
- Non
. Nul n’aurait retenu l’offensive. Or, il avait empêché les renforts de faire feu, confirmant une hypothèse sur le champ et ramenant aux scientifiques et à la Défense, de quoi faire couler encre et salive.
Pensez-vous avoir mené la mission avec succès ?
- J’ai mené la mission au mieux avec les informations que j’avais.
Vous avez perdu deux hommes.
- J’ai perdu deux hommes. Cinq sont revenus. Je suis revenu avec des informations capitales.
Regrettez-vous vos décisions ?
- Cinq hommes sont revenus.
Regrettez-vous vos décisions ?
- Non.
Pourriez-vous retourner sur la mission ?
- Oui. Dès que possible.

Il n’attendait que ça.
*
Un sourire sibyllin étira la commissure de ses lèvres tandis qu’il l’observait et l’écoutait avec patience, recentré face à la radicalité de cette présence. La tension retombait de son côté également. Elle ne le comprenait pas et cela n’avait aucune espèce d’importance, car à ce moment-là, il lui était reconnaissant. « Tu as raison » murmura-t-il, reprenant un semblant de contrôle. Il déporta la main sur le dos de celle d’Anna, la recouvrant de sa fournaise en y exerçant une légère pression à peine, et l’espace d’un instant seulement, comme pour en arrêter les tremblements. « Je sais tout ça. » Puis il se frotta à nouveau la figure, vidant ses poumons, avant de se décaler, lourd, sur le lit de manière à pouvoir se tourner plus amplement vers elle, et lui faire face. Le cadran d’acier ne grinça pas, solidement fixé au mur et au sol, le mobilier de son habitation résisterait aux bombardements. La fatigue était là, mais ses yeux étincelaient maintenant d’une ardeur combative, alors qu’il retournait chercher, sélectivement et sans s’y noyer, les dangereux percepts. Il s’humecta les lèvres, perdit la focale de son regard d’ambre viride dans l’interstice des cuisses de la brahmane, avant de relever lentement les yeux dans les siens.

« Cette chose, a un agenda qui lui est propre, et j’n’ai pas compris ses intentions », déclara-t-il calmement, si ce n’était le timbre soudain rayé de sa voix grave. « Le pire, c’est… l’étendue de son pouvoir sur… La durée… Il nous contrôlait tous. » Il secoua la tête, lâchant un éclat de rire profond, halluciné, qui resta accroché à son visage sous la forme d’un grand sourire rayonnant. De colère ou d’admiration.  « J’étais toujours là, je voyais tout ce qui se passait, j’étais moi, mais mon corps m’était étranger, il n’obéissait plus à ma volonté. J’ai lutté et j’ai morflé. Au plus je résistais, au plus la pression… » Ses mains, jusqu’alors nonchalamment posées sur les poches de son cargo, se serrèrent, et les veines bleues saillirent sous l’épiderme cuivré. « Anya, ce fils de pute… C’est pas fini, j’en ai pas fini. » Il releva les avants bras, robustes et puissants, pour les porter à sa propre observation, les mains tournées vers le plafond, entre eux, comme s’il essayait de lui faire comprendre quelque chose, en pleine élaboration. Il ouvrit et referma les poings, sans force, hanté par l’immobilisation psionique. Et redécouvrant sa liberté de mouvement, il replongea le rai de son regard flamboyant dans le bleu glace qui lui faisait face.
Anna Volkovar
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Anna Volkovar
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Ven 4 Mai - 11:08
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Age :: 28 ans
Patronyme :: Nikitovna
Surnom :: Anya
Anna n’avait rien anticipé des réactions d’Alexandre. En l’état actuel, elle aurait très bien pu s’attendre à ce qu’il cède à la colère ou au désespoir, qu’il fonde en larme ou hausse la voix. Elle n’en savait rien. Ainsi lorsqu’il lui donna raison, ne sachant nonobstant pas à quelle partie de son discours il faisait référence, elle haussa un sourcil perplexe. Et lorsque la main vint envelopper la sienne, elle ne tressaillit pas. L’espace d’une seconde elle sentit la chaleur de sa paume se diffuser sur sa main, glacée. Elle accueilli le geste d’un sourire sans joie. Un spasme avait soulevé un de ses doigts lorsqu’il avait retiré la main, bougeant de nouveau pour rajuster sa position.

Alex s’était alors tourné vers elle, menaçant de la déséquilibrer dans le mouvement. Elle s’était stabilisée d’une main tout en se pivotant à son tour. Repliant une jambe pour mieux lui faire face, son genou frôla le sien. Comme il la regardait, rivant son regard au sien, elle finit par secouer doucement la tête. Elle se perdit un instant dans la contemplation de son sourire, solaire malgré les circonstances. Les mots écorchaient pourtant chaque parcelle de son esprit, ressentant avec un réalisme troublant les impressions que lui décrivait le soldat. Elle se sentit même frissonner lorsqu’il acheva ses explications, remplie d’une hargne égale à la sienne. Troublée, elle inspira lentement pour repousser la connexion empathique. D’une main, elle vint échapper à la brûlure de son regard, enfonçant pouce et index sur ses tempes. Les mâchoires douloureusement contractées, elle déglutit non sans difficulté. Au terme d’un soupir qui relevait autant du dépit que du soulagement, elle finit par articuler d’une voix rauque :

- Pardon. Je me suis inquiétée pour vous deux. De ne pas avoir de vos nouvelles, qu’on me cache la vérité et puis Andreï qui a refusé de me voir…

Les connexions synaptiques firent leur chemin avec un temps de retard, réalisant qu’elle avait volontairement éludé cette partie quelques minutes plus tôt. Arrachant la main qui lui barrait le regard, elle releva la tête vers Alexandre, les yeux plissés en un air indéchiffrable.

- J’suis passée par chez lui avant de venir ici. Yavait personne, j’ai toqué en disant que c’était moi. J’ai entendu le verrou se refermer. Il n’a rien dit.

Elle avait prononcé les derniers mots entre ses dents serrées. C’était désormais son tour de se fustiger mentalement. La chirurgienne se sentait impuissante face au sort des deux soldats. Lèvres pincées et regard tourné vers l’intérieur, elle en oubliait la présence du lieutenant à ses côtés. Elle ne leur était d’absolument aucun recours. Son frère même refusait de la voir. Dehors des créatures dépassant l’entendement jouaient avec la vie de leurs soldats. Elle songeait au corps qu’elle avait eu entre les mains, toujours au service mortuaire.

- Merde…

L’idée se propageait, repoussant tout ce qui embrumait un peu plus tôt ses pensées. Légère dilatation des pupilles tandis qu’elle plongeait dans l’or iridescent de ses prunelles.

- Stena, le cerveau ! J’ai à peine étudié la tête, juste relevé les parties manquantes. Punaise, le cerveau ! Si vous avez subi une attaque mentale j’peux peut-être trouver quelque chose de ce côté-là.

Un silence fila puis elle réalisa la propre absurdité de ses propos. En d’autres temps et avec d’autres moyens, l’idée aurait été envisageable. Pour l’heure, malgré ses connaissances et son talent, il était improbable qu’elle puisse conclure quoi que ce soit. Mais ça valait le coup d’essayer. Anna parcourait déjà les corridors du palais mnésique qui lui tenait lieu de mémoire à la recherche des croquis et analyse du cerveau humain. Si elle pouvait détecter quoi que ce soit, une partie endommagée ou même des modifications, elle pouvait essayer de comprendre la portée de l’attaque mentale et son fonctionnement. Il ne s’agissait pas seulement de comprendre le fonctionnement de l’adversaire mais comment s’en protéger. L’idée était invraisemblable mais pas irréalisable.

