-55%
Le deal à ne pas rater :
Coffret d’outils – STANLEY – STMT0-74101 – 38 pièces – ...
21.99 € 49.04 €
Voir le deal

L'Oeil
Date d'inscription : 24/03/2017
Messages : 326
L'Oeil
Fondateur
Sam 14 Mar - 0:00
Fondateur
Le Pouvoir des mots

Épreuve 4 : Le Pouvoir des Mots 200313114815829849


Il y a beaucoup de manières de mourir dans le métro moscovite et peu de moyens de sauver sa peau. Pour cette fois, c'est en vous servant de votre langue que vous devrez assurer votre survie. Est-elle assez bien pendue ? Acérée ? Mielleuse ?
L'heure est venue de défendre vos idées, vos convictions, votre famille ou votre clan.

Qu'elle existe dans la Métro ou uniquement dans votre imagination débridée, défendez les couleurs de votre faction avec une plaidoirie qui convaincra la foule de vous épargner le lynchage pur et simple.




Instructions:
Andrei Volkovar
Date d'inscription : 11/01/2018
Messages : 120
Andrei Volkovar
Stalker
Sam 14 Mar - 4:00

Passeport
Age :: 30 ans
Patronyme :: Nikitovitch
Surnom ::
Personnage:

1500 mots

Dans la brume de son esprit, confus et profondément épuisé, Andrei Volkovar errait. Il avait froid. Se sentait perdu, dans les méandres de son propre esprit. Se sentait faible. Désespéré. Pourquoi ? Andrei se surprit en train d’errer dans ses souvenirs les plus enfouis, remontant en des temps plus éloignés, portés au hasard comme l’eau d’une rivière qui le menait dans une direction aléatoire, et pourtant, il avait la sensation de chercher quelque chose. D'un rêve enfouis.

‘J’ai un rêve, tu sais. Il va sûrement te paraître dérisoire. Chaque fois que je sors, je ne cesse de jeter un œil au ciel et j’espère qu’un jour l’immense nuage de cendre se fendra pour me laisser apercevoir un vrai rayon de soleil, éclatant. Je me lève dans l’espoir de voir le soleil comme il se levait avant tout ça. Avant tout ça.’

Le ciel était illuminé. Avec la cendre, la poussière radioactive et les épais nuages, couplés avec les rayons du soleil tentant de passer au travers, une lumière grisâtre et verdâtre maladive était projetée sur toute la ville de Moscou, lui donnant l’impression qu’un épais voile vert agissait comme un rideau. Et pourtant, il voyait dans le regard de sa sœur une lueur d’espoir. Comment pouvait-on espérer quelque chose dans un monde aussi brisé que le leur ? Comment pouvait-on penser revoir quelque chose que les humains ont détruit, par leurs propres fautes ? Il n’avait rien. Il s’en était retourné dans le tunnel sombre menant vers Polis. Il continuait son chemin, parcourant les méandres de son esprit, pour retomber sur un trésor depuis longtemps oublié, qui eut l’effet d’un étau sur son cœur.

‘Comment se fait-il... que tu ne perdes jamais le sourire ?’
demandait un Andrei plus jeune, démoralisé après avoir perdu de nombreux hommes lors d’une expédition en surface. ‘Comment se fait-il que tu ne tombes pas et que tu perdes espoir ?’

Sa femme. Svetlanna. Des cheveux longs de couleur noire. Des yeux gris d’une intensité et d’une douceur unique, comme une lune dans la mer d’encre qu’était le ciel. Elle avait le dos tourné, s’occupait de quelque chose. Même de dos, il voyait déjà son ventre qui prenait de la rondeur.

‘Je ne sais pas. On pense souvent que ce sont les armes qui sauveront le monde. Mais finalement, elles se révèlent souvent bien lourdes pour quelqu’un qui n’a aucune conviction. Je crois que ce sont les petits gestes du quotidien qui me font avancer... Un simple geste d’amour et d’affection. Je crois que cela me donne du courage et me préserve du désespoir.’

Elle posa un regard bref sur Andrei, toujours avec ce sourire enchanteur au visage.

‘Moi, comme tant d’autres, n’ai pas la capacité de sauver le monde, Andrei. Mais...’ Elle s’écarta alors, en posant une main sur son ventre, observant avec un sourire une fleur dans un pot, colorée, attirant son mari contre elle. ‘On peut faire un monde qui vaut la peine d’être sauvé.’

Alors, Andrei se réveilla.


*

- On n’a plus de bandages, ni de médicaments pour aider les blessés ! Les couvertures ont toutes été prises !

- Et les munitions manquent. On n’a plus de contact avec les autres stations. La Hanse, la VAR, la Ligne Rouge. On n’a plus de rations. Ils vont créer une émeute, à force !


Des semaines d’enfer. Sans coup férir, plusieurs brèches s’étaient ouvertes dans le Métro, vomissant des mutants affamés et en recherche de chair fraîche. Nul mot de la VAR, nulle activité au sein de la Hanse, et l’on n’entendait plus les hurlements patriotiques de l’infanterie de la Ligne Rouge, encore moins des commissaires. Les survivants s’étaient amassés aux portes, et la défense avait été organisée. Le Bastion Vympel, exemplaire, avec son chef, avait mené de nombreuses opérations défensives. Mais en dépit de leurs capacités, ils étaient humains, et ils étaient bientôt épuisés alors que l’intensité ne cessait d’augmenter, tout comme le nombre de blessés. Dans les camps, tous les Brahmanes du corps médical, aidés d’Anna, se tuaient à la tâche pour soigner tout le monde. En vain. Le manque de médicament rendait la chose difficile.

La grande porte d’acier grondait, émettait des plaintes. Les Mutants, dehors, allaient bientôt la percer. Et comme des rats, des gens tentaient de s’enfuir. Ils demandaient aux hommes en tenues anti-émeutes de s’écarter pour les laisser prendre leurs rations, leurs dernières ressources pour pouvoir faire quelque chose. Des bagarres, du sang, des gens qui se poussaient, déchargeait leurs colères sur les survivants de Polis. Le moral était au plus bas. Une voix venant d’une intercom vint les interrompre alors.


- CESSEZ DE VOUS BATTRE !

Les badauds, surprit de la force de cette voix, se tournèrent vers son propriétaire. Andrei Volkovar se tenait difficilement debout, mais il ne tombait pas, usant d‘une plateforme pour le surélever. Dans son regard d’un bleu intense, il régnait une lueur enragée. Une lueur de détermination profonde.

- Les entendez-vous mugir, dehors ? Prenez les armes ! Battez-vous pour Polis !

- Si tu les entends aussi bien que nous, tu dois savoir que nous ne sommes pas capables de les battre ! On va mourir, que l’on ouvre cette porte ou non !

- On n’a aucune chance de survivre ! Je le savais depuis toujours... On aurait dû mourir avec les bombes ! Tout ça n’a servi à rien !

- Vous avez tous probablement raison.

Le ton de sa voix laissa un silence planer parmi les civils et les soldats qui l’écoutaient. Au loin, on entendait des coups de feu et des ordres hurlés. Une femme tomba à genoux, en pleurs, tenant un chapelet en main. Déjà, plusieurs personnes l’invectivaient, jetaient ce qu’ils trouvaient sur Andrei. Hurlaient leur rage et leur désespoir, de l’incompétence de ceux qui sont censés être le dernier espoir de l’Humanité.

- Relevez-vous ! Si vous priez... vous fermez vos mains ! Comment vous battrez-vous, sinon ?!

- Mais tu viens de nous dire qu’on va mourir... Quel est l’intérêt de faire le moindre effort, alors ?!

- Encore une fois, tu as probablement raison. Tout cela ne sert probablement à rien. Que l’on soit né dans l’ancien monde... ou dans les tunnels du Métro... Notre espèce avait-elle seulement un but dans sa survie ? Que l’on puisse vivre, tous et chacun ?

Andrei baissa son regard sur la paume ouverte de sa main. Il se souvint de Natalya, sa fille. De ce sourire chaud. Si douloureux. Une rage de vivre puissante s’empara de lui. Alors, il releva encore son regard, et hurlait cette rage, et chaque mot qui sortait de sa bouche était une tempête, les orages et les éclairs claquant dans l’air.

- REGARDEZ VOS PROCHES DANS LES YEUX ! VOS ENFANTS, VOS AMIS, ET VOS FAMILLES ! POUVEZ-VOUS LEUR DIRE QUE LEUR VIE N’AURA SERVI À RIEN, QUE TOUS VOS SOUVENIRS FAIT ENSEMBLE SONT VAINS ?! QUE CEUX QUI SE SONT SACRIFIÉS POUR QUE TOUS ICI PUISSENT VIVRE JUSQU’À CET INSTANT PRÉSENT ONT EU UNE VIE VAINE ?! NON LOIN, NOS BRAVES SOLDATS SE BATTENT ! NON LOIN, NOS MÉDECINS S’ÉVERTUENT À SOIGNER NOS FAMILLES ! POUVEZ-VOUS LES ABANDONNER ? LEUR TRANSMETTREZ-VOUS VOTRE PEUR ?! EH BIEN MOI, JE DIS NON !

D’un coup de pied, il fit tomber des caisses d’armes, déversant leur contenu au sol aux pieds des civils.

- CE SONT NOUS QUI DONNONS UN SENS AUX VIES DES AUTRES, ET DE CE FAIT, À NOTRE VIE ! MOI, ANDREI VOLKOVAR, AI UN RÊVE D’UN MONDE MEILLEUR, OU NOUS NE NOUS CACHERONS PLUS ET OU NOUS POURRIONS ÉLEVER NOS FAMILLES ! SI POLIS, LE DERNIER BASTION DE L’HUMANITÉ TOMBE, TOUT AURA ÉTÉ POUR RIEN ! SI NOUS, DERNIERS HUMAINS, TOMBONS, NOUS NOUS FONDRONS DANS LA NUIT ! ET BIEN MOI, JE VOUS DIS CECI : NOUS N’ENTRERONS PAS DANS LA NUIT SANS COMBATTRE ! NOUS LES COMBATTRONS DANS LES TUNNELS, LES COULOIRS, LES RUINES ET À LA SURFACE, MAIS AUSSI DANS NOS MAISONS ! C’EST LE SEUL MOYEN DE NOUS CONSTRUIRE UN AVENIR, DE CROIRE EN UN FUTUR POUR CHACUN !

Andrei sauta vers le sol, harnaché dans sa combinaison, tenant en main ses armes. La passion dans sa voix était telle qu’il avait transmis sa rage de vivre chez les autres, qui prirent les armes, munitions et n’importe quoi qui leur servirait à défendre leurs maisons, alors qu’ils auraient pu s’entre-dévorer. D’un geste de la main, Andrei mena alors la foule avec lui. Les portes allaient céder. Et s’ils devaient tomber, alors ils tomberaient ensemble, contre les Mutants.

- Ils ne passeront pas !

La porte céda alors, régurgitant les enfers.

Et le Stalker fonça.
avatar
Mina_OT
Invité
Sam 14 Mar - 15:34
Mina pour Ostium Tenebris



Spoiler:

1213 mots

La respiration irrégulière des deux loups-garous agenouillés rythmait l'échange silencieux de regards. Courbés, le visage bas, la terreur transpirait par chaque pore de leur peau. Furtivement, leurs coups d’oeil glissaient de droite à gauche, sans jamais oser s'attarder plus d'une fraction de seconde sur les deux chefs de gang placés face à face.

Deux fauteuils jadis resplendissants se faisaient face. La croûte rutilante d'un cuir très haut de gamme était craquelée par les âges, accompagnant une moquette élimée recouvrant tout l'endroit. L'odeur âcre d'un lieu abandonné depuis des lustres se mêlait à la poussière qui s'était glissée dans les moindres recoins au fil des années.

Son regard carmin plongé dans les iris clairs, Quon songea qu'il ne pouvait y avoir pire endroit pour une exécution. De la moquette, c'était un geste de débutant. Les plus compétents des nettoyeurs ne pouvaient rien faire pour effacer totalement un corps sur une matière aussi absorbante. Droit dans son tailleur de rendez-vous sérieux, le petit vampire observait sans ciller son adversaire, un sourire à peine perceptible ancré sur les lèvres.

L'elfe qui l'avait fait mander était Kibriel O'Drood. Un malappris mal fagoté dont les cheveux blonds suppliaient d'être peignés. Il émanait de cet homme une aura malfaisante et une odeur à faire pâlir la plus attentionnée des mères. Le bleu d'une barbe de sommeil se fendait d'un large trait remontant le long de la joue de l'elfe jusqu'à l'oreille.

Kibriel : Alors. Monsieur Peacock. Avez-vous ce que je vous ai demandé d'apporter ?

La figure immobile du vampire bougea enfin. Le cliquetis délicat des bijoux suivit le mouvement de son visage. D'un geste nonchalant, il croisa les jambes, appuya sa joue contre son poing, l'air profondément ennuyé.

Le silence s'étira entre les deux immortels. Les hommes de main, ces gorilles patibulaires encadrant leur chef comme un mur menaçant, se tendirent imperceptiblement.

Quon : Non.

Les lèvres ourlées d'un carmin profond s'étirèrent sur un sourire déformé par la malice. Le nez de la poupée de porcelaine se plissa d'une ride féroce.

Quon : Je vous en prie, tuez-les. S'ils ont été assez stupides pour se faire prendre, c'est tout ce qu'ils méritent, n'est-ce pas ?

Le regard incrédule traversa l’assemblée : prisonniers, hommes de main, elfe. La tension s'étira entre les deux coqs, devenant si compacte que l'air devint difficile à respirer. Aucun des deux ne bougea, sachant pertinemment que le premier à baisser le regard rendrait les armes.  

Kibriel : Vous bluffez. Quon Peacock n'abandonnerait pas si facilement une part de son gâteau.

Quon : Personne ne m'avait encore léché le cul aujourd'hui, j'avais oublié à quel point cela pouvait être agréable.

Rouge. Le visage de l'autre se couvrit de colère, de gêne et de honte jusqu'à la pointe des oreilles. Un de ses hommes s'avança d'un pas. L'elfe leva la main pour l'arrêter. Levant les yeux au ciel, Quon Peacock quitta son siège pour se tenir bien droit. La plaisanterie avait bien assez duré. Son mètre cinquante-cinq se retrouva écrasé par la puissance du mépris qu'il afficha. De ses bras croisés à sa mine emprunte de dégoût, tout exprimait ce qu'il pensait de ce petit parvenu prétentieux ayant osé le convoquer, lui.

Quon : De quel droit. De quel droit osez-vous me convoquer, moi, pour participer à cette pathétique petite mascarade ? Pensiez-vous me faire abandonner foyer, biens et principes en séquestrant deux abrutis incapables de surveiller leurs arrières ?

Kibriel : Et bien, il semblerait que...

Quon : TAISEZ-VOUS ! Vous êtes un lapereau de trois semaines, juste sorti des jupons de son père. Vous avez trouvé un petit marché florissant, décidé de vous y implanter et choisi une bande de gros bras pour impressionner les faibles d'esprit ? Vous n'avez rien d'un leader. Tout au plus avez-vous pu corrompre ceux que votre cicatrice laisse à penser que vous seriez capable d'autre chose que de vous gratter les parties génitales en public.

Kibriel : Vous n'êtes pas en position de RRRRH ?!!

La main minuscule, délicate et manucurée trouva la gorge de l'elfe. Le choc renversa le fauteuil, fit reculer d'un pas les hommes de main. Le masque de froideur figea la statue d'albâtre, ne laissant bouger que ses lèvres.

Quon : Je ne suis pas seul. Je n'ai jamais été seul. Nous sommes légion. Nous sommes partout. Chaque homme qui entre à mon service est une partie de moi-même. S'ils sont humiliés, je suis humilié au centuple. Vous avez pensé couper les pattes de l'araignée pour l'empêcher de tisser. Mais, Kibriel, mon pauvre enfant.

D'un seul homme, les quatre gardes du corps s'avancèrent. Sous le regard incrédule de leur commanditaire, ils ne s'en prirent pas au vampire. Ils traversèrent, tête basse, l'espace entre les deux adversaires pour rejoindre l'autre côté. Concentrés sur leur tâche pour ne pas ployer sous le poids de la honte, deux défirent les liens des prisonniers qui, n'osant plus bouger, restèrent le nez rivé sur le sol.

La flamme furieuse brûlait sous la surface lisse et impassible du vampire.

Quon : Un équipage ne se dirige pas par la seule force de la terreur. Sitôt que vous avez le dos tourné, celui que vous avez brisé en premier se relève pour vous poignarder. Mes hommes me respectent, me craignent et me suivent. Parce que chacun d'eux compte, parce que chacun d'eux mérite d'atteindre la richesse, le pouvoir et la gloire. Les laissés pour compte, les indésirables, les moins que rien, les laids, les patauds, les faibles : tous ont le potentiel incroyable de grandir, de devenir de terrifiantes personnes inspirant le respect le plus absolu aux petites merdes de votre genre.

Le paon relâcha ses serres, laissant l'elfe s'écrouler pour reprendre son souffle. Au premier mouvement de celui-ci pour se relever, il lui asséna un violent coup de talon dans la mâchoire. Le grognement de défaite lui tira un frisson de puissance. Quon Peacock avait toujours bâti ses empires commerciaux grâce à ceux qui, comme lui, étaient entoilés dans la misère au mauvais moment.

