Les sirènes, les gens qui hurlaient alors que quelques rares personnes restaient dubitatives pensant qu'il s'agissait d'un simple exercice jusqu'à ce que même certains bureaucrates de l'époque ou autres individus un tant soit peu d'influence finissent par eux aussi s'y ruer. Tu avais eu de la chance en ce début de siècle lorsque les bombes sont tombées alors que ton père avait réussi à rentrer dans l'un des métros centraux de la ville, celui qui devint plus tard l'une des quatre stations qui constituaient Polis. Ta mère elle n'avait pas eu cette chance quoi que tu ne le sauras sûrement jamais, tu avais juste su qu'elle travaillait dans un hôpital de Moscou lorsque le déluge nucléaire a rasé la ville, peut être avait elle réussi à atterrir en une autre station, peut être était elle morte quelques mois après d'une épidémie. Elle avait peut être fini par décéder pour une quelconque autre raison, les prédateurs, accidents et autres n'ayant jamais manqué dans ce nouveau quotidien. C'est ainsi que ta vie avait basculé du tout au tout alors qu'avec le temps tout ceci avait fini par en être encore plus frustrant de par le fait que tu avais connu la vie d'en temps, loin des privations même si la tension quotidienne fut autrefois présente elle aussi sous une forme bien plus subtile.

Tu avais dès lors grandi en ce métro ayant pu connaître chacune de ses périodes, la période où les pénuries avaient commencé à se déclarer, les mutineries s'élevant en même temps que les murmures qui évoquaient la disparition du pouvoir. Tu n'avais oublié aussi la guerre entre les communistes et l'actuelle Hanse qui devait se faire insulter de tous les noms anticapitalistes par les fanatiques de la Ligne Rouge. En ce nouveau contexte, on t'avait rapidement assigné lors des premières années dans le métro à des tâches utiles comme l'entretien de certaines armes étant un homme en devenir, on avait estimé qu'il était utile de déjà te familiariser avec les armes tout comme avec d'autres tâches se rapprochant du domaine militaire ou encore médical de façon bien plus mineur. On était bien rapidement passé de l'éducation d'avant la tombée des bombes où les théorèmes étaient des plus utiles selon les professeurs à savoir promptement enfiler son masque à gaz ou prendre soin de son équipement afin d'évité que son arme s'enraye. En ton cas on n'avait pas chômé pour t'exploiter de par la force militaire que tu avais pu représenter alors que dès tes seize ans des militaires de carrière avaient décidé avec l'organisation des stations d'établir l'équivalent de services militaires. Tu avais dès lors passé tes multiples mois jusqu'à la majorité à apprendre à clairement viser, assimiler quelques tactiques militaires qui allaient s'avérer obsolètes pour certaines face à des mutants mais terriblement efficace en contre partie lorsqu'il s'agissait d'occire un humain.

On avait fait de toi un stalker totalement opérationnel pour l'année de tes dix huit ans, choix personnel en partie alors que cela aurait pu paraître suicidaire. On t'avait malgré tout rapidement responsabilisé durant ton adolescence ce qui t'avait poussé à ce choix, tu disposais en l’occurrence de quelques avantages pour compenser ton clair manque d'expérience, le fait d'avoir connu la ville d'avant l'apocalypse. Tu avais donc des capacités en terme de cartographie alors que les risques des souterrains avaient fini par rapidement se faire connaître eux, là où tu n'avais eu qu'à glaner des informations un peu partout auprès des vétérans ou des colporteurs pour te préparer. On t'avait sans plus attendre collé à des expéditions qui se devaient d'être proches des stations habitées, là où c'était le moins dangereux techniquement. Tu n'avais tardé aussi à rapidement participer aux sorties à la bibliothèque Lénine, multipliant dès lors les missions, les objectifs dont l'éloignement géographie dans la ville rajoutait un facteur de mortalité non négligeable. Tu te rappelles même aujourd'hui que de nombreux stalkers avaient été estomaqués par la monstrueuse chance dont tu faisais preuve même si tu n'avais fait exception à la règle ramenant tes propres trophées à même le corps côtoyant rapidement les toubibs pour la pose de points de suture et autres.