Comme elle sentait la fébrilité gagner ses mains, elle les serra une nouvelle fois l’une contre l’autre. Dans son esprit défilait les procédures et le matériel dont elle aurait besoin, élaborant déjà le protocole dont elle userait. Mais son esprit rationnel revenait déjà à la charge y opposant toutes les impossibilités barrant ses intentions. Techniquement, elle ne devait rien connaître de cette affaire et encore moins s’y intéresser. Amère vérité qui se répandait dans son palais tandis qu’un rictus mauvais étirait ses lèvres.

- Bon sang ils ne devraient pas nous cacher tout ça, c’est du délire ! Cracha-t-elle tandis que le souvenir du visage d’Akilina venait coller à ses rétines.

Anna avait conscience de la foule de secrets que le conseil Brahmane gardait pour lui. Depuis qu’elle s’était plongée dans les sphères politiques de sa caste, elle prenait mesure de l’étendue de son ignorance. Elle réalisait plus que jamais les jeux auxquels s’adonnaient les hauts-dirigeants militaires et scientifique. Même couronné de ses galons d’officier, Alexandre n’était qu’un pion dans leurs mains. Quant à elle, un grain de sable dans leur rouage. Si Anna n’avait jamais cessé d’en être consciente, elle réalisait avec amertume les frontières qui la cernaient. En cet instant, le visage de la jeune femme était un livre ouvert pour le soldat. Comme elle relevait la tête en sa direction, elle lui offrit le tumulte d’émotions qui l’agitait. La jeune femme accrocha l’éclat providentiel de son regard autant pour y puiser courage que pour le convaincre.

- J’peux pas vous savoir envoyés au carnage sans tenter quelque chose.
Alexandre Prokhorenko
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Alexandre Prokhorenko
Lieutenant-instructeur, chef de section du Bastion Vympel
Ven 4 Mai - 21:57

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Age :: 32
Patronyme :: Nikitovitch
Surnom :: Stena
Tenue dans l’ignorance, inquiète. Pour leur vie, pour son frère et pour lui. Un versant auquel il ne songeait pas, une charge qui lui était bien souvent étrangère. Il referma les poings, pas tout à fait convaincu d’être le seul maitre à bord, une crainte insoupçonnée, latente, en arrière-fond de cervelet, de voir ses mouvements lui échapper et de se retrouver prisonnier en sa propre carcasse animée. Le syndrome de la marionnette n’avait pas encore d’entrée dans le registre médical et devrait y être inséré. Mais là n’était qu’un délire post-traumatique informulé qui se tasserait bientôt, selon lui du moins, et c’était aussi pourquoi il ne risquerait pas d’en parler. A Ivanova, en dernier. Il reposa une main sur le lit, paume enfoncée dans le matelas, et appuya l’autre en haut de sa cuisse. Penaudement installé, les coudes invariablement tournés vers l’extérieur sous le volume de sa musculature galvanisée, le kshatriya remplissait l’espace de sa titanesque carrure. Entre les filets psioniques d’un ennemi, il représentait une arme d’envergure.

A son tour, Alexandre gardait le silence, absorbant de ses prunelles d’ambre liquide le rai de cyane chirurgical de la brahmane. Nulle réaction à la mention du refus d’Andreï. Il ne comprenait plus son ami, la communication entre eux était bel et bien rompue et le frère qu’il avait sauvé dans les galeries était un homme différent de celui avec lequel il avait grandi. « Il encaisse », commenta-t-il, se voulant encourageant. « Lui aussi y est passé, et j’ai bien cru qu’il allait me tirer dessus. » Il secoua la tête et se corrigea, balayant son propos d’un geste désinvolte. « Que cette chose allait lui faire presser la détente jusqu’au bout. » Un éclair d’agressivité, subreptice, passa dans ses yeux et une mimique animale étira la commissure de ses lèvres, l’espace d’un bref instant. L’idée que la situation aurait tout aussi bien pu se produire, sans l’intervention du Sombre, et qu’il chassa sur le champ.

Face à la jeune femme, le lieutenant parvenait à se recentrer, forçant son attention et s’accrochant au moindre des signaux qu’elle lui envoyait, au moindre congé qu’elle prenait de lui, tandis qu’elle s’envolait à son tour dans ses propres considérations, sous le déferlement d’informations que représentait son récit inédit. Là se trouvait l’une des raisons qui le poussaient au-devant du danger, pour Anna, il y retournerait. Pour que sa participation aux savoirs fasse avancer l’humanité vers la résilience, par la recherche et la science. En fondant une famille, aussi. Et tandis qu’elle dévalait les pentes bayésiennes de raisonnements qui lui étaient familiers, il l’observait ardemment, son regard héliodore chargé d’un sérieux religieux. Jusqu’à l’aboutissement des réflexions de la chirurgienne. Le cerveau. Des résidus, des traces observables. Alexandre cilla et bredouilla une onomatopée, proche d’un « hein ? » enrayé, alors qu’Anna s’emballait.
« Attends », l’arrêtait-il, produisant machinalement le geste en langage tactique, déformation professionnelle ou seconde nature sous l’urgence et le choc de la réalisation. Il joignit les mains puis les sépara comme s’il tentait d’évaluer une longueur abstraite, la bouche ouverte sur une question prématurée. « Anya ? » Grognement plaintif échappé d’un immense sourire éberlué. « Tu penses pouvoir… Tu penses que… » Et il hausa un sourcil, faisant tourner son index en cercles répétés près de sa tempe, pour mimer ce qu’il ne pouvait se résoudre à énoncer. Si la scientifique envisageait de trouver des résidus ou des anomalies dans le cadavre du serbe, cela signifiait qu’elle pensait également qu’Andrei, Daniil et lui-même en gardaient les séquelles. Jusqu’ici, l’idée même n’était pour lui que le fruit de son fatalisme à toute épreuve, envisager le pire pour accepter le mauvais. Or, la brahmane venait de donner matière à ses craintes.

Même la froide Ivanova s’était retenue de lui suggérer pareil pronostic. Elle ne lui révélait rien, tant pour assurer son entière coopération que par mépris pour sa condition d’objet d’étude. L’attention obsessionnelle, maniaque, avec laquelle la mère d’Airat l’examinait avait quelque chose de dérangeant, et le regard de cette femme lui faisait l’effet d’une coulée de givre le long de l’échine. Peut-être y avait-il une raison pour laquelle le haut-commandement tenait les soldats dans l’ignorance, et bien qu’Alexandre paru se révolter à l’unisson, l’assurance et l’aplomb de façade qu’il avait revêtus allaient s’ébrécher à nouveau.
Stop, s’exhorta-t-il mentalement.
Aussi, son expression redoubla de fermeté et de détermination, les yeux plus flamboyants que des novae. Si sa vie était constamment sur la ligne, sa santé l’était rarement. Le lieutenant était une force évolutionnaire, un monstre de robustesse tel le minotaure métroïde des galeries labyrinthiennes, et la perspective d’une diminution de ses facultés, ou d’un amoindrissement quelconque, lui était aussi intolérable que de perdre le contrôle.