Quon : Vous n'êtes rien de plus qu'un fil à la patte pour ceux que vous pensez vos alliés. Je ne construis pas mes relations de confiance en posant une épée de Damoclès sur mes hommes. Il a suffi de racheter les dettes de vos hommes de main pour qu'ils se joignent à nous. La seule influence que vous aviez sur eux est partie en fumée pour une poignée de dollars. Vous êtes pathétique. Je devrais vous poignarder au bronze et laisser ceux que vous terrifiez vous régler votre compte.

La terreur traversa, un instant, le visage de l'elfe abandonné. Écrasé par le groupe amassé derrière celui qu'il avait fait mander, il n'osa prononcer le moindre mot, de peur qu'il fût celui de trop.

Quon : Mais tous les débutants font des erreurs. Je vous laisse partir, pour cette fois.

De toute sa hauteur, le vampire épingla un regard au fer rouge sur celui de l'elfe.

Quon : La prochaine fois que vous viendra l'idée d'interférer dans mon commerce, rappelez-vous ceci : Je ne pardonne pas. Je n'oublie pas. Nous sommes un.

Quon Peacock se retourna sans regarder en arrière. Dans le silence feutré de la rage de plus, il passa les rideaux lourds de poussière suivi de ses hommes. Il laissa derrière lui un Kibriel : Kibriel pantois, sans allié, sans fortune, et sans aucune idée de ce qu'il venait de se passer.  


avatar
Mey [CI]
Invité
Sam 14 Mar - 16:25
Petit glossaire d'Irydaë:

Épreuve 4 : Le Pouvoir des Mots Meylan12

Elle les avait sentis bien avant de les voir ou de les entendre. Le malaise qui était son compagnon continu sur ces terres désolées était allé crescendo au fur et à mesure de leur approche, culminant en une intense vague de nausée lorsqu’ils étaient apparus face à elle. Cinq monstruosités technologiques tenues par cinq pairs de bras étaient pointées vers elle, et dans son dos la roche lui coupait toute voie de repli.

« Nom, prénom, lieu de résidence, profession. »

Même leurs voix étaient stériles, presque métalliques, dépourvues de toute trace d’humanité. Ceux qui avaient rejeté les Architectes semblaient avoir perdu leur âme au passage. Elle refoula une nouvelle pointe de nausée quand le plus proche d’entre eux s’approcha encore d’elle, le canon de son arme presque contre son torse.

« Helena Stern, agent d’entretien, je... j’habite dans les baraques dans le tunnel 3... S’il vous plaît, j’ai dû me tromper de tunnel, je suis désolée... »

Elle hésitait, bégayait, tandis que son sang battait contre ses tempes. Ses oreilles bourdonnaient et elle n’avait pas besoin d’un miroir pour savoir qu’elle devait être blanche comme un linge, avec peut-être une touche verdâtre. Rien de tout cela ne parut émouvoir les militaires face à elle. Ils restaient impassibles, à peine plus humains que les automates qui pullulaient dans cette partie du monde.

« Les civils sont interdits dans cette zone. »

Il y a bien longtemps, dans la jeunesse du monde,
les Architectes bénirent l’humanité.
Toutes les contrées étaient alors encore fécondes,
des terres où il faisait bon habiter.

« Je ne l’ai pas fait exprès, promis ! Tout se ressemble ici, je… je ne sais même pas où je suis. »

Elle aurait aussi bien pu tenter d’attendrir des pierres, elle aurait eu plus de chances de succès. Les patrouilles de routine étaient d’un ennui mortel, et la seule raison pour laquelle elle était encore en vie était parce qu’elle était ce qu’ils avaient vu de plus intéressant de la journée. Elle n’aimait d’ailleurs pas la lueur qui s’était allumée dans le regard de deux de ses assaillants. Le plus proche d’elle, visiblement le porte-parole du groupe, répliqua d’un ton railleur.

« Ah ben zut alors, on a un mauvais sens de l’orientation ? Ou alors c’est ta mémoire qui a des trous ? »

Les Griffons portèrent leur attention bienveillante
sur un peuple encore inarticulé.
Il reçut la passion de Süns la Flamboyante,
la mémoire de son frère, l’Immaculé.

« S’il vous plaît, aidez-moi. Je vous promets que je ferai attention où je m’aventure à l’avenir ! »

Gagner du temps, encore et toujours, qu’importe les moyens. Tant qu’ils parlaient, tant qu’ils l’écoutaient, c’étaient de précieux instants de vie qui s’accumulaient. Tout ce qu’elle devait faire, c’était tenir jusqu’à ce qu’un miracle se produise. Et ignorer son estomac qui faisait des pirouettes plus endiablées qu’une danse zolienne. Le meneur du groupe ricana en réponse à sa demande :

« Mais bien sûr qu’on va t’escorter vers le tunnel principal tant que tu promets de ne pas revenir. Et puis tant qu’à faire, on va aller gentiment demander à ces saletés de mages de déposer les armes et de promettre de pas recommencer. »

Mais cet état de grâce hélas ne dura pas,
car les Dieux avaient des enfants rebelles.
Déchirée par la discorde qui la frappa,
My’trä plongea dans un conflit mortel.

« Je n’ai rien fait de mal, je le jure ! Je voulais juste… »

Des larmes perlaient au coin de ses yeux, de minuscules globes translucides ornèrent bientôt ses cils. Ses mains vinrent couvrir son cœur en gage de sa bonne foi ou, peut-être, comme des défenses bien futiles face à la balle qui risquait tôt ou tard de venir s’y loger. Telle une meute sentant que le coup de grâce était proche, les soldats resserrèrent l’étau et l’acculée ne parvint qu’à grand-peine à retenir le haut-le-cœur causé par cette proximité.

« Juste quoi, hein ? Qu’est-ce que tu complotais dans une section interdite d’accès ? »

Bannis, exilés, les ingrats furent repoussés
par-delà les mers sur une terre maudite.
Dans les cœurs malades de ce peuple courroucé
naquirent des machinations interdites.

« Je vous l’ai dit : je me suis perdue ! Pitié… »

La panique était clairement audible dans son ton. Elle recula de quelques pas, jusqu’à ce que son dos heurte le mur toujours aussi inamovible derrière elle. Comme un appel d’air, le mouvement fit avancer encore un peu plus ses (futurs) bourreaux. Si elle avait été une combattante, elle aurait profité du fait qu’ils se gênent mutuellement pour tenter une sortie… mais ce n’était pas le cas.

« ‘Pitié’ ? Tu crois que c’est avec des bons sentiments qu’on va gagner la guerre ? »

Vaincus, humiliés, ils fomentaient leur revanche
à coups d’engins hérétiques et odieux.
Belliqueux, ils lancèrent bientôt la seconde manche,
un assaut contre My’trä et ses Dieux.

« Je… Je… »

Etait-ce mélodramatique de s’imaginer qu’elle sentait leur odeur fétide, typique des personnes dont le dernier bain remonte à trop longtemps avec des relents d’alcool pour contrer le froid ? Peut-être, mais quelle importance ? Elle ferma les yeux et appuya sa tête contre la paroi rocheuse, comme en attente du coup fatal.

« La pitié, c’est bon pour les temps de paix. Ou les perdants. »

Ils marchent sur nos terres, sèment la désolation
et dans leur sillon feu, sang et ravages.
Peuple des Architectes, exige réparation
mets fin une fois pour toute à ces sauvages !

Lentement, mais inéluctablement, les armes changèrent de cible. Elle vit la terreur apparaître sur le visage des militaires, signe qu’ils commençaient à comprendre ce qui allait arriver. Conscients de leurs actions et pourtant incapables de résister à la force qui les contrôlait désormais, que c’était merveilleusement tragique. Les masques étaient tombés, et la comédienne observait la scène d’un air satisfait. Un mince sourire ornait ses lèvres, dans ses yeux noirs nulle trace de compassion. Cinq coups de feu retentirent, cinq corps tombèrent au sol.

Prenant bien garde de rester le plus loin possible de la technologie païenne, Meylan Lyrétoile quitta la scène macabre. Elle passa la main dans sa besace pour effleurer le bois de sa lyre, sa plus fidèle compagne. Autrefois, l’instrument lui était indispensable pour solliciter les dons de son Architecte tutélaire, mais désormais les mots seuls suffisaient. Propulsé par ses vers, son esprit s’était envolé vers Khugatsaa, et le Griffon Blanc lui avait répondu. Il lui donnait la force d’accomplir sa mission, jour après jour, de protéger ceux qui survivaient encore et de rendre justice à ceux qui avaient succombé. Daënastre lui avait tout pris, elle comptait bien le lui rendre au centuple.

Meylan Lyrétoile:
avatar
Dany AVA
Invité
Sam 14 Mar - 17:05
Spoiler:
1500 mots

Assise dans l'atelier qui accueillait ses affaires pour travailler, Danika avait le nez sur une soudure pour réparer un intercom qui avait décidé de rendre l'âme malgré tous les bons soins qu'elle lui apportait. Elle n'avait pas quitté cet endroit depuis deux jours, travaillant sans relâche comme à son habitude. Elle avait bien entendu, dans les bribes de conversations des autres dans l'atelier, qu'il semblait y avoir un problème. Mais elle ne s'en était pas vraiment souciée jusque là, pensant que cela allait se tasser, comme souvent. Et puis, les dirigeants de la colonie étaient aussi là pour apaiser les esprits... N'est ce pas ? Concentrée, elle sursauta violemment lorsque la porte de l'atelier un coup violent, faisant résonner le bruit dans toute la pièce.

Qu'est ce que... ?

Jetant un oeil autour d'elle, elle aperçut que tous les hommes présents avaient cessé leurs activités de réparations pour jeter un oeil à la dite porte.

Sergent-chef Easting. On fait quoi si ils entrent ?

Danika se leva de sa place et rangea son matériel de soudure tout en répondant :

Tucker, mettez tout ce qui peut être sensible à l'abri. Xang, couvrez les établis et le matériel qui se trouve dessus. Les autres, vous êtes des militaires au service de la colonie, autant que je le suis. Quelqu'un a-t-il une idée de ce qui se passe exactement ?

Ce fut Tucker, tout en exécutant les ordres reçus, qui lui répondit :

Certains colons veulent sortir et estiment que les militaires ne servent à rien de plus qu'eux hors des murs puisque les Guerriers sont là en cas de problèmes avec la faune. Ca fait un moment que ça gronde.

On ne sert à rien, nous ? Ok...

Se redressant en essuyant ses mains sur un chiffon, la tzigane alla chercher un intercom fonctionnel qu'elle utilisa pour appeler le central et prendre les ordres.

Les ordres sont : Apaiser les tensions. Elle marmonna : comme si on allait jeter de l'huile sur le feu tiens...

Ouvrant la bouche pour reprendre, elle fut de nouveau interrompue par un coup violent frappé à la porte.

Je sais, c'est à ce demander comment faire comprendre à des gens qu'ils sont en sécurité uniquement dans l'enceinte de la colonie et qu'ils ne peuvent pas explorer des endroits vierges de tout passage humain comme nous le faisons. Il va falloir la jouer fine messieurs, je compte sur vous.

Tucker fut le premier à réagir et enfila sa tenue correctement, bientôt suivi par les autres. Ils travaillaient avec des bleus adaptés à leur tâche et laissaient leurs uniformes à l'abri des dégradations qu'ils pouvaient se faire lors de leurs activités. Danika, la première, venait souvent en jean et veste de cuir sur son lieu de travail et se déplaçait en tenue civile lorsqu'elle n'avait pas affaire avec des huiles de la chaîne de commandement.

On fait bloc et on ouvre la porte. Allez.


L'avantage de leur atelier était tout de même la porte qui ne s'ouvrait qu'avec un pass ou une commande à distance. Lorsque tout le monde fut prêt, elle déverrouilla l'entrée et se plaça devant le groupe en se tenant bien droite, le visage avenant et dans une attitude détendue qu'elle était loin de ressentir. Il n'y avait pas grand monde derrière le sas, une quinzaine de personnes tout au plus, mais ils ne semblaient pas vraiment dans de bonnes dispositions pour discuter sans échanger des coups. Prenant une grande inspiration, la tzigane monta la voix pour couvrir le barrouf que faisaient les colons en colère :

Bienvenue à l'atelier de réparations. Une petite visite guidée et des explications sur notre rôle semble vous intéresser apparemment. Je suis le Sergent-chef Danika Easting, spécialisée dans la télécommunication et, occasionnellement, mécano dans et hors de l'atelier. Je vous prierai de bien vouloir baisser d'un ton, ma pauvre voix ne pourra pas vous donner satisfaction quant à votre curiosité si je suis obligée de tirer dessus comme ça pendant cette visite surprise et approuvée par le commandement.

Le brouhaha cessa peut à peu alors que les colons la regardaient comme si elle avait perdu l'esprit. Il était pourtant clair qu'ils n'étaient pas venus pour une visite mais bien pour renverser le groupe des militaires et de leurs "privilèges" à pouvoir sortir des murs de la colonie. L'un d'eux se détacha du groupe qui restait éberlué et avança d'un pas avant de prendre la parole avec un air revêche :

Vous vous foutez de nous là ?

Pas du tout, cher monsieur... Merci, au passage, d'avoir apporté un peu de silence pour que l'on m'entende mieux sans que j'ai à monter la voix. Est ce que je peux connaitre votre nom, que je sache à qui je m'adresse ? J'aime connaître mes interlocuteurs un minimum.

Vu le regard méfiant qu'il lui adressa, elle n'allait pas l'obtenir, ce nom. Peut-être craignait il des représailles par la suite. Quoi qu'il en soit, cela n'arrêta pas la serbe qui se contenta de hausser les épaules avant de se décaler et d'ouvrir un bras pour montrer l'atelier autour d'elle et les militaires qui se tenaient derrière elle. Tucker s'avança lorsqu'elle fit ce geste et la salua.

Sergent-chef, permettez moi de préparer de quoi hydrater et sustenter tout le monde pendant que vous ferez la visite.

Allez y Tucker, c'est une bonne idée... elle ajouta en son for intérieur "et surtout ils verront qu'on est autant au ration du vaisseau qu'eux sans avoir de privilèges de ce côté là non plus."

Revenant au groupe de colons, elle leur fit signe de la suivre, chose qu'il finirent par faire.

Comme vous pouvez le constater, ici il n'y a que du matériel à réparer. Certains sont un peu plus sensibles que d'autres mais seulement pour ceux qui ne s'y connaissent pas, aussi nous le gardons sous une protection pour éviter les mauvaises manipulations accidentelles. Nous avons reçu une formation pour tout ça, et chacun de nous a des compétences diverses qui nous permettent de survivre en milieu hostile. Je suis désolée d'avoir à vous le dire ainsi mais... Ce n'est pas votre cas.

Tout en disant cela, la tzigane avait gardé son sourire et il n'y avait aucune trace de moquerie ni de condescendance dans sa voix. Elle établissait juste un fait et tenait à le rappeler de vive voix a ces invités imprévus. L'homme ne sembla pourtant pas apprécier qu'elle lui dise cela tandis que certains se regardaient en se demandant certainement si elle se fichait d'eux ou pas. Devant cette réaction, la jeune femme s'arrêta et se tourna franchement vers eux avant d'aviser celui qui semblait diriger ce petit groupe. Il était plus grand qu'elle, plus costaud aussi et s'entretenait certainement un minimum. Le genre de gars a en imposer grâce à sa force. Il fit d'ailleurs mine de s'avancer vers elle avec un air menaçant tandis qu'elle restait nonchalante et le regardait toujours avec un léger sourire. Les hommes qui travaillaient avec elle la connaissaient, ils savaient de quoi elle était capable. Il ne vint pas à l'esprit de son adversaire que si des soldats entraînés reculaient légèrement en voyant ce face à face, ce n'était pas bon signe...

Plus entraînée que moi peut-être ?

A peine avait il lancé ces mots qu'il tenta de saisir de la jeune femme par le bras. Bien mal lui en prit, en une fraction de seconde ou presque, elle l'avait mis au sol et le maintenait dans une position inconfortable avec une clef de bras, le genou entre ses omoplates. Levant le visage vers les autres, elle lança plus haut :

Si même lui ne peut pas venir à bout d'une femme aussi menue que moi, expliquez moi comment vous pourriez faire face à des créatures qui veulent faire leur déjeuné de vous. Nous, les militaires, pouvons gérer ça pour la plupart, d'autres sont plus dangereuses encore et dans ce cas il faut savoir se mettre à l'abri, maintenir une cohésion dans la protection des civils qui peuvent nous accompagner, des scientifiques pour la plupart qui ne savent pas se battre ou se défendre, qui ne connaissent pas COMME VOUS, les règles basiques de la survie. Laissez nous faire notre travail et vous protéger autant que possible. Laissez nous vous ouvrir les portes de ce paradis qui est en réalité un enfer sans les aménagements nécessaires à votre survie. Se penchant vers l'homme, elle ajouta à son oreille : Quant à vous. Avant de vous attaquer à qui que ce soit, renseignez vous et surtout jaugez votre adversaire correctement.