Tu appréciais les sorties pour une simple raison, le fait de pouvoir se substituer à la politique, aux jeux de pouvoir en ces abysses et surtout le fait d'être au dessus de certaines restrictions de circulation imposées. Jouer avec la mort c'était ta façon de se soustraire aux rouges et à leur nauséeuse propagande et à l'incompétence des leaders alors que les factions s'étaient multipliées tout comme les stations indépendantes. Tu voulais t'éloigner de la civilisation tout bonnement même si bien rapidement la radioactivité t'imposa le contraire. Tu avais eu vingt huit ans lorsque ta vue avait commencé à drastiquement baisser en quelques jours alors que les médecins n'avaient jamais vu une telle choses. Tes pupilles s'étaient mise à muter alors qu'on ne pouvait pas dire que tu étais myope comme une taupe, tu en étais devenu cependant incapable de viser correctement et de distinguer un danger dans l'obscurité à moins que celui-ci ne soit plus qu'à une distance raisonnable, raisonnable mais tout sauf emprunte de sécurité. On t'avait dès lors reconverti en formateur pour les bleus, ceux qui rêvaient à leur tour de finir stalker ou colporteur, ceux qui rêvaient de gloire, d'une brève vie prestigieuse ou alors qui étaient complètement cons et inconscients.

Tu avais dès lors passé des mois à former des jeunes à aller au casse pipe. Attendant patiemment devant la porte hermétique de certaines stations le retour de tes protégés afin de savoir combien avaient survécus. Les statistiques voguant entre l'exécrable et le prometteur avant d'apprendre en débriefing que l'un des plus ambitieux avait fini écrasé dans un misérable effondrement, d'autres débiles ayant eu l'idée d'observer l'étoile rouge du Kremlin alors que tu leur avais formellement interdit, voir même plus que fortement déconseillé de ne serait-ce que s'approcher de la place rouge. Tes apprentis avaient au moins eux le don généralement de vivre un tant soit peu plus longtemps que la moyenne. Ce n'est donc qu'au bout de un an quasiment que tu avais finis par doucement mais sûrement retrouver une vue convenable, une vue identique à celle d'avant la mutation qui avait mis un tant fou à évoluer même si celle-ci ne t'avait offert un quelconque avantage en terme de perception. Tu ne savais aujourd'hui si cela fut réellement une chance ou non alors que les gens avaient peur du nouveau regard que tu arborais surtout de par les histoires qu'ils avaient pu entendre sur la surface et ses monstruosités. Autant dire que tu avais bien rapidement repris ton travail de stalker interrompu de par ton précédent handicape visuel. Un an à croupir dans des stations ce qui t'avait paru être une éternité et cela était bien plus qu'un euphémisme.

Tu t'étais bien rapidement arrangé pour te retrouver de nouveau à la surface auprès du danger et de la faucheuse avec de nouveaux compatriotes. Tu avais cessé de compter dans les années qui suivirent le nombre de coéquipiers que tu avais passé de la même manière que le nombre d'escouades auxquels tu avais été greffé, le nombre d'escouades que tu avais dirigé aussi de par ton ancienneté. Ainsi il y avait une chose qui avait fini par ressortir concernant ta personne, tu n'étais pas le stalker le plus rapide, le plus fort ou le plus futé que le métro est connu, mais tu étais le plus chanceux et sans doute le plus brave de tous toutes mesures gardées. Maintenu en vie aussi sûrement par un petit plus que tu gardais bien pour toi, tu étais sûrement l'unique et dernier stalker en activité à avoir connu la surface avant l'hiver nucléaire, le plus vieux de tous et l'un des plus aptes à mener d'autres illuminés en ce pandémonium qu'est l'extérieur.