Alors il secoua lentement la tête, ses prunelles iridescentes aimantées à l’acier, actionnant sans succès sa mâchoire carrée à plusieurs reprises avant de pouvoir gronder : « Je dois y retourner, au plus vite. Avant que… Si jamais je…» Il fronça les sourcils, durcissant un peu plus encore les traits de son visage éreinté, brute féline en éveil, et poursuivit d'une traite et avec fermeté : « Tu vas entrer dans l’équipe médicale qui assure notre suivi, avec un accès complet aux ressources, et je vais avoir une conversation privée avec le général, dès que son foutu secrétaire revient me chercher. » Dans le regain d’affirmation, il avait marqué une impulsion involontaire depuis son centre de gravité, faisant tanguer le matelas et Anna dans le procès. Sa main gauche décolla pour venir se poser à la joue blanche, lui couvrant la moitié du visage, et la droite se referma sur les deux mains jointes et crispées, gelées sous sa paume brulante, qu’il pressa cette fois sans relâcher. En un souffle, armé d'un sourire à peine hésitant, il lui demanda : « Me fais-tu confiance ? »
Elle le lui avait pourtant maintes fois prouvé, malgré leurs désaccords et leurs affrontements. Car ce qu’il lui demandait intimement, sous le poids des mots choisis, était par-dessus tout de croire en lui. Et l’intensité presque douloureuse avec laquelle il la dardait, le regard percutant et ivre, traduisait plus qu’un besoin, une raison de vivre.
Anna Volkovar
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Anna Volkovar
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Sam 12 Mai - 9:50
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Age :: 28 ans
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Elle avait agi sous l’impulsion, mue par une idée aussi improbable que discutable. Et si elle n’avait pas réfléchi aux conséquences de ses paroles, elle s’était probablement attendue à ce qu’Alexandre s’y oppose. Après tout ne l’avait-il pas intimée à la méfiance à l’égard des révélations qu’il lui avait faites ? A croire que l’idée avait atteint une toute autre corde chez le soldat. Les yeux ronds, perplexe et surprise, Anna n’avait pas bien compris les mouvements de la main du militaire. Le sens semblait pourtant évident et si on l’associait aux paroles décousues, les craintes d’Alexandre ne devenaient que plus limpides. La jeune femme avait pourtant secoué la tête tant d’incompréhension que de négation. Elle avait voulu se pencher vers lui, tenter d’interrompre le flot de paroles pour le rassurer, d’un geste ou d’un mot. Pourtant elle n’en fit rien lorsqu’elle comprit la décision qu’il venait d’imposer. Les yeux plus écarquillés encore, elle ne cherchait plus à dissimuler sa surprise. N’était-il donc pas celui qui, durant toutes leurs années communes, l’avait dissuadée des plus folles entreprises ? Celui qui avait tenu, plus que son frère même, à l’éloigner des théâtres les plus dangereux ? A croire qu’il suffisait de remettre en doute ses capacités futures pour faire ployer les convictions d’un homme. La pensée, amère, s’infusait lentement dans son esprit tandis qu’elle entrevoyait les possibilités de l’offre. Anna n’avait rien d’une âme calculatrice, pourtant, en cet instant, elle se faisait l’effet d’un esprit vicieux et manipulateur.

Elle voulut grimacer, tant par ironie que par dépit mais le roulis soudain du lit l’en dissuada. La main brûlante d’Alexandre vint encadrer son visage et lui assena une claque mentale d’une violence inouïe. D’instinct, la jeune femme aurait certainement esquissé un mouvement de recul. Ce fut l’autre main, tout aussi caressante malgré la vivacité du mouvement, venant envelopper les siennes qui la dissuada de toute retraite. Les traits figés, le visage soudainement glacé, déserté de toute hémoglobine, elle contemplait Alexandre de ses yeux gris tempête. La surprise céda alors à une émotion plus confuse, l’empêchant d’esquisser le moindre mouvement. Et plus que la question qui lui avait été posée dans un souffle, plus que la caresse brûlante contre sa peau, ce fut le sourire du soldat qui eut raison de ses dernières réserves. C’est donc ainsi qu’on succombe à ton charme magnétique Stena ? La pensée, insidieuse, gagnait du terrain à mesure qu’elle reprenait contrôle de ses mécanismes émotionnels. Une décision s’imposa alors. Et ce fut donc autant par défi que par jeu que, d’un mouvement imperceptible, elle s’inclina et pressa légèrement son visage contre la paume du soldat. Avec une lenteur féline, le coin droit de sa lippe se souleva en un sourire pensif. Les paupières baissées formaient un rideau de cils noirs presque opaque derrière lesquels étincelaient ses prunelles d’un bleu iridescent.

- Cela dépend pour quoi j’imagine, dit-elle d’une voix traînante qui démentait ses propos.

Et est-ce ainsi que tu as l’habitude qu’on y réponde, Stena ?
Alexandre Prokhorenko
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Alexandre Prokhorenko
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Sam 12 Mai - 18:40

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Age :: 32
Patronyme :: Nikitovitch
Surnom :: Stena
Confronter l’incommensurable, sortir de l’inextricable et relater l’indicible avait apporté quelques perspectives nouvelles au lieutenant, et assurément, n’avait-il pas encore pris pleine mesure de l’étendue de ces changements. Assigné à résidence était un bien grand mot pour le natif du métro, et la pièce à vivre qui le contenait entre deux parades devant le combo autoritariste de l’armée et de la science, avait tout de l’antichambre révolutionnaire et de l’incubateur à activiste. Un incubateur fantaisiste auquel manquait un ou plusieurs alliés de taille. Car les deux jeunes représentants montants de leur caste ne commençaient qu’à entrevoir à peine, les plus grossières branches de l’arborescence du pouvoir. Deux ramifications fractales aux motifs connus et mille fois répertoriés, voilà ce qu’ils étaient. Puis le Sombre était apparu, frappant ses victimes d’ostracisme pour mieux les mettre en vue. Et tel un rai photonique polarisant sur des neurones, l’attention des observateurs d’en haut était venu jeter en bas, ses lumières incapacitantes.

Mais au moment présent, Alexandre n’était incapacité en rien et éprouvait au contraire, un élan survivaliste urgent. Preuve que le mutant ne l’avait pas tout à fait vaincu, à moins qu’il ne cherchât consolation et réconfort après l’état de choc. Sous son regard d’ambre solaire, les yeux de la jeune femme s’étaient abaissés, offrande empoisonnée, et les croissants de lumière polaire filtrant sous ses paupières amères, le défiaient sans ménagement. Le visage d’albâtre allait au contact, et la paume de sa main rencontra le charnu à peine humide, d’un sourire sibyllin. Le sens des mots ne l’atteignit pas, il ne voyait plus que l’attente désirante, morcelée, d’une lèvre ourlée, d’un regard invitant et torve. Les pupilles étrécies dans l’or trouble pulsèrent et se dilatèrent à l’unisson d’un gong cardiaque, puissant, qui irrigua en ses veines un éros des plus violents. Il chercha à la prévenir, soufflant les phonèmes de son nom en une expiration inaudible, tandis qu’il s’élevait et penchait, pour la couvrir de sa chaleur et de son torse. Dans sa pesante avancée, il enfonça un peu plus le matelas et réduisit à néant, avec souplesse, l’espace qui les séparait encore. Galvanisés dans la chute, les reliefs de ses dorsaux saillirent et s’arrondirent, pareil au grand fauve bondissant, et ses abdominaux se creusèrent comme pour mieux la capturer, lorsqu’il plongea à elle, l’intimant à céder et à se laisser embrasser de son étreinte.