Relâchant l'homme, elle s'éloigna et désigna la porte du doigt.

Maintenant, vous prenez un truc à manger et à boire et vous retournez à vos occupations immédiatement. Laissez nous faire notre travail.

La voix Danika n'était même pas essoufflé, elle n'était pas non plus agressive mais ferme. L'ordre était tombé et, bien que civil, elle obtint l'obéissance des envahisseurs. Il était clair qu'elle savait se faire obéir de ses hommes et qu'elle n'avait pas volé son grade.

avatar
Sofia A.
Invité
Sam 14 Mar - 17:24
Sofia Ashley [UtM]:





 
Le pouvoir

des Mots.


 
Feat. ...Vous ?



HaséaJ'étais... Épuisée. Épuisée de vivre avec ce secret. Fatiguée de ce fardeaux qui était bien trop lourd, pour moi, à porter. Pourtant, pour les autres, je devais être un exemple. De femme forte, de femme indépendante. Une femme qui, malgré les épreuves, parvenait toujours à se hisser au sommet de la pente. A vivre uniquement pour entretenir des souvenirs. Le faire vivre à travers mon esprit, me rappeler de tous nos agréables moments... Mais aussi les moins joyeux. Vivre dans le passé, seule. C'était terriblement difficile, sombre. Prisonnière de mes propres erreurs et je ne pouvais me confier à personne. Absolument personne, sinon... Je risquais de causer la perte de mon peuple. Les Mawus devaient vivre cachés. Si la Fédération apprenait notre existence, nous serions traités comme les autres Créatures. Des puces, pour nous contrôler, nous encadrer. Comme des bêtes. Même si j'étais de nature égoïste, mon peuple comptait plus que moi. Je devais garder le silence. Alors... Je vivais avec mon fardeau. A chaque fois que je fermais les yeux, je revoyais encore la même scène. J'étais assise à table, toujours dévastée par la perte de mes parents. Et Roy, mon fiancé, qui essayait, chaque jour, de m'aider à me relever. Pourtant, ce soir là... J'étais beaucoup moins réceptive. La colère avait pris le dessus, une colère noire, malfaisante. Je lui avais ordonné de me foutre la paix, de disparaître, d'aller récupérer mes parents là où ils étaient. Et... Ce fut exactement ce qu'il fit. Il disparut, convaincu de pouvoir chercher mes parents, de l'autre coté. Je voyais encore... Tout ce sang, partout, étalé sur le mur. Son corps inerte au sol, un trou béant à l'arrière de la tête. Le flingue par terre, qu'il avait enfoncé dans sa bouche avant de presser la détente. Il... Il n'avait fait qu'obéir à mon ordre. Car c'était justement ça la porté de mon don. Les miens m'appelaient "La Sirène". Car je pouvais, rien qu'avec ma voix, envoûter les gens et les soumettre à ma volonté. Pour moi, je n'étais qu'un monstre, dangereuse, qui pouvait tuer rien qu'avec la voix, sous la colère.  

Je vagabondai, là. J'ignorais où j'étais, trop perdue dans mes pensées pour regarder où mes pas m'avaient conduit. Mais en regardant autour de moi, impossible de savoir où je me trouvais. Tout semblait n'être que ruine... Et une brume inquiétante semblait avoir pris possession de la zone. Par réflexe, je regardai mon téléphone. Pas de réseau... J'appelai ARIS, mon Intelligence Artificielle qui était installée aussi bien dans ma villa que dans ce téléphone. Grace au ciel, il répondit. Mais ma joie fut de courte durée, car sans réseau, il était incapable de m'aider. Cet endroit ressemblait à une usine désaffectée, à en juger par les tuyaux qui passaient par là, les bureaux vides, les lignes de production... Ah, oui. Ca me revenait. Trouver des indices, des traces, pour mener à bien une enquête. Personne ne savait que j'étais ici. Alors j’avançai encore quand, soudain, une vive lumière se mit à briller. Heureusement que j'avais mon bandeau, qui m'évita à l'instant d'être éblouie. Curieux, le courant n'était pas coupé... ? J'avançai encore, mes talons claquaient sur le sol carrelé. Puis... Un son lointain. La brume était envahissante ici. Elle me donnait des maux de tête. Je voulais faire demi-tour, pour revenir avec un masque, mais... Des coups de marteaux me clouèrent sur place. Je levai les yeux et là... Je vis, parmi les décombres, perché en hauteur, une silhouette. On aurait dit... Un juge.


"Affaire numéro 2B, l’accusée, Miss Ashley, soupçonnée d'avoir commis le meurtre de son fiancé, Roy Elric."

"Qu'est-ce... C'était quoi, ce bordel ?"

Un violent coup de marteau me fit sursauter.

"Silence ! Gronda le juge. Miss Ashley, nous vous attendions. Prenez place."

"Nous" ? Je regardai autour de moi... Il n'y avait personne. Alors de qui voulait-il parler ? C'est qui, ce "nous" ? Mais, étrangement, je me sentis forcée d'obéir. Je pris donc place, debout derrière la barre des accusés.

"En qualité de juge, je présiderais l’audience. Mesdames et Messieurs les juges. Fit-il en saluant -personne- d'un signe de tête. Nous pouvons commencer."

C'était du délire, il n'y avait personne ici ! Qui venait-il de saluer ? Je sentis la colère monter en moi, je perdis patience. C'était quoi, ce cirque !?

"Miss Ashley. Vous êtes soupçonnée du meurtre de Roy Elric, dans la nuit du 02 Novembre 2031. En parfaite connaissance de cause, vous lui avez ordonnée de mettre fin à ses jours. Votre don, l'arme du crime dans votre cas, a été utilisé pour parvenir à vos fins. Vous connaissiez parfaitement l'étendu de ce pouvoir et, pourtant, vous aviez tout de même regardé, droit dans les yeux, Roy Elric pour lui ordonner de se tuer. Reconnaissez-vous les faits ?"

J'étais tétanisée. C'était qui, ce type ? Comment pouvait-il savoir tout ça, avec autant de précision ? Je me mis à trembler, posai les mains sur la barre afin de tenir debout. Mes jambes allaient me lâcher. Je déglutis, mon teint devint aussi blanc qu'un linge propre. Où était-je, qu'est-ce que tout cela signifiait ? Je sentis le regard du juge me percer, sonder mon âme. Il me fixait, impassible, l'air d'attendre des réponses. Et, devant mon mutisme, perdit patience. Il frappa violemment avec son marteau, m'arrachant un cri de surprise. J'avais si peur, j'étais terrorisée. Impuissante.

"Répondez, Miss Ashley !" Ordonna-t-il violemment.

Sa voix m'avait comme... pénétrée, au plus profond de mon être. Des frissons remontèrent le long de ma colonne vertébrale. J'ouvris la bouche, ne faisant que bégayer des mots inaudibles. J'avais cette affreuse sensation que je devais lui obéir... Et que cela paraissait normal.


"J-... Je ne voulais pas..." Soufflai-je.

Mon regard se voila, mes paupières bordées de larmes. L'une roula le long de ma joue, je ne comprenais rien à la situation. D'où sortait ce tribunal, au beau milieu de cette usine ?


"Vous reconnaissez donc les faits ?" Lança-t-il, impassible.

"Je viens de vous dire que je ne voulais pas !! Hurlai-je de tristesse et de colère. Je l'aimais, et je l'aime encore aujourd'hui ! Je vis avec ça depuis maintenant trois ans ! Je regrette tellement, tellement ! Il me manque terriblement...Fis-je, plus bas. Je suis bien trop amoureuse de lui pour, ne serait-ce, qu'imaginer lui faire du mal ! Vous devez me croire, je ne contrôle pas mon don ! C'était sous la colère... J'étais en colère, mais pas contre lui !"

Je craquai. Tombai à genoux, faible face à la vérité. Face à la réalité.

"Je donnerais n'importe quoi pour le revoir, même juste un dernier jour... Pour lui dire que je suis désolée. Que je regrette. Et que je vis uniquement pour lui, pour le faire vivre à travers mes souvenirs. Le faire vivre à travers ma propre vie. Car tant je serais vivante, au moins une personne se souviendra de lui. Au moins une !"

Puis le silence... Qui n'était que rythmé par mes sanglots. Et je répétai, inlassablement, que j'étais désolée. Pourtant... Le juge me regardait encore, toujours aussi... Stoïque. Ne ressentait-il donc rien ?

"Donc, Miss Ashley, malgré le fait que vous savez ne pas maîtriser votre don, vous avez tout de même donné un ordre à votre fiancé. Vous l'avez tué."

Mon cœur rata un battement. Les veines de mes yeux s'injectèrent de sang. Cette fois-ci, s'en était trop. J'explosai de colère, devant autant d’impassibilité. La barre des accusés vola en éclat, mon bandeau tomba sur le sol. Je serrai les poings, si fort que mes ongles s'enfoncèrent dans ma chair.

"Ca suffit !! Allez en enfer, avec vos conneries ! Allez mourir !" Hurlai-je.

Une lumière s'alluma, violemment, en direction du juge. C'était une femme, en réalité... Non, c'était moi, mon propre reflet. Qu'est-ce... Le juge se tourna vers... les jurés, il regardait dans le vide.


"Mesdames et Messieurs les jurés... Il est temps pour vous de délibérer"

Et puis plus rien. Tout disparu. Il ne restait que moi... Face à un miroir brisé. Je voyais mon reflet. Je me voyais parfaitement, je me fixais droit dans les yeux. Et là... Je me sentis forcée de récupérer mon arme. Pour me la coller sur la tempe. Venais-je de m'ordonner à moi-même de me tuer... ? Non ! NON ! Pas comme ça ! J'entendis un tas de voix dans ma tête. Des gens que je ne connaissais pas, qui venaient d'ailleurs, de partout. Coupable... Innocente ! Coupable... Non, innocente ! Mon doigt sur la détente, prête à appuyer... Je regardai mon reflet. Etais-je coupable ou innocente ?
Codage by Littleelda from     Never Utopia



Coupable ou Innocente ?:
avatar
SavinaLS
Invité
Sam 14 Mar - 19:02
Savina Da Morgloria Zenone, LS:
1232 mots


… Mais qu’est-ce que c’est que ça encore ? Je regardai autour de moi, je me trouvais entourer de personnages dans les tenues les plus ridicules et un immense drapeau rouge et or derrière eux. Je mis rapidement ma main contre mon nez et ma bouche. Quel est donc cet endroit ? L’odeur de renfermé et de mort est aussi présente que lors de l’épidémie de peste qui a frappé Venise, l’hiver dernier.

« Vous étrangère, membre d’une famille de la noblesse et participante au capitalisme contre les valeurs mises en place par les camarades Lénine et Staline, vous êtes en état d’arrestation au nom du communisme. »

Oh Dieu. Qu’est-ce que ce charabia et cet accent ? Ils ont appris à parler Vénitien chez les pauvres ? Vu leurs tenues ce ne serait pas surprenant. Ils portent des lambeaux et des choses des moins esthétiques. Quels sont ces pitoyables pièces d’armure. Je dois avouer que je ne fais pas confiance aux choses étranges qui ressemblent à une arquebuse. Je crois que ça ressemble à une arquebuse ? Mais passons, reprends-toi
Savina.

Je sortis mon mouchoir le plaçant devant ma bouche, remplaçant ma manche, c’est mieux. Par contre toutes mes affaires seront envoyées à la blanchisseuse en rentrant. Et un bain sera pris. C’est donc sur ma plus belle voix d’affaires que je dis :

« Messieurs, Mesdames, le plaisir de vous rencontrer est partagé, sachez-le. Pour tout autant que j’ai parfaitement compris que je suis en état d’arrestation et dans ce qui semble être un tribunal, auriez-vous l’amabilité de m’en expliquer les raisons ?

Silence Capitaliste bourgeoise ! Tu connais très bien tes crimes et ceux de ta famille ! Vous vous enrichissez sur le dos des pauvres et en rigolez dans vos palais indécents ! Vous êtes le cancer qui ruine notre société, une gangrène que l’on doit éliminer ! »

Je clignai des yeux. Moi ? Bourgeoise ? Pardon ?! Moi, Savina Da Morgloria Zenone, comtesse de Civitavecchia, fille du Vicomte Onesime Da Morgloria, rectrice de Padova et podestat de Chypre, une simple bourgeoise ? Je suis une membre de l’aristocratie vénitienne et romaine, je suis plus riche que tous ses péquenauds réunis et 4 générations de leurs ancêtres. Ils commencent à me taper sur les nerfs en plus, ils osent m’insulter. Heureusement que j’ai mon mouchoir couvrant ma bouche, cela aurait été malheureux que ces pitoyables insectes voient la grimace de dégoût que je n’ai pu cacher.

Ils continuaient de parler pour ne rien dire, répétant encore et encore la même chose. Leurs argumentations sont pitoyables et tout enfant avec une éducation classique pourrait pointer les défauts de leurs discours, mais cela à l’air de satisfaire leurs fanatiques. Blabla, capitalisme, blabla, impérialisme, blabla Mère Patrie, ça commence à être long.

« Mais dans notre miséricorde, nous laisserons à l’accusée un temps de parole pour nous défendre elle et sa famille de fous furieux et esclavagiste du petit peuple. »

Je regardai l’homme qui parlait droit dans les yeux et lui souris :

« Je vous remercie pour votre miséricorde et de m’accorder cela. J’aimerais premièrement savoir si c’est comme ça que vous recevez tous vos invités. Car si c’est le cas retournez en cours auprès de de vos gouvernantes, car très franchement c’est pitoyable. De plus pensez-vous vraiment que c’est avec votre discours mal organisé et redondant que vous allez m’impressionner et me faire peur ? La réponse est non. »

Je vis que leurs « chefs » rouvraient sa bouche, je leva ma main en face de moi.

« Tutu, je n’ai pas fini, je ne vous ai pas interrompu lors de votre allocution ridicule, vous ne me coupez pas durant la mienne. Je disais donc, ah oui, revoyez vos protocoles et maintenant concernant ma famille. Vous avez tout à fait raison, ils sont fous, mais, il y a une différence entre si c’est vous ou si c’est moi qui le dis. Je n’apprécie pas que des paysans dont le chef n’est pas capable de faire un discours construit de manière logique et argumenté, insulte ma famille qui est issue de la noblesse vénitienne. Si vous avez un problème avec le fait que je sois une aristocrate de grande noblesse que ce soit de naissance ou par mariage, je vous prie de bien vouloir vous plaindre à Dieu et non à vos “Lénine” et “Staline” qui clairement, ne semblent avoir rien fait pour vous, vu l’état de cet endroit. »

J’ai vu plus cossu en allant en Transylvanie. Et c’est le trou du cul du monde là-bas. Ah, il semblerait qu’ils aient mal pris la remise en cause de Lénine et Staline, qu’importe qu’ils soient offusqués. Jouons donc sur cette corde, surtout que j’ai le droit de critiquer ma famille, mais ces péquenauds ne l’ont certainement pas.

« Si c'est le fait que je remette en question vos principes, il faut peut-être que vous les revoyiez. Par ailleurs, je prends en insulte le fait que vous pensiez que je suis une “bourgeoise”. Je suis comtesse et vicomtesse dans deux états italiens, rectrice d’une ville et podestat d’un territoire. Vous pensez vraiment que la bourgeoisie aurait ces titres ? »

Je ne cachais plus le dégoût et mon énervement. Ils ont l’air confus et perdus. Les
pauvres enfants, c’est pitoyable. Je m’avançai vers leur chef, du moins celui qui s’adressait à moi.

« De même, très cher, si vous avez du mal avec comment le monde fonctionne et le fait que ma famille s’enrichisse sur le dos du peuple, vous auriez peut-être dû naître chez nous et non pas dans ces égouts. Si vous souhaitez survivre dans ce monde c’est de la chance et la cruauté. Et clairement j’en ai plus que vous n’en aurez jamais. »

C’est amusant comme il semble se rapetisser et ses gardes aussi. Il me regardait de haut il y a quelque instant, mais là n’est pas capable de me regarder en face. Les rôles changent surtout quand on n’a pas les couilles pour soutenir son propre discours.

« Vous voulez devenir riche ? Vous voulez être nobles ? Ou justement avez-vous tant de frustration et d’envie envers ma famille pour sa gloire ou sa réussite que vous voulez nous renverser pour prendre notre place ? Je vous annonce que vu à quel point vous êtes pitoyable actuellement, ça n’arrivera certainement pas. Retournez-vous branlez sur vos discours pitoyables et sans sens au lieu de bosser, mais ne venez pas insulter et mettre vos malheurs sur le dos ma famille. Car dans ce cas vous allez voir pourquoi malgré notre folie les Morgloria sont respectés et craints. »

Je lui fis le plus charmant des sourires et me retournait, faisant voler ma robe derrière moi. Je toisai du regard l’assemblée qui s’était réunie dans ce tunnel pour assister à ce que je suppose être ma chute. Aucun n’osa croiser mon regard et ceux qui firent les fiers le détournèrent bien vite.