L’appui de sa main s’était déplacé, survolant d’une fournaise communicante, l’intérieur de la cuisse svelte jusqu’à se planter sur le lit, avant-bras et poignet poussant contre le flanc et les reins de la jeune femme. Son centre de gravité bascula précautionneusement sur l’appui solide, prêt à déposer quatre-vingt-quinze kilos sur le corps d’Anna, si longtemps désirée. Sa paume décrivit une longue caresse depuis la joue jusqu’à la nuque brune aux mèches sauvages, et s’y referma, l’empoignant d’un geste impérieux maintes fois entrevu et fantasmé. Enfin et seulement, la pression de ses lèvres remplaça l’haleine brulante qui s’en échappait jusqu’alors, le visage fiévreux et la bouche ardente, entrouvrant sans délais pour franchir de sa langue, l’interstice d’où sourdaient si souvent piques et moqueries. Un grondement de soulagement et d’excitation mêlée mourut dans sa gorge tandis qu’il la renversait dans la poussée aventureuse, perdant son altitude d’à-coup de mâchoire empressés en à-coup lascifs, et il s’emportait, douloureusement conscient d’être sur le point d’abandonner toute retenue. Il avait fermé les yeux pour ne les rouvrir qu’à demi, une seule fois, sur un regard érotisé et flou, perdant le contrôle qu’il venait à peine de regagner, dans le combustible de sa machinerie désirante lancée à plein régime.

Cinq coups secs et énergiques retentirent à la porte.

Alexandre se roidit et rouvrit lentement les yeux, entré en apnée, les traits soudains forcis de stupéfaction. Mâchoire verrouillée et entrouverte, il paraissait une bête fauve au festin, la langue bombée, calée contre les dents du bas, parce qu’il en allait en amour comme au combat. Il observait Anna d’un regard interdit, figé dans le vif et pas tout à fait présent, son front bouillant plaqué contre le sien alors qu’il s’exhortait mentalement à se lever, dans la brume corrosive du désir entravé.

A nouveau, cinq coups pressés et insistants.
« Mon Lieutenant ! » La voix était étouffée derrière les panneaux épais.

Si l’accueil du kshatriya avait été gênant pour la brahmane, la surprise de l’aide de camp risquait d’être autrement embarrassante. Décemment couvert d’un teeshirt, Alexandre arborait sous son short cargo un attribut foutrement plus dérangeant qu’une pellicule de sueur sur les pectoraux. Ulcéré, il perdit un grognement sourd, digne d’un prédateur du temps des cavernes, et porta l’index à sa bouche avant d’en barrer celle d’Anna, la fixant d’un regard d’ambre fossile assassin dans le procès.

Fourbu, il se rehaussa et bondit, aussi véloce que souple, puis marcha d’un pas lourd et énervé jusqu’à l’entrée. Comme s’il avait cherché à y décharger le pesant de sa cargaison ou la magnitude grandissante de sa colère. Cette fois ci, il entrouvrit la porte. Suffisamment. L’aide du colonel l’observa. Il lui rendit son regard, terriblement silencieux et l’air dangereusement marmoréen. Le soldat ouvrit la bouche sur une mimique incertaine, baissa les yeux avant de se décrocher la nuque, alarmé, pour chercher successivement secours à droite et à gauche. Il finit par désigner quelque chose d’indéterminé, à l’autre bout du corridor, puis tourner comme autour d’un rotor, dans un mouvement forcé. Plusieurs kshatriyas passèrent derrière lui et se croisèrent, se saluant mutuellement avant de lancer du « Leïtenant ! » ou du « Hey, Stena ! »
Leurs voix faiblissaient déjà. Enfin, l’aide de camp parvint à bredouiller de manière intelligible :
« Je… J’ai… oublié un dossier. Je reviens dans… un peu plus tard. »
« Ouais », grogna-t-il en réponse.

Il claqua la porte, violemment, et se retourna en silence, un méchant sourire ravageant son expression d’un air provocateur et amusé. Ses prunelles irradiantes cherchèrent le regard arctique d’Anna. Peut-être marqua-t-il une pause, une hésitation subreptice qu’il chassa aussitôt pour revenir à elle, en trois foulées au pas de course, maudissant sur dix générations le fichu soldat et son intervention. Diogène lui avait pourtant dit, de préférer les statues pour anticiper la déception !
Anna Volkovar
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Anna Volkovar
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Dim 13 Mai - 21:01
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Patronyme :: Nikitovna
Surnom :: Anya
Avait-il prononcé son prénom avant de plonger vers elle ? Anna ne s’en souvenait plus vraiment. Elle entrevoyait encore distinctement la prunelle d’ambre accrochant les pâles éclats de lumière, la pupille mue dans une contraction animale, pur réflexe. Puis elle avait senti le corps se déployer au-dessus elle, s’accrochant d’une main à sa nuque avant de verrouiller ses lèvres sur les siennes. Loin de reculer à l’approche de sa lourde masse, son corps, frêle en comparaison, s’était instinctivement tendu vers le sien. Lorsqu’il avait conquis ses lèvres, prenant d’assaut sa langue d’ordinaire si peu encline à être domptée, elle avait voulu pousser un râle. La gorge vibra sous la pulsion bestiale mais n’émit aucun son. Elle s’était cambrée, une main verrouillée au niveau de la nuque du soldat. Elle ignorait comment cette dernière s’était retrouvée là et avait simplement conscience de la peau brûlante sous sa paume. Dans un spasme, les doigts s’étaient perdus dans ses cheveux coupés courts puis la main avait glissé le long du trapèze avant de s’accrocher de justesse au col de son t-shirt. N’y trouvant aucune prise, sa main descendit encore et tenta de s’agripper de nouveau à l’étoffe, cherchant à tirer le corps d’Alexandre un peu plus près du sien encore. Tendue à l’extrême, elle ne parvint qu’à la griffer dans un geste à peine maîtrisé. Par dépit autant que par désir, elle porta l’offensive du côté de ses lèvres. Ripostant au premier assaut, elle retira vivement sa langue et avança la mâchoire inférieure avant de saisir entre ses dents la lippe tentatrice. Mais avant qu’il n’ait vraiment pu réaliser la portée de son geste, elle reprenait possession de ses lèvres tout en se plaquant contre lui, le corps vibrant de désir. Pas un seul instant la jeune femme n’avait songé aux conséquences de leur geste. Portée par le désir, elle ignorait tout ce qui n’appartenait plus à la situation présente. Au-dessus d’elle se déployait la lourde carrure d’Alexandre. Qu’il fut son plus vieil ami ou l’homme qui n’avait eu de cesse de désapprouver ses décisions les plus téméraires n’avait plus aucune espèce d’importance.

Elle n’avait pas entendu dans un premier temps les coups frappés à la porte. Les oreilles bourdonnantes et le souffle court, elle s’était figée, prête à gronder sa frustration. La jeune femme avait alors écarquillé les yeux, accommodant à grande peine pour être aussitôt captivée par l’éclat solaire des prunelles d’ambre d’Alexandre. Elle avait cligné des yeux à deux reprises, incapable de soutenir plus longtemps son regard. Anna s’apprêtait à repartir à l’assaut de ses lèvres lorsque de nouveaux coups furent frappés. Elle avait instinctivement fermé les yeux, retenant son souffle tandis que les dernières brumes qui entravaient ses pensées s’estompaient. Dans sa poitrine pulsait un rythme insoutenable, presque douloureux. Un flot torrentiel de pensées martelait alors son esprit, l’empêchant d’esquisser le moindre geste. Lorsque la voix avait retenti derrière la porte elle avait frissonné. Toujours figée, elle avait suivi des yeux la main du soldat, un doigt d’abord posé sur ses lèvres puis sur les siennes pour lui intimer le silence. Et lorsqu’il s’était détachée d’elle, il lui avait fallu une seconde entière avant de retrouver le contrôle de son corps. Elle s’était relevée sur un coude, les poings serrés à en faire blanchir les articulations et avait secoué lentement la tête. Puis lorsque la porte s’était entrouverte, elle s’était redressée complètement, plaquée contre le mur, les jambes repliées sous elle sans égard pour les draps désormais froissés. Ses yeux allaient et venaient, accrochant divers détails dans la pièce tout en évitant soigneusement la porte et la silhouette qui en barrait le passage. La jeune femme avait entrouvert puis fermé la bouche à plusieurs reprises, reprenant progressivement possession de son corps. Les paroles échangées entre Alexandre et l’inconnu se découpaient avec une clarté presque artificielle. Son esprit s’était déjà mis à les décortiquer sans qu’elle n’ait vraiment cherché à en saisir le sens. Lentement elle s’était décollée du mur et avait glissé sur le lit jusqu’à en atteindre le rebord. Et comme Alexandre refermait la porte derrière lui, elle articula en silence un juron. Relevant un regard coupable vers lui, elle fut frappée par la férocité de son sourire.

- C’est peut-être pas très raisonnable, avait-elle lâché une octave trop basse.

Mais le soldat fondait déjà sur elle. D’instinct, elle avait resserré les mains sur le cadre du lit. Mâchoires contractées, son corps s’était tendu vers l’avant tant pour réceptionner la charge que par réminiscence du précédent assaut. Mais au moment même où il parvenait à sa hauteur, elle se redressa d’un bloc, le percutant presque. Son bassin vint pratiquement se coller au sien, vibrant encore de désir et elle manqua un battement de cœur. Elle leva aussitôt la tête dans l’espoir d’accrocher le regard d’Alexandre tandis qu’elle posait une main sur sa poitrine. Sous l’effet de la surprise, il la contemplait les lèvres entrouvertes et elle dû lutter pour ne pas succomber à leur appel.

- Il va revenir non ? parvint-elle enfin à articuler, la voix rauque, au dépend d’un effort de volonté qui lui parut sur l’instant insurmontable. Je veux dire c’est peut-être pas raisonnable tout ça du coup non ?

Ses paroles étaient hachées, à la fois hésitantes et incertaines. Elle secoua la tête, tant pour chasser sa confusion et que pour échapper au regard implacable d’Alexandre. Reculant autant que la présence du lit derrière elle le lui permit, autrement dit très peu, elle en profita pour passer une main sur ses yeux puis dans ses cheveux pour les repousser en arrière. D’un coup, il lui semblait manquer une dizaine d’heures de sommeil et une bonne dose de lucidité. La pensée lui tira un sourire plein d’ironie et elle releva le regard vers son ami d’enfance. Pouvait-elle ainsi risquer leur amitié pour un jeu de séduction ? Qui était-elle pour jouer ainsi de la confiance qui les liait ? Et comme elle plongeait dans l’ambre liquide de son regard, elle sut qu’il ne pouvait décemment pas en rester là. Ils se consumeraient tous les deux sous leur passion, inévitablement. Les promesses qui les liaient, même tacites, ne pouvaient être tenues dans ces conditions. Anna poussa alors un grognement, de rage contre elle-même et de frustration devant le chaos inextricable de ses émotions. A vingt-huit ans, elle se faisait l’effet d’une pucelle écervelée. Exaspérée, elle s’agrippa à la pensée afin d’y ancrer tout ce qui lui restait de détermination.

- Merde !

Le juron avait été feulé plein de rancœur. Elle faillit en rester là, prête à tourner les talons et fuir l’immense carrure qui se déployait au-dessus d’elle, aussi menaçante que rassurante. Mais au moment même où elle soupirait, les épaules accompagnant son mouvement, elle sentit sa volonté vaciller.

- Je suis désolée, ce n’est clairement pas le moment pour toi. Tu as manqué de perdre la vie dans une mission suicidaire et je suis venue t'assaillir avec mes questions sans égard pour ce qui s’est passé et pour ce que tu as du vivre. Ce n’est pas juste. Non, vraiment pas. Pas avec cette histoire de Sombre et tout ce qui se trame derrière. Pardon, Stena, je n’aurais pas dû te provoquer, avait-elle lâché dans un flot de paroles. Elle avait inspiré, tant pour calmer le vibrato de sa voix que pour rassembler ses idées, les yeux rivés sur le torse d’Alexandre devant elle. Surtout si nous devons travailler ensemble sur cette histoire, avait-elle ensuite rajouté d’une voix éraillée, elle-même peu convaincue par les raisons qu’elle avançait.
Alexandre Prokhorenko
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Alexandre Prokhorenko
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Lun 14 Mai - 13:01

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Age :: 32
Patronyme :: Nikitovitch
Surnom :: Stena
Esprit et membres sans repos, circularité réflexive et autoflagellation, calice sacrificiel à la gloire d’Arès bu et vidé jusqu’à la lie. Elle avait été une brèche lumineuse au travers du confinement, une aurore arctique et aphrodisiaque. Un recentrement dans la désintégration, une polarisation de tous les spins de son corps en une même direction, sujet à l’attraction fondamentale, celle qui faisait tourner le monde et le métro, et qui le portait auprès de la brahmane. Comme s’il pouvait recouvrer en son giron ce dont le mutant l’avait spolié. Rien n’était raisonnable là-dedans, ni même la culpabilité qu’il lisait sur les traits altiers d’Anna, terriblement belle en cet instant.

Comment s’éloigner des portes Scées après avoir tenu le siège plus d’une dizaine d’années ? N’était pas l’ingénieux Odysseus qui le voulait. Replis, rassemblement les troupes et confirmation de l’objectif. Amenez le bélier, chargez. Et il chargea. Balistique non négociée, caractériels et passionnés, le choc de leur rencontre, frontal, ne fit qu’exacerber l’imminence du besoin de se perdre en elle, de la posséder et d’être sauvé. Il accueillit le brusque redressement en un râle, la pression du corps ferme d’Anna contre son centre de gravité ne faisant qu’étendre l’incendie déclaré. Aussitôt, Alexandre la reprenait en son étau, imposant autour d’elle l’étreinte implacable de ses bras, et lui offrant une nouvelle signification de Stena. Mur de chair infranchissable, musculature galvanisée et toute entière consacrée à la retenir et l’éveiller, lorsque déjà son échine ployait, que ses mains sculptaient, paumes et phalanges appuyées, les flancs nerveux et roidis par la raison. Son souffle vésuvien balaya les lèvres de la jeune femme, qu’il effleurait du charnu de sa bouche sans en franchir la barrière. Elle y avait mordu, peu avant. Voilà tout ce à quoi il était capable de penser, eidolon et percepts plein les sens, irrigué de l’éros vigoureux.

Alexandre ne voulait pas croiser le regard d’Anna et y lire l’hésitation, mais la main posée contre son pectoral ne lui permettait pas le doute. Une impression de déjà-vu, un éternel retour. Retour du secrétaire du général, retour de l’aide du colonel qui venaient le chercher ou lui apporter à manger. Alors, il tira sur les brides, avec force violence, pour ralentir son char, et s’immobilisa en lui coulant un regard de grand félin alangui, statufié dans l’élan. A nouveau, il but les phonèmes à la source, affleurement, caresse infiniment tendre contrastant avec l’empoigne ferme qu’il maintenait sur ses hauts fessiers, et la pression de leurs corps serrés qu’il tardait à relaxer. Enfin et tout d’un coup, la tension le quitta. Bête vaincue baissant l’encolure, il vida sa vaste poitrine tout en faisant coulisser l’étreinte de ses bras jusqu’aux épaules fines et nerveuses. Solide étreinte, éperdue, de l’ami incertain entrain de lutter contre un désir olympien, basculant la charge de ses sentiments en dépit du renflement résistant. « La raison échoue toujours », gronda-t-il en un souffle abrupt, flambant le juron, cordes vocales brulées dans la fournaise. La réminiscence des enseignements de Semyon venait à son secours. Il lui concédait le travail réflexif en s’affranchissant de tortures mentales, tandis qu’il la berçait d’une lenteur minérale et l’écoutait, encore sonné du moment, fougue domptée en pleine vigueur.