« Si votre conviction de nous renverser est si faible, cela ne m’étonne pas que vous en soyez à vivre tels des rats et pestiférés et à vous cacher de la sorte. »

Une fois cela dit, je m’avançai, vers la sortie de la salle. Personne ne s'interposa sur mon chemin, tous avez le dos courbé et le regard fuyant. Sans me retourner, je sortis. Maintenant il est temps de rentrer chez moi.
avatar
Sili NRP
Invité
Sam 14 Mar - 19:18
Avant de commencer votre lecture...:

Les Mots de Pouvoir




Dans les contrées d’Heavensaw, Viholvärakuuna le Chante-Mage somnolait sous le soleil. Sa splendeur rougeoyante, caressée par les rayons éclatants, se mêlait aux éclats de brasier du Mont Rouge dont il était le seigneur incontesté. Son esprit vadrouillait dans l’Entremondes en une volvä ne poursuivant aucun but ; il se mouvait tel un enfant dont la confiance reposait tout entière dans l’Ääni. Il ne fut donc pas surpris lorsque sa danse, interrompue par une soudaine bourrasque, effectua un prompt changement de direction. La brise se transforma en tempête, accélérant le mouvement dans une myriade de couleurs et de sens affolés ; et puis ce fut le silence, le noir et l’immobilité.

Même les murmures de l’Ääni chuchotaient une chanson différente ; encore une fois, le vent d’Ääni l’avait mené autre part. Et jamais n’avait-il entendu un chant aussi désespéré que ces litanies qui lui contaient un monde détruit, rempli de souffrances et de mort. Et ces cantiques étaient si prégnantes qu’elles faillirent lui cacher les cris de peur, les mots de haine et les promesses d’anéantissement.

Viholvärakuuna ouvrit les yeux pour étudier l’environnement où sa volvä avait mené l’image de son corps car, bien qu’elle ne soit qu’une émanation de son enveloppe réelle, tout dommage qu’elle subirait lui serait préjudiciable. Des moustiques humains se pressaient contre ses flancs, les yeux fous, la haine piquante, la bouche emplie de grognements ; plus des bêtes, presque des Hiisi. Ils pointaient sur lui les gueules béantes d’étranges armes dont il devinait la dangerosité par le souffle enflammé dont ses naseaux se gorgeaient ; un Mot de Chaleur qui n’attendait qu’à être charmé.

« Vous m’importunez, Humains. » Il souffleta quelques flammèches agacées. Sa patience était ténue car ces créatures ne savaient guère reconnaître sa sublime grandeur, encore moins leur pathétique mortalité. Méprisant, il reprit le fil de ses pensées, certain que son avertissement serait suffisant pour lui assurer la tranquillité. L’Ääni ne cessait de mener son chemin de Destin en dehors d’Heavensaw. Le Mot de Chaleur dont il avait fait sa quête, et qui était la clé pour dénouer le sortilège de glace de ce maudit Vistustaja, ne se trouvait-il donc pas dans son monde qu’il devait le chercher ailleurs ?!

Le dragon était tellement accaparé par son babillage qu’il trompeta de surprise lorsqu’une chaîne s’abattit sur son museau. La douleur le fit grogner de fureur mais ce ne fut qu’un bruissement en comparaison de la cacophonie qui éclata dans son esprit ; sa gueule enchaînée, c’était sa Voix qui se retrouvait entravée, et sans sa Parole, un Chante-Mage n’était rien de plus que la force de son corps. Dans le cas d’une « crevette à cornes », peu de chose à peser dans la balance.

Dans un soubresaut instinctif, le dragon se réfugia dans la fuite : il voulut quitter ce corps-image pour retrouver le chemin de sa réalité en Heavensaw. Malheureusement, enchaîné par la peur qui avait pris possession de son cœur, Viholvärakuuna bondit imprudemment dans un nid de Hiisi.

Quand il avait quitté l’Entremondes, les couleurs chatoyantes l’enveloppaient chaleureusement, rayons de soleil imprégnant son corps d’une douce langueur, la musique des bruissements des papillons emplissait ses oreilles, le vent paresseux souffletait doucement sur ses écailles, l’air goûteux emplissait sa gorge des délicieuses saveurs d’un brasier, l’odeur de la Chaleur chatouillait son museau jusqu’à contenter son ventre enflammé.

L’odeur de la neige accueillit froidement ses naseaux, emplissant son ventre d’une terreur glacée, le goût de la mort envahit sa gorge, rendant lourde sa langue, le féroce blizzard s’abattit sur ses écailles qui grincèrent comme des bêtes à l’agonie, le silence féroce pesa sur ses oreilles orphelines, les couleurs éteintes l’entourèrent de l’acier tranchant de leur grisaille, ainsi fut l’Entremondes quand il y revint.

Puis le silence explosa en des rires malveillants et le gris abandonna la lutte contre le vide du noir sans nuance. La haine emplit sa gorge, la colère envahit son museau, le froid imprégna chaque parcelle de son corps. Ainsi Viholvärakuuna fut assiégé par des Hiisi parmi les plus terribles d’entre les milles qui peuplaient l’Entremondes ; appelés par sa frayeur, ils se délectaient à l’idée de le dévorer. Les volutes noirâtres s’amassèrent autour de lui. Et nul chant pour le sauver ! Il était muet, l’esprit égaré. Les Hiisi prirent alors la forme des masses qui hantaient ses nuits de faiblesse.



« Salut Frère, notre Portée !
Notre Petit, notre Crevette
Notre Honte, notre Regret
Erreur ! Sang tari, maillon faible.

Et donc Frère, notre Portée :
Petite est-elle, ta Voix puissante !
Honteuse est-elle, tienne Parole !
Erreur ! Mots taris, Pouvoir faible.

Pauvre Frère, perdu es-tu
Dans rets de peur, sans fond le gouffre
Dans fils d’affres, sans fin la chute.
Chante ! Faiblesse et Impuissance. »



Piqué au vif dans sa fierté, Viholvärakuuna se redressa pour contrer avec des crocs arrogants ces ignominies :



« Salut Fratrie, Portée mienne !
Masse et Force, au poids cruel
Muscles et Taille, au cœur sombre.
Voyez : sang de sots, sans raison.

Honteux ? Faible ? Mots de peu sens :
La Peur a fui, partie la Crainte
Voix de Courage, Forte Parole
Chantent : votre Heurt, votre Perte !

Puissant, Glorieux, le Chante-Mage :
Ô Viholvärakuuuna !
Ô Viholvärakuuna !
Et lors, je Somme et vous Renvois. »



Sa pique acérée fit reculer les plus faibles des Hiisi qui s’évaporèrent devant son courroux. Mais les plus puissants n’étaient pas impressionnés. Et si sa fratrie était une bagatelle, le dragon englacé qui se dressa devant lui s’apparentait à une blessure plus profonde ; et terrible était la vision de Vistustaja qui chantemageait.


« Salut, Voleur, toi au cœur fourbe
Aux Mots Trompeurs qui lient le faux
Aux Mots Mielleux qui l’ours capturent
Oyez : Décepteur ! Chante-Mage !

En vain, Chante, Rakuuna !
J’ai su contrer tes sortilèges
J’ai su fléchir tes maléfices
Vaincu, je t’asservis, je te mate.

Entends, Voleur, l’écho des plaintes :
Neige et Blizzard, je les appelle
Pour te lier au Froid du Nord
Je tiens ton Feu-Vie en Cœur-Glace ! »


Ce fut au tour de Viholvärakuuna de reculer en frémissant : le sortilège qui englaçait son cœur de feu voyait sa magie ravivée par les Mots de l’ombre de Vistustaja. L’arrogance n’allait pas le sauver cette fois-ci car c’était bien elle qui l’avait perdu autrefois lorsqu’il avait cru humilier un rival sans en subir les conséquences.

Saisissant l’opportunité de le submerger, les Hiisi s’engouffrèrent dans la faille de sa défense et s’emparèrent de la plus grande des insécurités qu’il cachait dans les tréfonds de son âme ; l’ombre devint une montagne qui prit la blancheur aveuglante de Valkulohikäärme.


« Je crains, mon Fils, ma Déception
Que ta Fierté, ta Vanité
Que ta Morgue, ton Arrogance
Ne sois ta perte par sottise.

Lourdes, lâches, ces calomnies !
Dents voleuses, Langue menteuse
Cœur suffisant, Corps délabré.
Ah donc ! Infamie et Fardeaux.

Alors Chante ! Nous écoutons.
Déclame donc ta fausse Voix
La Parole du Chante-Mage
Ces Mots de Puissance et de Noms. »


Mais le silence répondit à la Voix impérieuse de Valkulohikäärme dont le museau se tordit dans le sourire ricanant des Hiisi qui ouvrirent la gueule fantomatique de la dragonne pour happer le Chante-Mage affaibli ; ainsi l’auraient-ils fait si Viholvärakuuna ne s’étaient pas mis à chantemager avec autant de sagesse qu’il avait eu d’arrogance.


« Salut, Démons, au creux de Nuit
Crocs de Cendre qui mordent fort
Mots de Peine qui frappent dur
J’entends ! Vos rires et mauvais charmes.

Menteur ? Voleur ? Quelle infamie !
Ô Viholvärakuuna
A tort jugé de faux ragots !
Clame : Tromperie ! Injustice !

Chante, Shaman, Chante le Vrai
Le Mouvement des Fils-Destins
Le Pluriel de l’Avenir
Chante ! Le Vrai Sens, l’Origine !

Ainsi, Démons, au creux de Nuit
Limés vos Crocs, vous affamant
Brisés vos Mots, à ma merci
Je Lie : « Hiisi, au Néant » ! »


A chacun de ses vers, porté par la force de sa Voix, le Chante-Mage avançait contre l’ombreuse silhouette des Hiisi qui se délitait peu à peu devant la fureur de sa Parole. Il leur rappela la Puissance de ses Mots, lui qui connaissait les Noms Vrais du Destin et savaient lire ses multiples chemins ; ils disparurent à son injonction, retournant dans les espaces de l’entre-deux qui peuplaient même l’Entremondes.

Alors Viholvärakuuna tourna-t-il sa colère contre ces pathétiques mortels qui avaient osé le défier en l’enchaînant. Ses Mots de Pouvoir emplirent son cœur d’une ardeur sauvage et son Feu jaillit de sa gueule entravée comme le torrent de lave d’un volcan en éruption ; et même ses yeux brillaient d’étincelles foudroyantes. Peut-être s’attarderait-il à charmer le Mot de Chaleur des armes de ces Hommes imprudents. Peut-être les laisserait-il vivre dans sa grande mansuétude, plutôt que d’en faire des brasiers pour apaiser ses naseaux accablés par le Froid. Quoi qu’il en soit, l’épreuve l’avait fortifié, l’avait élevé, lui avait rappelé qui il était.

Viholvärakuuna le Chante-Mage, Seigneur du Mont Rouge d’Heavensaw.
avatar
Afya[Te]
Invité
Sam 14 Mar - 20:15
★ ☆ ★ :


Si les mots avaient des ailes, ils ne perleraient pas sur les joues de l’ivoirienne. Silencieuse supplique face à l’immuable qui s’amoncelait devant elle. Ce futur n’était pas de ceux qu’elle aurait pu prévenir de ses visions. L’avenir, terreau de ses rêves, lui était masqué depuis que la lune avait couvert le soleil en plein jour au début de l’hiver. Si le printemps s’amorçait maintenant, son pouvoir ne lui était plus accessible.

Qu’importait tout cela, qu’importait ses pouvoirs, elle ne les utiliserait pas. Pas ici, pas maintenant. Elle ne savait plus le faire. Les perles roulaient, ses lèvres n’étaient que deux fines limandes écrasées l’une contre l’autre avec la force du désespoir, porte close à ses lamentations. Elle ne leur ferait pas ce plaisir.

Les yeux des belligérants la transperçaient de leur haine, et pour certains de leurs interrogations : en quoi cette frêle jeune femme était-elle une menace ? Elle semblait en tout point inoffensive, ressemblant à bien d’autres qu’ils connaissaient, ni très musclée, ni très grande, un coup de vent semblait capable de la faire vaciller... Soudain ils se rappelaient, elle était terraenne. Elle était de ces demi-dieux qui se croyaient tout permis, perturbaient leur quotidien et pire encore : leurs certitudes. Depuis qu’ils avaient conscience que des personnes possédaient des pouvoirs existaient, la peur et la jalousie prenaient le pas sur la raison. Elle n’était ni frêle ni inoffensive, elle était de la même espèce que le monstre qui avait détruit leur quartier.

Droite comme un I, ses yeux clairs posés sur eux, Afya se remémorait comment la situation avait dégénéré. Elle s’était proposée d’aider pour une mission de récupération, il était du devoir de chacun d’aider en des temps troubles ; son esprit troublé avait besoin de temps et d’actions pour mettre de l’ordre dans ses sentiments. Elle inspira, elle revoyait le départ détendu, les quelques traits d’humours échangés par ses comparses auxquels elle n’avait répondu que d’un timide sourire. Ils devaient récupérer titan qui avait comme beaucoup actuellement accédé à ses pouvoirs sans arriver à Terrae et qui faisait du grabuge dans le métro Moscovite. Ils savaient bien entendu que les imprévus s’amoncelleraient devant eux, mais ils étaient confiants en leurs pouvoirs, en leur union, en leur force. Ils avaient eu tort, et maintenant que tout avait dérapé il était tard, bien trop tard. La foule ne leur pardonnerait pas les écarts et les tunnels effondrés, quand bien même ils avaient emporté avec eux certains de ses compagnons.

« Il y a bien longtemps, les couleurs vivaient ensembles. »


Elle avait desserré ses lippes et murmuré, mais personne ne l’écoutait, la foule en colère n’entendait que son propre grondement. Elle se racla la gorge, si aujourd’hui était son dernier jour, aujourd’hui serait serait sa dernière histoire. La conteuse ne partirait pas en silence, et s’il fallait que ses derniers mots aient un sens, ils auraient celui de sa vie.

« Il n’y a pas si longtemps j’étais une couleur vive et chaleureuse, je grandissais dans une palette bigarrée et souvent tumultueuse, les rires et les sanglots s’y mêlaient dans un camaïeux souvent plus joyeux que triste. Les temps étaient durs, jamais ternes mais même et quand les vivres venaient à manquer, la chaleur de l’amour de ma famille me suffisaient. Jusqu’au grand froid, jusqu’à l’hiver des couleurs glacées et ternes qui vinrent voler ma flamme. Ils étaient hommes, je n’étais plus.

Mon histoire aurait pu se finir ainsi, entre le marché de Cocovico et l’hôpital de Cocody ; j’étais trop aimée pour cela, alors je recommençais à vivoter. Étincelle fragile redevenue flammèche je fus soufflée par un homme de blanc vêtu,  d’un diagnostic, d’un mot, de quatre lettres : pâle. Le monde s’écroulait, le monde affaissait, le temps était perdu et les années que je pensais posséder se transformaient en mois, en jours. Le monde était Vide de ses couleurs. »


Elle se tue. Etait-ce la métaphore improvisée de sa maladie, ou bien les regards accusateurs et les mots durs qu’elle percevait qui nouaient ainsi sa gorge ? Peut-être, l’approche de la fin de son histoire suffisait-elle à l’émouvoir. Elle ne serait pas Shéhérazade, elle ne gagnerait pas de temps, comprenaient-ils au moins le français quand sa puce traduisait leur russe ? Rien n’était moins sûr, mais à se taire elle ne ferait que perdre ses derniers instants.

« Puis vint cette femme, auréolée de lumière. Master, c’était son titre, elle me dit que la vie pouvait continuer, ailleurs. Autrement. C’est ainsi que j’arrivais à Terrae, les yeux fermés, l’âme endeuillée d’une vie soufflée. Je n’étais pas morte, mais n’étais plus vive.

Il aura fallu des années et de nombreux tableaux, pour que j’apprenne à nouveau à être moi. Vivante. Semblable et différente de la couleur que j’ai laissé en ma terre d’espérance, j’ai grandi. C’était là la promesse que l’on m’avait faite, et celle que l’on m’a tenue.

Voici ce qu’est Terrae, une terre d’accueil. Elle ne vous change pas, vous n’y perdez pas votre teinte : elle vous aide à la retrouver, à redonner un sens à ce qui n’en a plus, un goût à ce qui n’a plus de saveur, une couleur à ce qui l’a perdu.

Cependant, elle n’est pas que cela, elle ne fait pas que reconstruire les âmes vides qui s’y rejoignent, non. Chacune des nuances de ce tableau n’a pour but que d’apporter de la lumière au reste du monde. Alors nous œuvrons, mettons toutes nos capacités, nos pigments et nos espoirs en l’humanité.

Aujourd’hui encore, nous étions venus rendre ses couleurs à votre ville. »


Elle ne s’excusa pas d’avoir échoué. Elle n’avait pas l’âme assez noble pour cela, pas assez charitable pour plaindre cet homme qui la poussait d’une pointe de fusil blessant son flanc, ou ceux qui se délectaient de la grimace sur ses lèvres. La conteuse n’était pas assez forte pour leur pardonner la mort de ses amis, pas assez forte pour leur pardonner le futur qui deviendraient bientôt son présent.

Elle n’était assez forte que pour une chose : se consumer en une flambée, ne leur laissant la victoire d’avoir choisi la fin se son histoire ; et sous les yeux étonnés de ceux qui n’entendaient rien à ses mots, elle y inscrivit le point final.