Quelques jours auparavant, alors qu’il faisait le tour des postes de garde, une femme séduisante l’avait approché. Son visage était familier, peut-être l’avait-il mainte fois croisée sans n’avoir jamais eu à la contrôler, ou sans qu’elle n’ait jamais osé encore l’approcher. Peut-être était-ce l’une des aquaintances d’Anna, il ne savait pas. Mais ce n’était pas la première fois que lui était servi pareil discours, froid comme un plat de viande salée, plein de nécessité et de bon sens, et effroyable par le constat. Dignement, elle lui demanda un enfant, ni plus ni moins. Un enfant qu’elle élèverait seule et dont il n’aurait jamais à s’inquiéter, ni même à connaitre. Ainsi en allait le Métro et Polis. C’était à cela, qu’ils en étaient arrivés ? Mutations, malformations, mort-nés, maladies des hommes-cloportes, sous-terriens atrophiés, sous-humains en régression. Il était robuste et paraissait d’une santé formidable, ses gènes devaient être transmis, qu’il les lui donne, pour le monde à venir. Face au sérieux redoutable de cette femme, le regard assidu et déterminé qu’elle lui livrait en contre-haut, désespéré, accidenté aussi, témoin de fatales embûches dans la course à la reproduction, Alexandre avait reculé, machinalement, comme hypnotisé, et manquant tout juste de se renverser par-dessus la barrière mobile qu’il venait de replacer. « Ci… Circulez, maintenant. Allons, circulez, Madame », avait-il ordonné, l’aplomb et l’autorité sourdant amèrement de l'engourdissement et de la stupéfaction.  

Et puis la mort était venue, tout près, emportant Marko et empruntant Youriy. Qu’en avait-elle fait ? Avait-elle consommé sa vitalité et sa substantifique moelle ? Alexandre était vivant et pour l’instant hors d’état de service, médusé, hagard, en colère, contenu, énervé, calmé, excité, éreinté, coupable, innocent, insomniaque, nerveux et paranoïaque. Il se mordit le gras du pouce, par-dessus la tête d’Anna, tout en respirant sa chevelure noir de jais, visage froissé et contrit qu’elle ne pouvait voir tandis qu’elle s’excusait, ou tentait de faire sens de ses excuses. « Ensemble », croassa-t-il pour s’ancrer dans le présent. Travailler ensemble. Y avait-il une personne dans le Métro avec qui il n’était pas amené à travailler ou comploter ? L’Alpha, l’unité scientifique, les brahmanes inconnus entourant Ivanova, seau d’eau glaciale sur son épiderme embrasé. Il poussa un grondement salvateur tout en donnant du leste à la jeune femme, laissant tomber ses bras herculéens sans force. Il ne pouvait pas la regarder dans les yeux, les sourcils froncés, l’air douloureux et éconduit.

En un murmure, il lui demanda : « Est-ce que tu as peur de moi ? » Les hypothèses lancée sans heurts, comme autant de raisonnements inductifs sans saveur et sans odeur, méthode scientifique inébranlable, émis par l’esprit dépassionné et obsessionnel de la chercheuse quelques minutes plus tôt, refaisaient surface. La possibilité de contamination, de petits chevaux de Troie moléculaires dans le cerveau, sèmes chimiques confortablement lovés dans les replis des circonvolutions grises. Paranoïa. Il secoua la tête et porta une main au front, se couvrant les yeux tout en les gardant fortement fermés. « J’irais seul encore, cette fois. Si tu viens avec moi maintenant, le… » L’aide du colonel se ferait de fausses idées. De vraies fausses idées.

Mais elle n’avait pas vu le surveillant qui partout la suivait. Elle n’avait pas vu ce que rapportait le mouchard. Et peut-être ne savait-elle pas ce que savait le pouvoir. Une brahmane montante qui s’était consciemment ou non entourée des armes de Polis, frère, amis et amant, une jeune métroïde téméraire qui ne se ferait pas si aisément assassiner. Qui ferait du bruit en cas de menace. Un pion exploitable, une tour solide sur les damiers de marbre des grandes stations décisionnaires du métro.

Il laissa retomber sa main et l’ambre solaire de ses prunelles se dévoila en une faiblarde éclaircie. Troublé, toujours, et plus encore en revenant aux ennuis dans lesquels il baignait, surpris que les galeries labyrinthiennes n’en soient pas encore toutes immergées.
« Anya », grognonna-t-il, fourbu, « pour quelqu’un comme toi, ou moi, il n’y aura jamais de bon moment, tu comprends ? » Ça n’était pas sorti comme il l’avait prévu, tout au plus une amplitude de phase déformée sur une métasurface élastique, appauvrie de sa fréquence fondamentale. Il eut l’air piteux, renonçant à expliciter le sens de sa pensée profonde. Elle et lui devraient saisir le moment s’il se représentait, car le Métro ne leur accorderait jamais de répit. Dans la promiscuité coloniale de leurs habitats troglodytes, dans la proximité endogène qui brouillait les distances, les dangers et les inimités, le kshatriya modèle et gardien de la Cité était passé maître dans l’art du désengagement. Pourtant et depuis près d’un quart de siècle maintenant, il lui était fidèle, au travers des conflits de caste et de l’entredéchirement.
Anna Volkovar
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Lun 14 Mai - 17:09
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Age :: 28 ans
Patronyme :: Nikitovna
Surnom :: Anya
Des mains posées de part et d’autre de ses flancs s’échappaient une fournaise insoutenable. Elle se diffusait dans ses reins, subtil amalgame oscillant entre le désir et la douleur. Anna avait retenu son souffle, le cœur au bord des lèvres, lorsqu’il s’était penché vers elle, craignant tout à la fois le contact et son absence. Un moment, elle avait cru fléchir, ses jambes prêtes à se dérober sous elle tandis qu’elle fuyait plus vivement encore le regard du soldat. Alors pour ne pas voir s’effondrer les derniers remparts de sa volonté, la jeune femme s’accrochait aux paroles d’Alexandre mais il lui semblait que leur sens lui échappait. Et lorsqu’il laissa enfin retomber la pression entre eux, grondant doucement, elle chancela légèrement. Elle n’eut cependant pas le loisir de céder à l’élan de faiblesse car la question d’Alexandre la frappa sans ménagement. Imperceptiblement, elle avait resserré les bras contre elle tandis qu’elle relevait la tête pour capter son regard. Ses yeux s’étaient écarquillés d’incompréhension. La bouche entrouverte elle voulut lui renvoyer la question, en comprendre les raisons mais elle se ravisa. Le lieutenant lui interdisait son regard, main devant les yeux, et se projetait déjà au-devant de son prochain interrogatoire. Fronçant les sourcils, elle se mordit la lèvre inférieure et baissa la tête, coupable et indécise.