Épreuve 4 : Le Pouvoir des Mots Fyfy10
avatar
Kao [ES]
Invité
Sam 14 Mar - 21:47
Personnage et contexte:




Voilà une semaine que les songeries de Kaoren deviennent chaque soir plus troublantes. Nombreux sont les personnages venus le visiter en rêve, de son propre fantôme à sa dernière muse, et tous ont semé de nouvelles graines au milieu de ses doutes. Mais la rencontre qu’il y fit la nuit dernière lui parut d’un autre genre. Non moins troublante, ni moins symbolique, et certainement pas dépourvue de son lot d’interrogations. Mais les allégories qui l’y entourèrent semblaient pour une fois le compter parmi les leurs.

Il se trouvait dans un réseau de tunnels, parsemé de décombres jusqu’au plafond. Le métro de la Ville, pensait-il, un lieu qui lui avait été maintes fois évoqué par ses compagnons, mais qu’il n’avait jamais eu l’occasion de visiter. Devant et derrière lui se tenaient d’autres personnages, aux allures hétéroclites et aux regards très différents. Certains étaient confiants, la plupart inquiets, et quelques-uns terrifiés face à l’épreuve qui se dressait quelques pas plus loin : affronter une salle comble.

Vers le bout du tunnel, c’était une audience de plusieurs dizaines de personnes qui les attendait, présidée de loin par un groupe d’aristocrates en manteau russe sur pourpoint brodé à l’italienne. Les gens hurlaient d’impatience, dans une frénésie mêlée de hargne et de liesse, pendant que les minutes défilaient sur la vieille pendule dressée arbitrairement au fond de la cavité. Un personnage aux vêtements sales et portant un masque à gaz, qui contrastait avec les figures richement habillées aux côtés desquelles il se tenait, énonçait le déroulement de la séance à venir d’un ton dépourvu de toute formalité. Pour autant, personne ne l’écoutait vraiment ; ni l’audience qui n’avait pas besoin de cela pour être galvanisée, ni Kaoren qui savait exactement à quoi s’attendre, bien qu’il n’eût jamais mis les pieds dans ces souterrains-là.

En cette période troublée où seule comptait à chacun la survie des siens, et les places dans le cœur d’autrui étaient comptées, lui et les quelques personnes qui l’accompagnaient devaient prouver au parterre qu’ils étaient dignes de subsister parmi eux. Ceux qui échoueraient seraient jetés hors des tunnels, dans les déserts de cendres de la Ville ravagée, où l’oubli les dévorerait bien avant la cruauté du monde extérieur. Quant à ceux qui réussiraient, sans doute trouveraient-ils leur place dans cette assemblée en attendant d’être mis à l’épreuve une nouvelle fois.

Les hurlements s’intensifiaient de l’autre côté de l’endroit, quand la silhouette au masque marqua enfin un point final. L’horloge venait de frapper minuit, dans ce monde où les heures n’avaient plus un semblant d’importance. Tous hurlèrent de plus belle.

Immédiatement, ou presque, le premier de la file s’avança vers l’audience. Un homme fort, non pas de ceux qui se plaisent à relever les défis, mais ceux qui portent tant de choses sur le dos que plus rien ne semble pouvoir les alourdir. En quatre mots, il fit taire tout le monde. Son discours était furieux, ourdi contre le sort qui l’avait mené là. Sa verve était fervente, elle résonnait jusqu’au sommet des voûtes rocheuses. Et son discours ne craignait pas, ou plus, la mort. Il exaltait.

Nimbé par le vacarme qui monta dans la salle à la fin de cette exhortation, ou par quelque trouble mental venu parfaire le caractère illusoire de la situation, Kaoren ne put saisir distinctement les réactions du public. Ci et là, certains se levaient pour crier leur avis au reste de la salle, suivis par d’autres, et d’autres encore, si bien que les mots devenaient aussi indiscernables que les expressions sur lesquelles ils étaient scandés. En quelques instants, l’intensité de ce boucan aux cent contrastes devint le seul juge des paroles qui venaient d’être déclamées. La sentence ne fut alors pas rendue. L’homme fut mené vers une autre artère du réseau tunnelier, en l’attente de son verdict. Kaoren ne connaissait pas l’endroit, mais il avait entendu mentionner que les souterrains de la Ville débouchaient sur un lieu mystique nommé la Gare Muette. On en disait que tous les sons y étaient atrophiés. Rien n’indiquait que l’homme fût emmené là-bas, mais l’esprit de Kaoren en avait comme décidé ainsi.

Très vite, il apparut que le sort de ce personnage serait partagé par bien d’autres. Le suivant, un jeune homme d’apparence fébrile à la verve digne d’un ermite millénaire, tint un discours presque diamétralement opposé, quoique comparable en panache, et suscita la même avalanche de réactions. Une nouvelle fois, il fut impossible de distinguer les opinions favorables des défavorables. Quelque part, cela réchauffait le cœur de Kaoren, de supposer qu’il se trouvait toujours des personnes prêtes à défendre tel ou tel rhéteur ; un sentiment qui se trouva d’ailleurs affermi quand vint la personne suivante, après que le jeune homme eût été emmené lui aussi attendre son verdict ailleurs.

Elle était une femme de ce qui paraissait un autre temps, et d’une culture bien différente. Sa plaidoirie se fit dans un lyrisme qui semblait totalement hors de propos, mais enrobé d’un fatalisme qui lui seyait bien mieux. Elle prenait au sentiment. Et le public reprit son hurlement amphigourique à la fin de sa tirade. Un vent d’indignation, ou d’exaltation, s’emparait à nouveau de tous, jusqu’aux présidents de l’assemblée. Et l’instant approchait où Kaoren devrait s’y confronter.

Rien n’arriva qui ne fût prédit à l’avance : la femme fut emmenée, et une autre suivit. Puis une autre. Et chaque nouveau passage invitait la foule aux mêmes vociférations, bien qu’elles s’essoufflassent au fur et à mesure que les discours s’enchaînaient. Les gens venus assister à ce curieux procès semblaient n’avoir pas anticipé qu’il s’avérerait si long.

Finalement, ce fut au tour de Kaoren. À contempler ce spectacle, il en avait presque oublié sa véritable raison. C’était désormais à lui de faire accepter à l’assemblée qu’il méritait un de leurs fauteuils et un morceau de leur repas. Pourtant, il ne prit pas le temps de se chercher ne serait-ce qu’un argument. Depuis le début de ce concours d’éloquence, il observait les rhéteurs s’enchaîner sans se poser la question de comment il s’en tirerait lui-même. Il n’avait pas vraiment envie de s’en tirer, à dire trop vrai ; il avait autre chose en tête, quelque chose de plus grand. Sa seule inquiétude était de ne pas parvenir à rassembler assez de souffle pour le porter. Il invoquait intérieurement les mânes de ceux et celles qu’il aurait voulu voir braver cet instant avec lui, les précédentes victimes de cette épreuve ou d’autres plus impardonnables, pour se donner de cette vigueur qui risquerait de lui manquer. Quelques instants avant le début de sa tirade, incertain du défi qu’il s’était imposé, il se répétait encore : « Courage… »

« Oubliez tout ce qui est en jeu, commença-t-il. Oubliez que certains devront tout y perdre, et d’autres n’y gagner que peu. Oubliez que certains survivront, et d’autres tomberont dans l’oubli. Oubliez-le assez fort, et peut-être cela n’arrivera-t-il pas. Notre procès n’a rien d’un concours de valeur, c’est au mieux un concours de circonstances, qui ne récompense que par le néant et parfois trois lambeaux de gloriole. Oubliez qu’il en est ainsi. Oubliez pourquoi vous vous êtes rassemblés, et ne vous rassemblez jamais que sans raison. Vous êtes venus assister au pouvoir des mots, dans sa dimension la plus merveilleusement vaine. Personne ici ne manque de raisons d’être épargné par son jugement. Vous et nous tous avons une raison d’exister ici et d’y demeurer à tout jamais, et si quelque autorité réserve ce droit à ceux qui savent l’exprimer au mieux, oubliez toute autorité. »

« Regardez-nous. Ce tribunal est né de l’anarchie, mais à combien de principes arbitraires sommes-nous si enclins à le soumettre ? De l’entente et l’entraide, nous avons issu des vainqueurs et des vaincus, et seule une éphémère sérénité nous conforte encore dans ce choix. Je ne parle pas contre la faction des vainqueurs, mais pour celle des vaincus. À chaque tirade de l’un des nôtres, quelle qu’elle soit, je sais qu’il en existe deux autres pour l’apprécier, deux à qui son rhéteur finirait par manquer. Si, plus que d’un guerrier valeureux ou d’un amuseur de galerie, ils préfèrent la compagnie d’un poète dément ou d’une amante mélancolique, alors ni l’un ni l’autre ne devrait être jeté dehors. Et je voudrais voir ces deux personnes se manifester, lancer une tirade à leur tour si elles le souhaitent, et nous apprendre à tous combien l’absence de certains finit par nous coûter. C’est la seule chose que nous oubliions, et la seule qu’il ne nous faille pas oublier. »

Un instant de silence parvint à se faufiler entre la fin du discours et les réactions qu’il suscita. L’audience hurlait de nouveau.

Mais ce ne fut que face à elle que Kaoren parvint enfin à distinguer les nuances dont son tumulte était composé. Ces tirades du public, qu’il avait souhaité entendre, lui étaient désormais adressées. Toutes en même temps, de sorte que quiconque ne se trouvait pas en leur centre ne pouvait les démêler. Avaient-elles été prononcées les fois précédentes, et le seraient-elles les suivantes ? Quoi qu’il en fût, son rêve attendrait une réponse dans la Gare Muette.
avatar
CaseyDT
Invité
Sam 14 Mar - 21:48
Mise en contexte:

La tête est lourde et endolorie. Le réveil est décidément difficile, à l’image de certaines soirées dans ton bar. Tu cherches ta canne de la main instinctivement. Mais elle semble avoir disparue. Que s’était-il passé au juste ? Tu te souviens juste être allée sur Terre pour une commission, cela t’avait pris des mois pour trouver les ingrédients du portail. Une fois arrivée à bon port et ayant pris soin de camoufler tes cornes sous une capuche de hoodie, et ton teint grisâtre sous du maquillage qui te donnait un air presque normal, juste blafard. C’était bien suffisant. Bref, tu étais arrivée sur Terre et tu prends un des étranges trains sous terrains que les humains semblent utiliser pour se déplacer. Et puis un grand bruit retentit, le sol qui se dérobent sous tes pieds. Et enfin ton réveil en ce lieu. Instinctivement tu étends ta conscience et tes pensées, cherchant à comprendre. Tu remarques ainsi plusieurs choses importantes. Premièrement, tu n’es pas la seule prisonnière ici, d’autres humains sont prisonniers ici, ainsi qu’un divin. Peste soient-ils, en 50 ans tu fais une seule sortie sur Terre et tu réussis à tomber le jour d’un accident et en plus un divin est avec toi, tu n’as pas la force de l’identifier, le choc du drame t’a affaiblie au point que cette utilisation de tes pouvoirs allait être la seule, autant en faire bon usage. Que ce soit un démon ou un ange cela ne changeait plus grand-chose désormais.

Au loin tu captes des bribes de pensées « …accident ! », «  ..tre u… de gaz ? », « Tr…olent ! ». Bon une chose était claire, On n’était pas sorti de l’auberge. J’ouvre enfin les yeux, pas que ça change grand-chose pour moi mais bon, j’essaie de me relever tant bien que mal. Cependant impossible de tenir debout, ma jambe ou ma cheville est cassée. A la localisation de la douleur, je dirai la jambe. Cependant après un rapide examen personnel à grand coup de palpage du corps, mis à part ma jambe et mes yeux, je ne semble n’avoir rien d’autre que quelques contusions et ecchymoses. Comme quoi, j’étais chanceuse dans mon malheur. La portée de ce sarcasme en disait long sur l’intégralité de mon humeur.

Vous allez bien mademoiselle ?

Ah oui ! Vous n’imaginez même pas combien ça me fait plaisir. Depuis le temps que je rêve de prendre des vacances au frais.

L’humain en face de moi, dont le timbre de voix m’indique un jeune homme, rit un peu à ma pique.

Au moins vous n’avez pas perdu votre sens de l’humour, c’est déjà ça. Mais plus sérieusement, vous n’êtes pas blessée ?

J’esquisse un sourire, c’était rare de voir des gens garder une telle bonne volonté, quand les choses tournent mal, la plupart des gens tendent à préférer l’égoïsme et le chacun-pour-soi.

Oui je vais bien mis à part une jambe cassée, je n’ai rien de grave. Ne vous en faites pas pour mes yeux, ce n’est pas nouveau si ça vous effraie.

Je sens une épaule se glisser sous la mienne, je serre les dents tout de même face à la douleur.

Alors permettez-moi que je vous transporte jusqu’aux autres. Et si vous êtes aveugles, si je comprends bien en tout cas, Je vais aussi vous décrire un peu le fouillis dans lequel on se retrouve.

Je lève un sourcil, décidément ce gamin me surprenait. Il a compris ça naturellement, et sans même réfléchir il s’est porté à mon secours.

Vous seriez bien aimable, vous vous appelez ?

Phillipe ! Je suis étudiant à l’université du coin, je me rendais à mes cours quand l’accident nous est tombé dessus. En gros, le tunnel s’est effondré sur la rame, je ne saurais dire pour combien temps il nous reste d’oxygène. Tout le monde s’est réfugié dans un wagon épargné, on a installé les blessés sur les banquettes.

Bon réflexes, il ne faut pas que les plus vulnérables perdent leurs sangs ou qu’ils aggravent leurs membres cassés s’ils en ont. Parce qu’on va en avoir pour un moment piégé ici. On a de l’eau ? Quelque chose ?

Aucune idée, on commence à peine à se remettre de l’accident, pour l’instant on se concentre sur les blessés.

C’est une bonne chose, ils vous en restent quelques un mais vous avez fait au mieux. Il faut maintenant se concentrer sur la suite.

Je…Très bien, mais comment vous le savez.

L’instinct ? L’expérience ? Un troisième œil ? Appelez ça comme vous voulez, cela a peu d’importance actuellement.

Soudain je frissonne, je sens l’autre aura s’approcher, je n’ai pas la force de lire dans l’esprit de ce divin pour m’assurer de ses intentions et même si je le pouvais, je ne suis pas en état de me défendre.

Quelle plaie !

Ainsi c’est ta faute, avec toi à son bord cela ne pouvait pas être une coïncidence. Décidément vous êtes tous les mêmes. Enflures de démons, saccager vos terres natales n’était donc pas assez.

Epargne moi ton baratin, crétin éhonté, des gens souffrent et des gens sont mort, et plutôt que d’aider. Tu viens me faire la morale en me faisant porter le chapeau pour un drame dont je n’ai rien à voir ? Et vu ton discours, c’est vous les agents du bien ? C’est beau, si tu veux bien m’excuser, il y a des gens qui ont besoin d’aide et même avec une jambe cassée, je vais organiser ce foutoir. Hors de ma route l’auréolé.

Tu ne t’en tireras pas comme ça…

En prenant appui ou je le peux, je m’élève doucement sur un petit promontoire et je commence à haranguer les rescapés.

Tout le monde ! Ecoutez moi ! Vu l’ampleur de l’accident, on va être bloqué pour quelques heures au moins. On va avoir besoin de toutes les bonnes volontés.

Qui t’as désigné chef ?

Personne, mais si tu penses pouvoir t’en sortir mieux que moi, je t’en prie. Prend ma place. Non ? C’est bien ce que je pensais, il faut qu’on rationne l’eau, avec priorité aux personnes âgées et aux enfants.

Très vite les voix de protestations s’élèvent, tous veulent se laisser mourir par égoïsme, parce que gnagnagna je ne veux pas partager mon eau ou ma barre de céréales à des gens qui en ont le plus besoin.

Ne vous laissez pas abuser par ses belles paroles. Elle cherche juste à vous manipuler pour mieux garder les ressources pour elles. Je la connais, c’est une profiteuse, elle juste vous voler pour s’assurer sa propre survie et vous laissez mourir. Ne lui faites pas confiance.

Crétin d’ange et leurs a priori, je ne peux pas tomber sur un peu de bon sens au moins une fois dans ma vie. Mais non à la place me voilà la cible de toute la haine des humains présent ici.

ALORS TRÈS BIEN ! Gardez vos ressources, vos privilèges, et observez vous en chien de faïence sous prétexte que vous avez peur de votre voisin pour une quelconque raison, son sexe, son origine, son orientation, ou simplement parce que vous pensez qu’il a une sale gueule. Faites tous vos égoïstes et observez-vous mourir ? Moi j’ai vécu ma vie comme je l’ai toujours entendu, tuez-moi, lynchez-moi pour ce que j’en ai à faire j’aurai au moins la satisfaction de savoir que j’ai toujours eu raison en considérant la majeure partie de l’humanité comme une bande de moutons sans cervelles bon qu’à s’autodétruire parce que vous êtes incapable de collaborez entre vous. Si vous avez l’opportunité de vous bouffer entre vous pour de l’argent du confort ou même de la nourriture vous le ferez. Alors allez-y, prouvez que vous n’êtes que des bêtes, et offrez-moi ce spectacle dont je me délecterai en vous regardant mourir les uns après les autres !