De quoi pouvait-elle donc avoir peur ? Lorsque son frère et lui avaient embrassé leur carrière militaire, elle s’était déjà faite depuis longtemps à l’idée qu’ils voueraient une part de leur humanité à une mécanique mortelle et impitoyable. S’ils avaient juré sous Arès, ils n’en demeuraient pas moins les points d’ancrage les plus solides de son existence, l’unique lien qui l’avait empêchée d’haïr la folie destructrice qui gouvernait les hommes et leurs cités. Aussi loin qu’elle s’en souvienne, elle n’avait jamais craint de lui tenir tête, tout aussi imposant puisse-t-il paraître. Elle s’était même amusée de l’appréhension de ses pairs lorsque son visage s’assombrissait sous la colère car, à l’instar de son frère, elle savait qu’elle ne serait jamais plus en sûreté qu’à ses côtés. C’était cette certitude même qui l’avait poussée à l’affronter jusqu’aux frontières de l’adolescence puis à lui échapper, plus tard, lorsqu’ils avaient réalisé que leur enfance ne pouvait les protéger indéfiniment de leurs éclats. Anna ne comprenait pas les origines de sa question, retournant les mots dans son esprit pour tenter d’y entrevoir un sens qui lui échappait. Elle voulut secouer vivement la tête pour marquer son désaccord mais se contenta finalement d’ouvrir et de refermer les mains à plusieurs reprises dans un geste d’impuissance. Il lui semblait que les corridors de son esprit se tordaient sous la confusion, empêchant les conclusions les plus simples. En cet instant, elle se sentait vulnérable et stupide. Cruelle situation pour une âme éprise d’indépendance.

La nouvelle question d’Alexandre lui tira un rire amer qu’elle étouffa dans un soupir. Elle songeait à la foule de moments volés et de passions consumées, tant par crainte de la mort que par attrait de l’éros. Un moment, elle avait traité ces élans avec dédain comme on se détourne d’un détail aux mécanismes triviaux. Mais dans sa propre faiblesse et au-delà des instincts les plus primitifs, elle y avait trouvé un second souffle. En s’y perdant sans songer aux conséquences, il lui semblait pouvoir réduire au silence ses propres doutes. Momentanément. La jeune femme avait froncé les sourcils, contrariée, puis levé le visage en direction d’Alexandre. En cet instant, elle aurait voulu que son regard recouvre une impassibilité arctique, étincelant de cette indifférence dont elle se paraît pour défier l’insurmontable. Mais ses yeux empruntaient pour l’heure l’instabilité de reflets jouant sur un glacier. « Non » avait-elle murmuré dans un souffle sans savoir à quelle question elle répondait. « Non » avait-elle répété avec plus d’assurance. Ses yeux s’était plissés, leur éclat s’affermissant. Anna avait levé une main en direction de son chemin mais stoppa son mouvement à mi-chemin. Les doigts se refermèrent sur le t-shirt du soldat, non sans difficulté compte-tenu de la tension de l’étoffe, pinçant très certainement la peau et le muscle dans son geste. Lorsque sa prise sur le tissu fut assurée, elle tira légèrement tout en s’approchant dans le même mouvement.

- Non je ne comprends pas, avait-elle grincé entre ses dents puis elle ajouta avec plus de fermeté : non je n’ai pas peur de toi.

Mandibule en avant dans un signe de défi, elle crochetait toujours son regard dans le sien. Si, quelques minutes auparavant, elle s’était montrée accessible au charme solaire de celui-ci, elle en était désormais imperméable. Narines frémissantes et visage crispé sous la tension, elle luttait intérieurement pour clarifier ses pensées. Un instant son regard vacilla, la pupille se rétractant sous la confusion alors qu’elle formulait sa demande d’une voix ferme.

- Explique-moi.
Alexandre Prokhorenko
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Alexandre Prokhorenko
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Mar 15 Mai - 10:20

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Surnom :: Stena
Non ? Non, il n’avait aucune idée des libertés que prenait la brahmane, médecin de son état, du luxe de l’oubli et des ignitions éclatantes, sans conséquences. Si la liberté n’était que le souvenir nostalgique d’une époque qu’ils n’avaient pas connue, Anna y gouttait à sa manière, plus souvent qu’il ne l’avait fait mais pas moins qu'il ne l'aurait voulu. Probablement s’en doutait-il et avait-il choisi de ne pas y songer, et surtout, de ne jamais s’en mêler. Ce n’était pas ses affaires, elle pouvait bien faire ce ce que bon lui semblait, cherchait-il aussi souvent à se convaincre, tandis qu’il choisissait de fermer les yeux et regarder dans l’autre direction. Non ? Si. Le feulement avec lequel elle nia. La hargne à peine contenue s’échappait d’elle en une tension sous-jacente, électrisante qu’il ne reconnaissait que trop, et sur sa patience dunaire, tourbillonnaient les vents circumpolaires, érodant d’un froid mordant les cimes abruptes de son innocence. Autant de désirs sédimentés et accumulés au fils des ans, jusqu’au débordement. Si sa bonne humeur était solaire, sa fureur serait de Mars.

Encore, elle le provoquait et le mettait au défi de lui prouver qu’il n’était plus le gamin maltraité en recherche de validation, ni le soldat traumatisé en recherche de consolation. Fî les risques mutagènes, fît les résidus psioniques et phéromonaux tapis dans les replis de son cerveau. Micro ou macro, il n’y avait donc rien de lui qu’elle ne craignait, rien qui ne fut de trop. Ni même sa colère. Il lui tourna brusquement la tête, vrillant son encolure de minotaure, mais ne bougea pas d’une once sinon pour fermer les poings, destructeurs, à la fois si proche et si lointain. Il cherchait ses mots, actionnant la mâchoire sans produire un seul son humain, renâclement bestial d’exaspération et de désarroi mêlé. Tisonné par le cuisant de la griffure qu’elle lui infligeait, réinitiant l’amorce érotique, il referma les yeux, poussa un soupir bruyant et se mordit longuement la lèvre inférieure. Lui expliquer. Comment le lui dire, sinon lui montrer, maintenant qu’elle s’était refermée ? Et il regretta d’avoir aussi souvent éconduit et éloigné celles qui le cherchaient.

« Non. » Rugissement fauve, tandis que sa main fulgurait au poignet aventureux. « Non », gronda-t-il encore entre ses dents tout en tirant sèchement le bras fin, la tractant avec force brutalité contre lui. Avec autant de vivacité, il avait levé l’autre main. Pour la refermer à la nuque brune, et survoler son échine jusqu’à lui empoigner la hanche. Un éclat d’ambre fossile, adamantin, fora dans la dure cyane et déjà il fondait sur elle, prévenant toute protestation en cannibalisant à la source, ces lèvres têtues. Il lui ravit cette fois la bouche en un à-coup de mâchoire fougueux et poussa en elle un muscle envahissant, déchargeant sa colère en chargeant l’amère amante contre lui, l’exploration possessive de sa main profilant avec appui, la courbe de sa cuisse jusqu’au creux du genoux pour la soulever. Elle ne pesait rien. Il piétina pourtant devant le cadrant du lit, semblable à un étalon à la saillie, chargé de sa prise et remodelant ses reins et ses flancs, les bras croisés et refermés en l’enlaçant, tant elle était frêle dans son étreinte. Revigoré d’ire à son égard, autant qu’abruti de désir, il se laissa tomber en catastrophe sur le matelas, lourdement réceptionné sur les genoux et à l’aide d’une main, les cuisses d’Anna verrouillées autour de son bassin. Il ne quittait ses lèvres que pour mieux l’assaillir, emporté et sauvage, dans un entrechoc de leurs canines, y laissant échapper un râle d’anticipation et d’empressement, oubliant l’endroit et le moment. Mais pas la partenaire. Les conséquences ne viendraient pas, pas tant qu’il n’était plus que le vaisseau de l’espèce, pulsion travaillée et compliquée par leur culture, et les faux sentiments de propriété et d’appartenance que le Métro lui avait inculqué.

Ses avant-bras massifs encadraient maintenant les épaules fines, et de ses mains, il tenait la tête brune pour qu’elle ne dérobe pas son visage d’albâtre, prodiguant de dures caresses tremblantes, tant il devait calibrer sa force. Il la contempla l’espace d’un instant, la soumettant au rai ardent de son regard, indéchiffrable, haletant sous l’excitation, naïf jusque dans sa brusquerie. Pour ce moment seulement elle était sienne, lorsqu’il lui avait appartenu depuis si longtemps. Peut-être avait-il prononcé son prénom, deux syllabes en une brève aspiration, avant de replonger à la commissure de ses lèvres, et suivre avec une sorte de dévotion la ligne de sa dure mâchoire, jusqu’au lobe de l’oreille, qu’il raya d’un coup de dents involontaire. Il y perdit un grondement plaintif, malmenant sa propre résistance en la clouant d’un long coup de reins ascendant, au travers des couches d’étoffes qui l’agaçaient au plus haut point, leurs frottements répétés retroussant et abîmant le tee-shirt fatigué. L’épiderme embrasé de son ventre, dur et raviné, se posa sans entrave contre le buste tiède de la brahmane, lui arrachant un vrombissement de surprise et de plaisir exacerbé à même la bouche de la jeune femme. Brut dans ses mouvements et dans sa découverte, il s’exhorta à se contenir et il ralentit, recommençant plus lestement, chauffant le fer, cambrant et armant souplement, sans jamais se détacher d’elle, pour basculer en une lourde avancée. L’incendie irradiait, Alexandre carburait à l’envie depuis longtemps, et l’envergure du désir qui harassait sa patience pesait comme un cœur de nova en voie d’implosion.
Anna Volkovar
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Mar 15 Mai - 17:49
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Au moment même où elle achevait sa supplique, elle sut que le soldat n’y répondrait pas. Désœuvrée, troublée par son silence, elle tentait de capter son regard mais il se déroba une nouvelle fois, figure olympienne inaccessible. Un frisson d’appréhension la parcourut à l’idée de ce qu’il pourrait dire ou faire. Les secondes de son silence s’égrenant, impitoyables, malaise et tension se disputaient, la laissant presque tremblante. Puis, frappée tant par ses mots que par la poigne qui se refermait autour de son avant-bras, elle se figea, pupilles rétractées et vision étonnamment trouble. A aucun moment elle ne frissonna, incapable d’esquisser le moindre geste. Elle n’avait pas relâché la prise sur le tee-shirt d’Alexandre. La jeune femme dardait sur lui un regard polaire, la colère qui l’envahissait un peu plus tôt s’étant soudain cristallisée. Puis lorsqu’il l’attira à lui, elle expira tout l’air de ses poumons, tant sous le coup de la surprise que celui du soulagement. Abasourdie, elle n’était plus en mesure de résister, ni même d’émettre la moindre protestation. Quelques instants plus tôt, elle s’était dérobée sous l’appel immanent du désir, repoussant aussi fermement qu’elle le pouvait les aspirations de son ami.

Mais lorsque la main prit possession de sa nuque, forçant passage, elle fut prise d’un hoquet qu’Alexandre étouffa aussitôt. Montant à l’assaut de ses lèvres, elle riposta sans hésitation. En dépit de la violence de l’étreinte, brusque et envahissante, elle y répondit avec férocité. Puis, s’amusant de son empressement, elle se fit langoureuse, presque féline dans la façon dont elle répondait à ses sollicitations. Entre deux trêves, chacun se brûlant dans la vapeur de leurs soupirs, elle poussa un râle assourdi par la main qui s’aventurait du côté de ses reins. Insatiable, la dextre prit possession de sa cuisse. La jeune femme répondit à la sollicitation sans douceur et lui confia le soin de leur gravité dans un à-coup, se détachant presque du soldat. Dans un soupçon d’hésitation, elle ne sut plus si elle devait protester ou non, sentant le corps s’impatienter sous elle. Alexandre ne lui en laissa pas l’occasion. Les mains verrouillées autour de sa nuque, elle sentit ses repères s’emballer tandis qu’ils chutaient. Avalanche amortie de justesse, accueillie par la muette supplique du lit sous eux, aucune appréhension ne l’avait gagnée. Trop absorbée par le corps qui la couvait et l’étreinte qui menaçait de la briser à tout instant. Elle répondait à ses sollicitations avec une agressivité à peine voilée et accrochait à plusieurs reprises ses lèvres du bout des dents, la langue dardant à la fin de chaque morsure. Tantôt suave, tantôt féroce. Elle était contradiction pure, les pensées s’évaporaient sous l’étreinte et les émotions s’entrechoquaient. Dans son corps se succédaient vagues glacées et fournaise insoutenable. Le bas-ventre aiguillé de milles signaux nerveux, son esprit s’embrouillait un instant puis une pensée s’imposait, limpide ; terriblement consciente de la présence du corps contre elle, oubliant le reste à l’envie.

Alexandre Prokhorenko
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Alexandre Prokhorenko
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Mar 15 Mai - 20:40

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Anna Volkovar
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Anna Volkovar
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Alexandre Prokhorenko
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Alexandre Prokhorenko
Lieutenant-instructeur, chef de section du Bastion Vympel
Mer 16 Mai - 11:44

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Anna Volkovar
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Mer 16 Mai - 19:57
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Alexandre Prokhorenko
Lieutenant-instructeur, chef de section du Bastion Vympel
Jeu 17 Mai - 11:51

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Surnom :: Stena
Les deux soldats étaient bien loin d’être réglés au même diapason et la faute en revenait au lieutenant, qui évacuait à sa manière, le traumatisme au retour de sa mission. L’aide du Colonel Dezhnov s’était contenté de faire un simple aller-retour dans les corridors des dortoirs d’Arbatskaïa, croisant maintes faces qui lui étaient familières, sans leur accorder plus d’attention, et pensant avant tout à sa carrière. Fermement résolu à affronter le chef du Bastion Vympel et le sortir de sa tanière, dusse-t-il le trainer jusqu’à l’état-major, le ryadovoï Ulyanov leva un poing déterminé devant la porte de Stena. Et il hésita. A l’intérieur, l’on se battait. Grondements et feulements. Etaient-ce des fauves ou des humains ? Les mécanismes de défense de sa psyché avaient déjà effacé de son souvenir, l’incident flagrant, remarqué quelques minutes auparavant dans l’entrebâillement. Un groupe de kshatriyas bruyants passa derrière lui, laissant à son compte une trainée de moqueries. Il avait l’air finaud, planté devant la piaule du lieutenant, la main en suspens. Après leur avoir jeté un regard plein de courroux, il tendit l’oreille à la porte et poussa un profond soupir de découragement. S’il tenait à sa carrière, il tenait tout autant à son râtelier, et par le plus immédiat des instincts envers son congénère, décida qu’il ne valait mieux pas insister. Le lieutenant sortirait quand il sortirait, puisse-t-il se magner, et jusqu’alors, tant penaud que bileux sous l’humilité forcée, et quelque peu envieux aussi, il attendrait les bras croisés contre le mur, montant la garde, contre son gré.

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