Les pas effarouchés se firent soudains plus hésitants. Même l’ange semblait avoir été mouché. Je respire un grand coup, reprenant mes forces après une telle tirade.

Ou vous pouvez prendre exemple sur ce jeune homme, Philippe, qui s’est inquiété de son prochain, qui a sauvé sans même y réfléchir. Et qui continue pendant que vous vous chamaillez. Vous croyez que lui a réfléchis aux risques ? Vous devriez tous avoir honte, honte de vous, honte de ce que vous communiquez. Vous avez cédé au pouvoir des mots dans même sourciller. Parce qu’un inconnu vous désigne un coupable dont vous ne savez rien pour que vous puissiez justifier votre propre monstruosité et vous donner bonne conscience. Alors organisez-vous, veillez les uns sur les autres. Vous voyez tous la situation dans laquelle on se trouve, alors entraidez-vous, en vous tirant dans les pattes la seule chose qui est sure. C’est que vous vous condamnez. Alors au boulot les crétins ! Et plus de chamailleries. C’est clair ?

1500 mots
avatar
IreneSNK
Invité
Sam 14 Mar - 22:42
Spoiler:

«-Elle m'a donnée le vertige !
-C'est quoi cette infusion ? J'en ai encore la nausée et j'ai vu des trucs bizarres !
»

C'est à peu près les seules phrases compréhensibles qui pouvaient ressortir du brouhaha qui s'était installé peu à peu aux portes Alekseïevskaya. Débutée avec une plainte d'un consommateur de leur célèbre infusion de champignons et d'herbes qui s'est plaint de nausées et de transpiration peu après avoir consommé sa part, c'est pas moins d'une quinzaine de personnes qui avaient finis par s'agglutiner en masse comme des clients mécontents dans un service consommateur. Les voix se faisaient de plus en plus fortes, de plus en plus menaçantes et surtout, les mots employés devenaient de moins en moins courtois. Il n'y avait pas grand-chose de pacifique qui pouvait calmer cette petite émeute qui venait de se former dans leur station, avec la colère on raisonne différemment alors les commerçants de la station pouvaient difficilement en placer une. Il a fallut qu'une personne se démarque dans cette myriade en tombant lourdement au sol après avoir perdu son équilibre pour que les tensions, ou du moins les voix, se calment l'espace d'un instant.

«-Irene, c'est la merde.
-Sans blague ?»

Une foule en colère, l'un d'entre eux qui tombe littéralement dans les vapes alors qu'ils se plaignent d'effets secondaires après avoir bu une de leur infusion... Bien sûr que c'était la merde. En terme de commerce, de popularité et de survie, c'était pas la meilleure des situations en effet. À ce rythme, autant sortir des métros, aller récupérer une bière pleine de radiations qui traîne dans une décharge et la boire entièrement, c'est moins risqué, ou plus rapide à la limite. C'était donc urgent de calmer cette foule et les rassurer histoire que les mauvais retours ne mettent pas le V.A.R dans une galère encore plus conséquente, même si les effets secondaires déjà arrivés dont déjà une galère conséquente, mais pour ça il fallait déjà savoir d'où venaient ces effets secondaires, et la collègue d'Irene lui posait la question en première, au moins ça faisait gagner à peu près une demi-seconde de leur temps.

«-Il y avait qui à la préparation des dernières infusions ?
-Bah... Moi, déjà.
-Tu as utilisée quels champignons ?
-J'sais pas, ils étaient fins et ils ressemblaient à une cloche. Une cloche pointue, un peu.
-C'était des psilocybes lancéolés ?!
-Aucune idée, mais ils avaient l'air bons.
-C'est hallucinogène...
-Erreur de débutant.»

Aucune réponse n'était adressée à Irene après ça, mis à part un regard plutôt sombre et quelque peu menaçant, le genre de regard qui dit clairement "répare ta connerie ou tu vas décéder bientôt." Bon pour le coup elle n'avait aucun droit sur la vie ou la mort d'Irene, pas plus que n'importe qui en tout cas, mais il est vrai que si un supérieur apprenait qu'elle est à deux doigts de flinguer la réputation du V.A.R, ça pourrait se terminer d'une balle dans le crâne avant d'être jetée aux mutants cette histoire. Alors même si elle n'était pas douée pour ce qui est préparation d'infusion sans effets secondaire, Irene avait tout de même confiance en ses capacités d'élocution et en son instinct de survie qui la poussait donc à entamer une marche en direction de la foule.

«Ok, je m'en charge.»

Régler une situation de vie ou de mort par les mots c'est pas vraiment commun ici. Ou alors ça l'est peut-être dans les coins sombres des factions, même si à peu près tout est sombre ici. Les problèmes ils se règlent à grands coups de batte sur la tête des mutants normalement, pas avec le pouvoir des mots face à la foule, comme quoi il faut bien des situations inédites par moments, sinon on s'ennuierait à force. Une fois sa marche l'ayant amenée à une distance suffisante de la foule, Irene levait ses deux bras pour venir les joindre en les claquant doucement à plusieurs reprises pour attirer l'attention de tout le monde dans une prise de confiance presque orgueilleuse.

«Je peux avoir votre attention un instant ? Je tiens d'abord à m'excuser au nom de l'ensemble du V.A.R pour l'inconvénient que vous avez subis avec nos infusions. Ce sont des choses qui peuvent malheureusement arriver avec tout et n'importe quoi pour peu que la qualité des produits ait été faussée. Vos vies ne sont pas en danger et tous les effets devraient s'être dissipés d'ici peu. Aussi vous avez pris l'initiative de venir en personne au lieu de répandre des rumeurs et de nous descendre, c'est une démarche agréable et je vous demanderai de continuer ainsi sans faire tourner cet incident.»

Ce choix de mots et cette demande apportaient un risque plutôt conséquent de laisser penser qu'ils veulent seulement se blanchir et continuer de faire leur commerce à effets secondaires louches après avoir fait taire les bruits de couloirs mais à vrai dire, Irène s'y attendait. À l'instant où sa première demande pris fin elle s'attendait déjà à faire face à encore plus de colère et d'indignation, mais le refus d'accepter cette demande était l'effet recherché. Avec le début d'une crise de grande ampleur ne pouvant être réglée qu'avec les mots, Irene choisit de laisser place à la manipulation, aussi peu glorieux cela soit-il.

«Et tu crois qu'on va se taire gentiment et faire comme si rien ne s'était passé ?!»

Une voix relativement autoritaire et offusquée se démarquant de la foule non seulement par sa prestance, mais surtout par le fait qu'il était le premier à parler dès l'instant où Irene cessait. Dans toutes les foules proches d'une émeute, il y a un leader inconscient, une sorte d'union collective qui se matérialise en une seule personne que les autres suivent tout aussi inconsciemment et adhèrent à chacune de ses pensées. Pour le coup il n'avait pas été difficile à trouver. C'était donc une seule personne à convaincre pour en convaincre une quinzaine. Irene repris donc immédiatement après avoir trouvé cette personne sans sourciller ni chercher ses mots, la suite était déjà en partie préparée.

«Dans l'idéal, oui. Sinon je vous demanderai seulement de continuer à nous faire confiance comme vous l'avez toujours fait, on compte sur vous, tout comme vous comptez sur nous alors on va faire en sorte que ce genre d'incident ne se reproduise plus, vous avez ma parole.»

Après les avoir rassurés sur le risque de mort peu probable et leur avoir demandé de maintenir leur confiance après avoir proposé une requête impossible pour eux à accepter, il restait encore à faire en sorte que les plaintes ne montent pas jusqu'aux supérieurs et ne se répandent pas trop ou Irene serait détruite avec le V.A.R. «Ça va être difficile de vous faire confiance à nouveau après ça.» A annoncé le porte-parole de la foule dans un timbre de voix plus calme qui constituait déjà une victoire pour Irene.

«Vous pouvez toujours nous faire part d'une sélection d'ingrédients si ça vous intéresse. On pourra vous montrer qu'on peut faire des infusions de qualité avec n'importe quoi tant que ce n'est pas avarié. Ou alors pour gagner du temps vous pouvez tout simplement considérer qu'on ne vous décevra plus, ce qui sera le cas, une erreur pareille ne fera qu'augmenter notre vigilance et notre commerce sera fait avec encore plus de précautions. Ça ne peut qu'être meilleur.»

Pour le coup, le but en plus de faire en sorte que cette histoire tombe aux oubliettes était aussi que personne ne prenne l'occasion de suivre sa première proposition et leur ramène une liste de courses pour une infusion personnelle, il n'y aurait rien de plus contre-productif. Mais ça leur offrait quand même une explication plus appréciable à propos de ces effets secondaires, des ingrédients qui ne sont plus bons ça crée moins de psychose que des champignons hallucinogènes placés par mégarde parce-qu'ils étaient jolis. Et pour mettre toutes les chances de son côté, en prononçant sa dernière phrase, la main d'Irene venait toucher l'espace d'une seconde entière le bras de son interlocuteur. Un geste qui peut sembler insignifiant alors qu'il est destructeur en terme de manipulation.

«-On verra bien comment ça va se passer, mais on ne vous ratera pas la prochaine fois.
-Il n'y aura pas de prochaine fois.»

Un petit dernier pour la fin, et la foule était calmée. Elle semblait l'être. Un sourire savourant cette histoire se formait au coin des lèvres d'Irene quand tous étaient retournés, elle n'allait pas être jetée aux mutants finalement. Sûrement.


1408 mots.
avatar
Winter
Invité
Sam 14 Mar - 22:57
Madelle:
D’un regard, je parcours la façade. La fenêtre est à cinq mètres au-dessus de moi et le mur de pierre offre bien plus de prises qu’il ne m’en faut. L’ombre d’un sourire passe sur mes lèvres, cette mission est décidément beaucoup trop facile. Il ne me faut moins d’une dizaine de minutes pour atteindre ma cible. Un regard par la vitre m’apprend que la pièce est plongée dans l’obscurité et visiblement dépourvue d’occupants. A l’aide de ma dague, je fais pivoter le loquet de la fenêtre puis entre avec précaution à l’intérieur.
La pièce est richement décorée, comme toutes les villas d’Arnlo. Lourdes tapisseries, cadres dorés, moulures, bureau de bois précieux … Le tout protégé par un simple verrou à bascule, les nobles d’ici n’ont vraiment pas peur des cambriolages ! Il faut dire que si leur police n’avait pas la sale manie d’être efficace et de trancher les mains des voleurs, les choses seraient certainement différentes. Il faut que je me concentre. Je suis à la recherche de plans. Si j’étais Sire de Chatellus, où rangerais-je des papiers susceptibles d’entraîner la chute d’une cité ?
« Et si … »
Je n’ai pas le temps de continuer ma phrase. Je bondis, attrape une poutre à bout de bras et me hisse avec force grognements. Alors que je pose le deuxième pied sur mon perchoir, la porte s’ouvre et trois hommes entrent. Deux d’entre eux portent une armure mais le dernier a revêtu une ample toge blanche cousue de fil d’or. Sire de Chatellus, je n’aurais pas pu mieux tomber !
Je calme ma respiration pour ne pas être entendue et commence à réfléchir. Il semblerait que j’ai besoin d’une diversion. Je souris et me concentre un instant pour faire apparaître une plaque de glace sous les pieds des trois hommes : ma spécialité ! Pourtant, lorsque je rouvre les yeux, ils sont toujours là, De Chatellus fouillant dans ses affaires en silence, une ride de concentration barrant son front. Ah. Me voilà donc dans une fâcheuse situation : il possède visiblement une amulette empêchant l’usage de la magie. Soit, il est temps de revenir aux origines, aux tours de passe-passe qui réussissaient toujours. Je fouille dans mes poches à la recherche d’une gemme puis la jette en direction de la porte.
D’un seul mouvement, les trois hommes se tournent vers la porte et j’en profite pour descendre de mon perchoir et … m’écraser sur le sol ? Du coin de l’œil, je peux voir Sire de Chatellus et ces deux gorilles se retourner dans ma direction. Je jette un regard affolé en direction de la fenêtre mais elle est bien trop éloignée et ma cheville me fait un mal de chien. Impossible d’imaginer courir, ma grande !
« Bonjour ? »
J’adresse un joli sourire au noble qui me fixe, les sourcils froncés et me redresse, ce qui m’attire un regard noir de la part des deux soldats, visiblement prêts à me sauter à la gorge.
« Vous êtes ?
– Winter Eliwën, messire. Pour vous servir. »
Hop, nouveau sourire. Aujourd’hui, c’est gratis !
« Pour me servir, voyez-vous ça ? » Un rictus malsain se dessine sur ses lèvres. « Et à quoi pourriez-vous me servir, très chère ?
– De quoi avez-vous besoin ?
– De savoir pourquoi vous vous infiltrez dans ma demeure ?
– Pour mieux vous servir ? »
Je crois comprendre au froncement de ses sourcils que ce n’était absolument pas ce qu’il fallait dire. Aller Winter ! Ressaisis-toi ! Tu n’as pas de magie, tu penses t’en sortir en lui servait des flatteries de bas étage ?
« Je suis à la recherche des plans de Quartas.
– Rien que ça ? »
Il hausse un sourcil. Est-il impressionné par mon honnêteté ?
« Oui, Sire. Je suis à la recherche des plans de Quartas et je sais qu’ils sont en votre possession. Oh, vous pourriez me tuer rien que pour ça mais l’aide que je pourrais vous apporter est bien plus précieuse que tout ce que vous pourriez imaginer.
– Vous êtes bien trop confiance, mademoiselle.
– Je sais ce que je vaux. »
Il hausse de nouveau les sourcils, jusqu’à ce qu’ils disparaissent sous ses mèches blondes, lui donnant un air ahuri.
« Prouvez-le-moi.
– Que je vous le prouve ? Vous voulez que je vous montre que je suis l’une des ennemies jurées de la ville de glace ? J’étais là lors du soulèvement et j’étais dans le Palais du Protecteur lorsqu’ils l’ont fait sauter. Eliosa seule sait comment je m’en suis sortie. Vous ne connaissez pas mon nom ? Alors c’est que vous ne savez pas grand-chose de cette cité que vous prétendez pouvoir prendre. »
Je lui adresse un regard féroce. Saura-t-il voir que je bluffe ? J’étais là durant la rébellion, ça oui ! Au détail près que c’est moi qui ai fait sauter le palais mais il n’a pas l’air de le savoir. Je jette un coup d’œil furtif vers son bureau, les plans doivent donc être dans le coin. Si j’arrivais à les récupérer, je pourrais sauver la Capitale de mon peuple. Face à moi, Sire de Chatellus ne dit rien et se contente de me fixer, le front plissé.
« Racontez-moi l’offensive. »
C’est à mon tour d’hausser un sourcil. Lui raconter ? Le sort de mon peuple dépendant de mes talents de narratrice ? C’est une très mauvaise nouvelle mais il va falloir le tenter. Je n’ai pas le choix. Je ferme les yeux et tente de me rappeler la progression dans la ville sous-marine, les combats, les embuscades. Chaque détail pourra faire la différence.
« C’était le 3 Rosendas 1248. Nous étions réunis dans le grand salon du Palais autour d’un plat des plus raffinés. Roses des mers et kardent, je m’en souviens encore. C’était exquis mais aucun de nous ne semblait apprécier le repas. Le jour commençait à tomber en surface et les murs de glace s’étaient teintés d’orange et de rose. C’était magnifique … Je m’étais demandé si je pourrais revoir une telle scène, le lendemain.
Un rapport d’infiltrés avait été reçu la veille : les rebelles étaient prêts à passer à l’offensive. Ils s’étaient réunis dans les quartiers Est, attendant le signal de leur meneur pour prendre d’assaut le Palais. Le Protecteur n’était pas inquiet ; nous pouvions tenir presque un mois avec nos ressources, bien assez pour que les soldats d’Hélias ou de Jioky nous viennent en aide. Mais nous aussi n’étions pas aussi sereins. D’après nos espions, les rebelles comptaient une centaine de personnes dans leurs rangs mais presque aucun guerrier. Dans le Palais, nous étions peut-être soixante-dix dont, pour les deux tiers, des soldats de la garde royale. J’aurais dû être sereine. Mais j’avais un mauvais pressentiment. J’étais certaine que pour un rebelle annoncé par les rapports, deux autres se cachaient dans les rues, invisibles.
Nous avions fini de manger dans une ambiance de bonne humeur sur-jouée puis chacun s’était dirigé vers ses appartements. C’est alors que les murs se sont mis à trembler. Une fois. Deux fois. Trois fois. Au troisième coup de bélier, des blocs de glace entiers ont commencé à se décrocher des plafonds. Les plus petits dérivaient dans les courants mais certains coulaient si vite qu’ils détruisaient le sol sur leur passage.
« Je me souviens des hurlements, des murmures, des sanglots des dames. On entendait les ordres de la garde, les explosions contre les fondations, les coups de bélier sur la grande porte. Et je suis tombée. Un bloc du plafond s’est décroché, emportant une partie de l’escalier avec lui. J’ai coulé, incapable de me sortir des forts courants en nageant. J’ai eu la sensation de tomber longtemps avant d’atteindre le fond. Là, il m’a fallu plusieurs minutes pour réussir à trouver l’usage de mes bras et de mes jambes, j’avais l’impression d’être paralysée. Mon cœur battait si fort que j’avais la sensation qu’il allait sortir de ma poitrine et des fourmis parcouraient mes membres, comme si on m’avait électrocuté.
Lorsque j’ai réussi à me relever, je me suis rendue compte que j’avais atterri dans les souterrains. Inconnus des rebelles, ils étaient notre porte de sortie en cas de problèmes. Mais j’ai entendu des voix. L’avaient-ils trouvé ? Etions-nous finis ? J’ai nagé aussi vite que j’ai pu pour les rejoindre, il fallait que je sache combien ils étaient, que je prévienne la garde. J’ai parcouru les souterrains, me guidant à l’aide des cris, et alors je les ai vus. Les rebelles. Mais ils n’étaient pas seuls. Ils avaient réussi à retrouver le Protecteur qui fuyait vers notre bunker.
Ensemble, nous avons tenté de les contenir mais après plusieurs minutes de combat, nous commencions à nous épuiser et ils étaient toujours aussi nombreux. C’est alors que les murs ont tremblé. En surface, leurs alliés avaient continué de faire exploser les murs du Palais pour y entrer. Le plafond s’est effondré et c’est uniquement grâce à cela que je suis devant vous aujourd’hui. »
Sire de Chatellus me fixe un instant avant d’acquiescer avec une extrême lenteur. Il plonge une main dans sa poche et en sort un épais rouleau de parchemin, qu’il me tend. Alors que je m’en saisis, il me lance :
« Prenez-le, partenaire. Nous allons vous venger. »
avatar
Edel ILK
Invité
Sam 14 Mar - 23:11
HRP:


« Lumos. »

Les rails se confondaient dans les yeux d’Edelgard. Les murs, longues parois humides qui débouchaient sur un tunnel obscur, lui semblaient flous. L’horizon même, indiscernable dans un brouillard de noirceur, lui paraissait mobile.

Aucune lumière ne vint percer les ténèbres. Elle serra la main, forma un poing. Rien.

Sa main se rouvrit aussitôt et elle palpa sa ceinture. Rien que le haut de son pantalon. Aucune irrégularité qui laisserait deviner son aide magique. Sa baguette, de cèdre et de dragon.

Fatiguée, elle s’appuya par terre et leva le cou. En plissant des yeux, peut-être qu’elle verrait mieux. Peut-être même, avec un peu de chance, elle pourrait comprendre comment elle s’est retrouvée par terre, désarmée, les muscles étirés et les mains salies.

Au loin, rien. Elle ferma des yeux et écouta. Seul le ruissellement de l’eau se laissait entendre.

Après quelques secondes de silence, elle posa ses deux paumes sur le sol, faisant fi de la poussière qui se collait à sa peau, et se leva.

Tout voulait se mouvoir autour d’elle. Ses doigts s’appuyèrent sur son front, ses paupières se fermèrent, tout tournait, rien ne faisait plus de sens. Elle souffrait.

Quelque chose de chaud lui coula sur la peau. Reculant un peu sa main, elle réussit à distinguer un liquide foncé et une odeur métallique qui la firent grimacer. Sa migraine ne venait pas de nulle part, donc.

« Elle s’est réveillée ! »

D’un coup sec, l’ancienne préfète se retourna. Trois silhouettes indistinctes se rapprochaient d’elle beaucoup plus vite que son cerveau ne la laissait penser à une façon de s’évader.

Elle essaya un pas en avant, mais trébucha. L’impact de ses genoux sur les barres métallique lui envoya une secousse.

Les pas se firent de plus en plus bruyant, puis quelque chose tira sa tête vers l’arrière par les cheveux. Ses yeux croisèrent ceux de son assaillant.

« Qu’est-ce que tu fais là, hein ? Sale chienne. »

Ses sourcils se froncèrent. Les insultes, déjà. Sûrement un groupe nationaliste, assuma-t-elle, et comprit immédiatement comment elle s’était retrouvée ici, gisante par-terre.

« Ce n’est pas de vos affaires. Laissez-moi ou je… » Elle prit une pause pour tousser. « Je devrai me libérer par la force. »

Un rire éclata. Son écho continua à résonner même de longues secondes après que le silence soit revenu.

« Avec quoi ? Avec tes dents ? », continua l’homme, sa voix grave, mais forte. Comme s’il n’avait pas peur d’un quelconque danger aux alentours. Comme s’ils étaient seuls au monde.

Il lui lâcha les cheveux. Un de ses camarades, quelques pas derrière, sortit une chose de la poche de son pantalon et le lança par terre, devant elle.

Le bois claqua sur le métal, et le coeur d’Edelgard sombra. Sa baguette, non pas seulement loin d’elle, impuissante, incapable de l’atteindre, mais craquée en deux morceaux pathétiques.

L’Allemande se mordit l’intérieur des joues. Tout pour rester impassible. Même si elle n’avait rien contre eux, mages, plus nombreux, et elle blessée, elle ne pouvait pas leur laisser croire qu’elle se ferait capturer avec facilité.

« Qu’est-ce qu’une connasse comme toi vient venir ici ? Sans bombe et toute seule, les terroristes dans ton genre tombent comme des mouches », en ajouta un autre.

Un nouveau ricanement de leur part, et l’héritière sentit un pointe de colère monter en elle. Évidemment, elle devait tomber sur eux. Ceux qui défendaient l’injustice et remontaient l’ego des déjà privilégiés.

« Chercher quelqu’un. Mon frère. Vous ne devez sûrement pas comprendre ça, si vous êtes si déterminés à prendre le parti d’Arundel. »

Un coup de pied dans le dos la fit retomber vers l’avant. Clac ! Son nez en plein sur le métal, et une semelle à l’arrière de la tête en suivant. Du sang lui coula sur la langue, sur le menton, sur le béton.

« Répète ce que tu viens de dire ?! », hurla le même homme qui l’avait déjà agressée.

Le silence des deux autres partisans, ceux qui ne l’avaient même pas touchée, la laissèrent seulement plus dégoûtée. S’ils avaient leur mot à dire, leurs éloges infondées à raconter ad nauseam comme on prie, qu’ils le fassent, au lieu de laisser un porte-parole leur dicter leur colère.

« Arundel est un menteur, un meurtrier, un manipulateur, et j’en passe. Il a détruit sa famille, il a détruit l’avenir de l’Europe et il ne va rien faire pour améliorer la situation. J’assume seulement que ses petits soldats en font de même. »

Un autre coup, dans les côtes, cette fois. Son corps tenta de se replier, pour se protéger, mais un bouclier de chair ne pouvait pas parer grand chose.

« Et vous, vous mettez le feu aux bâtiments, vous tuez certains des derniers survivants et vous empêchez la reconstruction, en plus d’être de sales ingrats. Vous voulez juste prendre le contrôle, assume-le ! », s’écria celui qui s’acharnait à la frapper. Comme pour ponctuer ses propos, il lui redonna un coup de botte dans les omoplates.

« Tant qu’il tombe, tous les moyens sont bons. Il a volé Adrestia à mon père, il a créé une brèche entre moi, mes frères et mes soeurs, parce qu’il voulait de nous comme jouet. » La sorcière reprit son souffle. Ses mots, nombreux, s’enchaînaient, chacun d’entre eux plus court, plus rauque, plus empreint de désespoir. « Il a fait tuer ma mère et mon beau-père. Et, ensuite, tout le monde accepte qu’il écrase les ruines d’une société qui a pris feu, parce qu’il a encore un peu d’argent. Oui, en joignant la rébellion, j’ai pris la décision d’agir dans le mal. Dans deux, dans quatre générations, le monde sera content que nous ayons existé. Parce qu’il n’y aura plus rien. On ne peut pas compter sur lui pour redonner. Il veut juste accumuler, accumuler, accumuler. Accumuler ! Si je dois être reine des flammes pour mettre fin à son mandat, soit. On se souviendra de moi, de nous, comme d’anarchistes, mais nous aurons remis son avarice à plat. »

Un cri à peine étouffé éclata de sa gorge lorsqu’elle se fit à nouveau tirer par les cheveux et plaquer contre le sol. La grandeur menaçante des trois hommes fit battre son coeur un peu plus vite, mais, comme toujours, elle contint son expression.

« Edelgard… », murmura l’un d’eux. Un sourire carnassier se dessina sur ses lèvres.

Évidemment. Évidemment, les petits patrouilleurs du grand roi avaient entendu son nom. « Edelgard est une traîtresse », « Edelgard est une menace », et « Edelgard doit mourir », assuma-t-elle.

Le plus petit d’entre eux, une barbe de trois jours et vêtu de noir taché, fouilla dans son manteau. Quelque chose brilla, aveuglant l’ancienne Lupy. Un autre s’assit derrière elle, passa son coude autour de son cou. Elle leva les mains, tira, tira plus fort encore, mais ne réussit pas à se déloger de son emprise. Son corps était faible. Moins d’un mètre soixante, pas de baguette, du sang, salissant le ciment et les rails. Rien ne pouvait plus la sauver.

« Vous faites une erreur. »

Le troisième, celui encore debout qui ne tenait pas la lame si son cou, se craqua les doigts.

« Toi, t’as fait une sacré erreur en venant ma grande. Si ton frère était ici, tu le retrouveras bientôt »

Dimitri devait avoir survécu. Il devait être loin, loin d’ici, loin de ces tunnels humides où l’on entendait tout sauf les cris. Du moins, elle l’espéra.

Edelgard l’avait prévenu. Plusieurs fois, ni lui ni elle ne réussissaient à s’endormir à cause de cauchemars. Il lui avait parlé des siens, elle lui avait parlé de Thales. Il ne le rejoindrait pas. Jamais.

« Si vous l’écoutez sans le remettre en question, alors je mourrai en martyre, et les ennemis de l’État doubleront en nombre. Ma volonté est partagée par des milliers. Je ne suis pas seule. »

La lame se rapprocha d’elle, de son torse, tout particulièrement. Fine, peu aiguisée. La jeune femme se prépara à souffrir.

« Tu as une belle langue, mais tu meurs seule dans un tunnel. C’est pas honorable, c’est pathétique. Comme votre mouvement. »

Un halètement crispé prit Edelgard lorsque l’arme ne fit qu’un avec sa chair.

« Vous perdrez. »

Malgré cette infecte palabre, elle se rassura en se rappelant que même si ses dernières secondes étaient vaines, sa mort serait peut-être l’allumette qui mettrait le feu aux poudres, et que demain, même sans elle, serait peut-être un plus beau jour.

Dimitri reprendrait le flambeau. Sa chute signerait son entrée au combat.
avatar
Yoligan
Invité
Sam 14 Mar - 23:30
Un des quatre mondes de RPG Rebirth, Solarii:

Alors que tout semblait perdu, que le peuple solarkien paraissait se déchirer, que la guerre tambourinait dans le cœur de chacun, les hauts-parleurs dominaient les bruits battant le rythme des industries de la ville. Et une voix solennelle, criante résonnait à travers les rues :

« Les solarkiens parlent aux solarkiens ! En réponse aux récentes manifestations concernant l’affaire du RIM, nous passons le microphone au Major Niveren, en direct de son plaidoyer en cour martiale. »

Un instant de silence s’installa. Les machines ne s’entendaient plus, les fenêtres s’ouvraient silencieusement et les familles arrêtaient leurs conversations pour augmenter le volume de la radio, tandis qu’une voix audacieuse, calme résonnait à travers les foyers :

« Chers compatriotes, l’heure n’est ni au ressentiment ni à la haine, car c’est une tournure jamais observée auparavant à laquelle nous faisons face et dont je souhaite assumer l’entière responsabilité.­ Aujourd’hui, nos relations internes sont déplorables, en particulier entre les habitants de Suram et ceux des strates volantes. Une guerre mêlant ces deux camps est plus qu’envisageable et les intérêts divergent pour chacun : Certains veulent venger leurs parents tandis que d’autres souhaitent juste une vie décente, voire ne supportent plus de se faire traîner dans la crasse à la simple mention de leur origine, ou à la simple vue de leur visage pour les moins chanceux. »

Je marquais une pause, observant et jaugeant l’assistance qui se présentait à moi. Pour l’occasion, mes supérieurs n’étaient non pas seuls devant un mur où arborant originellement le dragon de la Légion, mais devant une assemblée de journalistes et autres personnalités intéressées par l’affaire. L’attention de mon auditoire vérifiée, je détournai à nouveau mon attention vers ma bouteille d’eau mise à disposition sur mon bureau puis le microphone, ce dernier étant suspendu par ses quatre ressorts aux coins d’un carré formé par une tige de métal, le tout trônant sur un petit piédestal posé aussi sur le bureau auquel je suis installé. Seul face à la population désireuse de découvrir le fin mot de l’histoire, je repris la parole en retirant mon masque sous les flashs incessants des photographes :

« Mon visage, est un visage qui devrait vous être familier pour ceux qui ont suivi une autre affaire, qui jusqu’alors étaient restée tue : celle de l’officier rétrogradé tout en bas de l’échelle. Je suis cet ex-officier qui a dû tout reprendre depuis le début, à cause de toutes ces tensions, et pour pouvoir aider au maximum de mes capacités le Nim Row, dans son entreprise d’unification de notre peuple. Toute ma vie, je me suis fait une certaine idée de Solarii. Une nation mondiale où Solarii ne peut être Solarii sans la grandeur, une nation dont ses capacités incroyables nous ont permis d’éviter l’extermination presque totale à cause de ce soi-disant Aîné. Nos continents flottants, ils représentent l’héritage de ceux qui auparavant habitaient en nos terres originelles, aujourd’hui saccagées et en proie au chaos complet que maîtrisent le RIM. L’objectif du projet en est d’ailleurs même présent dans la signification de cette appellation : Recherche, Intelligence et Maîtrise. »

Un léger brouhaha de surprise et de jugement profita alors de mon instant de silence pour circuler de droite à gauche. N’y faisant trop attention je décapsulai la bouteille de mes mains puis pris une gorgée, levant ensuite cette même eau comme pour trinquer :

« L’eau potable, cette ressource tant abondante pour les habitants des hautes strates, puis qui se raréfie jusqu’à devenir quasiment absente en Suram. Pour les plus fortunés vous savez où je veux en venir, il suffit de nommer l’eau et Suram pour se rappeler de l’horreur que doit surpasser chacun d’entre eux : Vivre grâce à nos restes chèrement potabilisés ou chasser des créatures dont on ne sait presque rien mais qui en mettant sa vie en jeu octroient de quoi boire, et ce pour à peine quelques jours. »

Je posai fermement la bouteille toujours en main, haussant légèrement le ton :

« Qu’avez-vous fait à part profiter du marché noir à leurs dépends et courir après des bénéfices faciles ? Voulez-vous être connu pour avoir préparé le terrain à un « horrible bâtard de la Légion », pour qu’il pût retourner des solarkiens contre vos plans destructeurs de la nation ? Car même si notre histoire est réécrite, il y a d’autres mondes pour vous juger, d’autres mondes qui cesseront de commercer avec vous, parce qu’ils ne partageront pas votre vision meurtrière du bénéfice et de l’accroissement économique. Quant aux autres, n’oubliez pas que nous avons un ennemi bien plus puissant encore que nos enfantillages, qui s’exprime par nos énormes difficultés à gérer les errants. Tout ce que j’ai fait, c’est vendre une place dans notre société au prix d’une participation à nos problèmes sociaux, une raison à ces êtres venus d’ailleurs de nous aider plutôt que d’aggraver nos instabilités politiques. Après tout, s’ils veulent une place parmi nous, ils doivent participer au moins autant que nous à l’effort de guerre de notre nation. »

Je serrai fort la bouteille de verre, le cuir de mes gants grinçant en même temps que le silence reprit ses droits. Avec mes mots, j’espérais que la population saisît la gravité du sujet, afin que la justification parût plus qu’évidente. Avant de reprendre, je m’abreuvai à nouveau pendant que la cloche d’une machine à écrire résonna dans la pièce puis les rues voisines. Après une longue expiration les yeux fermées faisant quelque peu grésiller le microphone, j’avançais donc mes explications en laissant la bouteille tranquille et joignant mes mains avec les coudes sur le bureau, les doigts se touchant entre elles par leur bout :

« C’est donc pour éviter cette effroyable guerre civile que j’ai créé le RIM. Maintenant que le pourquoi est expliqué, abordons la raison pour laquelle je suis ici : Le comment. Avant tout, je vais citer une éminent de la stratégie que même les économistes connaissent : « Il faut combattre l’ennemi dans ses plans. ». Pourquoi cela s’applique-t-il aussi bien me direz-vous ? »

Je souris :

« Parce que l’on ne se débarrasse pas de la criminalité, outil préféré de cet ennemi qu’est le chaos, dans un milieu qui ne possède rien d’autre, tout simplement. On peut essayer de négocier avec ceux qui ont la main mise sur ces terres, mais on ne peut négocier avec ce qu’ils n’ont pas. Pas d’argent, pas d’industries, pas de richesses. Rien de matériel si ce ne sont leurs vivres, leurs armes, leur connaissance de la faune locale ou encore leurs maisons qui ont tous une très faible valeur marchande, pour ceux qui ont suffisamment de moyens afin de s’y rendre en sécurité. Au mieux ça serait une exploitation, au pire de l’esclavage. J’ai donc apporté le marché de la conquête : Quiconque unifierait Suram obtenait ma protection et de meilleures conditions de vies à partager avec le reste du continent. Mon attention s’est donc portée sur ceux qui en avaient les moyens, ceux qui s’y font respecter de la manière la plus respectable ou qui en ont le potentiel. Tout ce que j’ai fait, c’était donc le choix le moins pire possible afin de permettre au Nim Row d’avoir un chef à qui s’adresser au nom des gens de Suram, une autorité continentale comme chaque strate possède aujourd’hui. Tout ce que j’ai fait, c’était appliquer à la lettre notre credo, celui des solarkiens que nous sommes tous : Le progrès est loi, la liberté en est l’instrument. Et même si des innocents ont souffert ou péri, non seulement ça n’était jamais de mon fait mais en plus mes hommes et moi avions tout fait pour éviter les sacrifices inutiles, quitte à pénaliser voire écarter directement les associés abusant de ma protection. »

Alors que tout semblait absurde, que le peuple solarkien paraissait s’unir contre les habitants de Suram, que la guerre tambourinait en retour dans le cœur de ces opprimés, les hauts-parleurs dominaient le silence interrompant le rythme des industries de la ville. Et une voix audacieuse, calme résonnait à travers les esprits :

« Ainsi, pour ces raisons ignorées par mes chefs d’accusation, je puis vous annoncer publiquement la déchéance solennelle de ma citoyenneté solarkienne si les jurés et mes supérieurs plaident coupable. »

Le chaos survint à peine ces mots prononcés. Les flashs, les élévations de voix, les appels à l’ordre vains et la panique du scribe pour noter tout ce qui s’y dit dans ce brouhaha général vinrent conclure ce discours qui provoqua la fin de la séance, tant il était devenu impossible de plaider. Car en plaidant coupable ils provoquaient une guerre civile inarrêtable et qui pouvait durer des centaines, voire des milliers d’années. Et s’ils plaidaient innocent, ils allaient devoir s’asseoir sur le système judiciaire entier et les règles militaires assumées de tous les continents, un travail que peu de gens acceptaient de faire même au prix d’une guerre qui ne semblait pas poser problème. Et vous ? Plaidez-vous coupable ?
avatar
Neil KHS
Invité
Sam 14 Mar - 23:32
Contexte et personnage:


Chaque jour un choix est fait, on choisit notre destin. Je suis juste un homme, pas un surhomme, mais il est temps pour nous, les quelques rescapés de Kobe High School, de se bouger pour survivre. Ce n’est qu’un autre jour dans un monde déchiré avec une famille complétement décimée. Mais nous devons nous serrer les coudes et je suis prêt à affronter la mort pour qu’on reste vivants.

Voilà plusieurs jours que l’on déambule dans les couloirs du métro russe, après que notre voyage scolaire ait viré au cauchemar. Sur la quarantaine d’élèves et professeurs présents à l’origine, nous avons essuyé des pertes douloureuses. Il faut dire que le manque de vivres se fait sentir et affaiblit les quelques personnes à mes côtés. Le plus difficile pour moi, pour nous, ça aura été de récupérer leurs masques pour pouvoir passer les zones les plus contaminées, mais nous ne devons rien lâcher.

Depuis quelques heures, on surveille les allées et venues de la station Rizhskaya, cachés dans la pénombre. On a bien compris que la nourriture allait et venait de cet endroit. Que ceux qui vivaient là, derrière ces portes, survivaient avec tout ce qu’il leur fallait en quantité bien plus que suffisante. Que c’était notre porte de sortie, notre salut.

Tout ce qu’il nous restait à faire, c’était d’aller frapper à leur porte. D’aller plaider notre cause et de les convaincre pour survivre. Mais comment s’y prendre, là était toute la question. Est-ce qu’il fallait jouer en respectant les règles ou tout donner peu importe le prix ? De toute façon, nous n’avons plus grand-chose à y perdre. Ce n’est pas un secret : soit tout le monde meurt, soit quelques-uns survivent mais… pour combien de temps encore ? Il était hors de question de voir les petites Youko et Joy mourir devant nos yeux alors qu’elles avaient été si tenaces jusque-là. D’arracher Chandini à Milan ou vice-versa, sans qu'ils n'aient pu s’avouer leurs sentiments. Ce serait horrible de voir Emily, Tessa ou encore Kakeru, le frère que je n’ai jamais eu, perdre la vie devant moi. Non, il fallait que l’on donne tout.

Le traffic semblait s’être calmé et il ne restait plus que cette porte verrouillée pour nous séparer d’eux. Le cheminement de mes pensées me donne le courage de me lever, bien qu’affaibli par la faim et la fatigue de ces derniers jours. Mon visage se crispe en une grimace d’inconfort, mais une fois debout je m’ancre sur ma position et fait face aux autres. S’il faut que quelqu’un y aille, ce sera moi.

Neil : J’y vais.
Tessa : Quoi ?! Non il est hors de question que tu y ailles tout seul ! On vient avec toi !
Kakeru : Mais Neil arrête de jouer les héros putain !
Neil : NON ! Vous restez ici et vous ne bougez pas ! A quoi bon y aller tous ensemble ? S’ils me tuent au premier coup d’œil, je me sentirai moins coupable de vous avoir mené à votre mort.
Emily : C’est horrible, mais… je crois qu’il a raison. Ce serait du suicide de tous y aller en même temps si ça se passe comme il dit. Fais attention à toi Neil…
Neil : Appelez ça de l’égo mal placé, mais ça reste plus raisonnable que j’y aille seul ! Si je ne reviens pas d’ici quelques heures, ça vous laissera au moins une chance de tenter la vôtre ailleurs.

J’ai beau ne pas aimer les accolades ou ce qui y ressemble, je crois que je peux bien me faire à ceux-là. Si ça se trouve, c’est le dernier contact que j’aurai avec eux. Le dernier élan de bonté de quelqu’un envers moi, alors que je me jette dans la gueule du loup. Je prends une grande inspiration et m’écarte d’eux, leur adressant un dernier signe de tête pour éviter les adieux. Je suis loin d’être sentimental, mais n’importe quel pessimiste dirait que c’est « s’avouer déjà vaincu ». Je me tourne vers la station et avance en respirant un grand coup, en secouant la tête pour me vider l’esprit et garder mon sang-froid. Le moindre signe de panique serait perçu comme un signe de faiblesse, et tout le monde sait que les faibles sont les premiers à périr. Ce qui est utile, quand on traîne assez longtemps dans ces tunnels, c’est que les échos résonnent au long des murs et que des informations parviennent à nos oreilles. Là en l’occurrence, il ne nous avait pas fallu aller bien loin pour entendre parler de leur chef et de sa réputation. Il faut absolument que je m’adresse à lui, peu importe le moyen.  Arrivé devant la porte, je ferme les yeux quelques secondes pour faire le point avec moi-même, avant de tambouriner pour me signaler.

- Ouvrez-moi, j’ai deux mots à dire à votre chef, Gueorguï.
- C’est ça, va voir ailleurs on ne te connait pas ici. Parler au chef n’est pas à la portée de tout le monde !
- Je vous dis que je dois lui parler ! Vous croyez que je me ferais chier à rester planté devant votre porte si ce n’était pas important ?

Je continue de tambouriner, il faut qu’ils m’ouvrent. Qu’est-ce que je peux leur dire pour qu’ils me laissent passer ? Qui leur garantirai que je n’ai pas d’arrière-pensées ? Allez, allez ! Je vais bien trouver… Oh et puis merde !

- Vous me tirerez une balle dans le crane quand ce sera fait si ça vous soulage, mais ouvrez putain !  J’suis même pas armé !! Vous croyez qu’on était prêt à ça ? Qu’on s’attendait à venir crever ici en venant visiter votre pays ? Et c’est comme ça que vous accueillez vos hôtes !  Putain mais donnez-moi une chance ! Bande de salopards !

Les quelques secondes qui passent semble durer une éternité, mais finalement la porte s’ouvre et tout devient noir. Lorsque j’ouvre les yeux, une douleur lancinante me gêne au sommet du crâne. A tous les coups, ils m’ont assommé le temps de m’amener ici histoire d’éviter que je ne me rappelle du chemin. Je regarde les quatre coins de la pièce avec pour seule lumière une pauvre ampoule qui pend du plafond. J’entends une porte claquer derrière moi mais, attaché sur ma chaise, je suis dans l’incapacité de me tourner pour voir qui vient d’entrer. Pourtant, l’atmosphère semble déjà ne plus être la même.

- Qui est là ?
- Qui es-tu pour me faire venir de la sorte ? Encore un Ricain qui se croit tout permis, hein ?

Oh merde, je pensais pas qu’il se pointerait direct. Ok, faut jouer le tout pour le tout. On n’a clairement pas le même physique lui et moi, il suffirait d’un coup de poing de sa part pour que ma tête décolle. Ça va aller, tout va bien se passer.

- Je m’excuse, mais il fallait absolument que je vous vois vous et pas un autre !
- Et qui te dit que je vais t’écouter ? Je n’ai rien à attendre de toi. Bon retour à la surface.
- NON ATTENDEZ ! Putain mais vous êtes tous aussi borné ici ? Ecoutez au moins ce que j’ai à dire !
- Tu as 30 secondes.
- Vous avez tout pour survivre ici et je sais que vous ne devez rien à personne, mais si vous pouviez sauver la vie de quelques personnes de plus, vous le feriez non ? Pas des flemmards qui resteront dans un coin à profiter de vos rations, mais des gens jeunes et qui sauront se rendre utile ! Je sais que je n’ai rien du mec hypra musclé et qui peut soulever des charges de fou, mais je sais tenir une arme et les autres pourront apprendre ! Chacun doit tenir sa place, et doit apporter sa pierre à l'édifice, ce ne sont pas vos mots ? Ce que j’ai entendu vos soldats proner en parlant de leur chef ? Laissez-moi une seule chance de vous montrer ma valeur, de sauver mes amis !  

Je n’avais même pas eu le courage de les appeler comme ça en face, putain. Il posa son arme sur la table et s’affaira à détacher mes liens. Son regard ne disait rien qui vaille.

- Une seule chance, hein ? Alors ce sera toi ou eux. Si tu es prêt à tout pour les sauver, montre-le-moi et ils pourront rester parmi nous.

Il me fixa d’un air entendu et me laissa le choix. Dans un autre monde, avec d’autres personnes, mon instinct de survie aurait surement pris le dessus en me disant de me choisir et que je leur couterai moins en rations qu’une bande d’étudiants. Mais j’y tenais à ces idiots, et le dilemme du tramway ne se posait même pas. C’était la survie du plus grand nombre qui comptait, leur survie, et ça valait bien que je me colle cette balle dans le crâne.

(1496 mots sur Word)
avatar
Sona VB
Invité
Dim 15 Mar - 0:16
Sona - Valoran's Battlefront:


Douze silhouettes encapuchonnées autour de moi. Douze personnages immobiles et silencieux qui m’observent. Je suis au cœur du cercle qu’ils ont formé et quelque soit l’endroit où je regarde, je ne peux voir que leur longue robe cérémonielle. La pièce dans laquelle nous sommes est exiguë, à peine éclairée par quelques bougies. Je ne discerne ni porte, ni fenêtre. Chaque coin est identique si bien que même dans un espace aussi petit, je me sens déjà perdue. Qu’est-ce que je fais ici ?!

« Nous vous écoutons. »

Je ne sais pas lequel d’entre-eux vient de parler. A-t-il seulement parlé ? Ou bien s’est-il glissé dans mes pensées ? Je sais qu’ils en sont capable. Peut-être sont-ils déjà tous dans ma tête… Sortez de là ! Mon esprit m’appartient et vous n’y sèmerez pas le doute !

« Sona Buvelle nous vous écoutons. Maintenant, parlez.»


Parler ? Et pour dire quoi ? Je n’ai rien à vous raconter ! Qu’est-ce que vous attendez? Cette rencontre n’a pas le moindre sens. Si vous désirez un entretien, vous n’avez qu’à en faire la demande officielle ! Laissez moi partir ! Et quittez mon crâne !

« Ne tentez pas de nous résister ! Répondez-nous ou affrontez votre châtiment. »

Vous… Vous ne m’entendez pas c’est cela ? Soyez plus attentifs ! Je n’ai pas la moindre idée de la question que vous me posez alors je suis bien incapable d’y répondre. Vous n’avez pas le droit de me punir, encore moins pour une raison inconnue. Expliquez-moi ce qu’il se passe et je vous promets que nous dénouerons cette situation. Ce doit être un malentendu.

« Dépêchez-vous ! »

Rien. Pas un mot ne sort de ma bouche car aucun mot n’est jamais sorti de ma bouche. Condamnée au silence depuis ma naissance, je ne suis pas prête de vous répondre, alors qu’attendez-vous de moi ? N’avez-vous pas pénétré ma psychée ? N’avez-vous pas envahit mes souvenirs et mon esprits ? Vous n’êtes pas là ? Ils ne sont pas là ? Non, ils ne sont pas là… Et s’ils ne sont pas là alors j’ai encore un espace où me réfugier.

Dans mon dos c’était un troisième mage qui m’adressait la parole, d’une voix toute aussi froide que les deux précédents.

« Vous ne retrouverez la liberté qu’après vos aveux. Parlez ! »

Des aveux...  Je veux bien avouer tout ce qu’ils veulent mais je n’ai pas la moindre idée de ce qu’ils attendent. Même s’ils ne sont pas là, je suis certaine qu’ils le savent parfaitement. Quel genre d’objectifs peuvent-ils avoir pour me laisser me torturer l’esprit de la sorte ?

« Vous devez répondre de vos actes. »

Le cercle s’est resserré autour de moi. Je sens le poids de leurs regards qui me mettent à nu au sens métaphorique, ce qui est bien pire encore. Ces gens sont capables de sonder le mental de n’importe qui, d’y instiller des illusions, d’en extraire les souvenirs et d’en deviner les pensées les plus intimes. Perçoivent-ils mes doutes et mes craintes ? Ressentent-ils toute l’ampleur de mon incompréhension ?

Je tente de leur parler une fois de plus mais en vain, les mots s’éteignent avant même de naître au fond de ma gorge et mes lèvres restent closes. Rien ne se passe… Le silence s’installe. Il gonfle, remplit la pièce. Il se fait de plus en plus pesant. Je peux le sentir peser sur mes épaules tandis que les douze Invocateurs me fixent, imperturbables. L’air est si lourd. Je voudrais éclater cette bulle mais j’en suis incapable alors je me contente de l’endurer. Je ne sais pas ce que je préfères : les entendre ou craindre leurs prochaines paroles ?

« Ne nous obligez pas à vous menacer dame Buvelle. Ce sera désagréable pour tout le monde. Il est temps de vous dénoncer. »

Je prends une grande inspiration. J’ai les jambes tremblantes, les yeux mouilles et l’esprit embrumé mais je fais fi de cela. Je suis une championne, je dois me montrer plus forte que cela. Alors je relève la tête. Je les observe sans un mot. Ils ne briseront pas ma volonté. J’avoue avoir refusé ce mariage et avoir blessé les invités, j’avoue avoir volé ces pommes lorsque j’étais à l’orphelinat, j’avoue avoir ignoré cette personne qui quémandait mon aide et j’avoue avoir piégé mon cousin que je déteste tant. J’avoue avoir fréquenté ce jeune Piltovien, j’avoue avoir quitté la nation d’Ionia et me battre à présent pour Démacia qui m’a adoptée. J’avoue avoir protégé cette voleuse et j’avoue avoir abandonné des responsabilités trop lourdes pour moi. Enfin, j’avoue, j’avoue ne pas avoir pu protéger Lestara Buvelle d’une colère que j’étais trop jeune pour maîtriser. Mais vous n’aurez rien de plus que ces aveux.

Si mes pensées bouillonnaient, le monde autour de moi était figé dans le vide. Aucun des mots que j’avais imaginé n’avait pu les atteindre si bien qu’ils mirent leur menace à exécution. Chacun à leur tour, me prenant avec leurs tirs croisés, leurs paroles faisaient feu.

« Nous savions que vous étiez fragile »
« Faible »
« Incapable »
« Perdue »
« Seule »
« Après tout personne n’a jamais voulu de vous. »
« Pas même vos parents »
« Et sa mère adoptive ? »
« Morte par sa main. »
« Sona. Seule. »
« Sona. Solitaire. »
« Sona. Meurtrière. »

Tout se met à tourner. Moi, eux, la pièce. Leurs attaques incessantes me frappent et me malmène, elles s’infiltrent en moi et viennent noircir ce tableau déjà si sombre. Enfermée dans mes propres peurs, je n’aperçois plus que les ténèbres qui m’engloutissent. Ne serait-il pas plus simple de m’abandonner à eux ? Non… Ils ont tort !

Je ne suis pas seule car une étoile brille dans la nuit.

Etwahl brille dans la nuit et avec elle, j’ai retrouvé ma voix. Pour les faire taire, nous n’avons besoin que d’un mot. Alors du bout des doigts, du bout des cordes nous leur clamons :

SILENCE
Contenu sponsorisé