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Alexandre Prokhorenko
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Double-compte : Kir Sokolov
Alexandre Prokhorenko
Lieutenant-instructeur, chef de section du Bastion Vympel
Ven 2 Mar - 19:16

Passeport
Age :: 32
Patronyme :: Nikitovitch
Surnom :: Stena
L'ennemi intérieur I 855558064_preview_metro_2033_11

1:30 PM. Poste de garde Sud 2A, Polis

Le lieutenant regardait par la vitre polycarbonate du cagibi tandis qu’il donnait une série de consignes au sous-sergent. Un groupe de forains itinérants avait été aperçu à quatre stations d’ici et les soldats devaient s’attendre au raout. Femmes bruyantes, enfants turbulents zigzagant en tous sens, hommes fureteurs cherchant les embrouilles, et un passage à l’abri du regard des militaires agacés par les cris assourdissants d’infortunés nourrissons ou de cochons tisonnés refusant d’avancer…
Jamais sous sa supervision. Ici, c’était l’altière Polis.
Il désigna à l'attention du sous-sergent les deux soldats supplémentaires qui arrivaient sur le quai médian. « Vous répondrez au sergent-chef Dezhnyova jusqu’à ce que la vague soit passée, elle va mener l’opération civile, » annonçait-il distraitement, focalisant déjà sur sur une autre scène. Qu’est-ce que c’est encore qu’ça… Il quitta le cagibi et se dirigea vers les premières barrières fixes, disposées de manière à canaliser les flux de voyageurs.

L’épidémie de grippe qui avait affaibli la Hanse était maintenant neutralisée et la quarantaine était levée. Alors, les populations les plus pauvres migraient pour chercher de quoi survivre pendant que le monstre économique de l'Anneau se remettait en branle. L’un de ses hommes refusait le passage à une femme accompagnée d’un enfant. Elle avait la tête et les épaules enroulées dans un châle, le morveux de cinq ou six ans pendu à la main. Il semblait étranger à ce qui se passait autour de lui, crasseux et l’air éteint sous les lourdes boucles brunes, comme Alexandre Nikitovitch l’avait été, un quart de siècle plus tôt. Le geste répété du soldat était universel et immanquable : vous ne passerez pas, arrière.
« Tout va bien Caporal Jagran, » demanda-t-il sans conviction, se plaçant côte à côte, tenant son fusil d’assaut en position réglementaire. Le gamin eut un pas de recul et leva longuement la tête, ses yeux comme deux grosses billes, jusqu’à pouvoir enfin croiser le regard du géant. Alexandre perdit un sourire discret, le gamin produisit un éclat de rire unique avant de se cacher la tête dans les foulards de sa mère.
Le caporal soupira, l’air déconfit. « Y’a que le morveux a des poux mon Lieutenant, et on n’veut pas ça chez nous, » expliqua-t-il, morne, réajustant sa kalash dans un mouvement de berceuse. « La dame comprends pas le russe on dirait bien. »

Alexandre se passa une main sur la figure, phalanges écartées comme s’il avait l’intention de s’arracher le visage et ferma les yeux, retenant sa respiration l’espace d’un bref instant. Puis la paume de sa main se repositionna naturellement sous le fusil, l’autre n’ayant jamais lâché la poignée, squelette d’acier prêt à glisser depuis le creux du coude jusqu’au creux de l’épaule en un éclair. Le contraste de castes aux frontières ne pouvait être plus saisissant.
Non loin, l’un des soldats fit entendre tout haut ce que l’unité de détachement pensait tout bas : « Vivement les mutants ! Y’en a marre des pouilleux ! » Les opérations civiles étaient partie intégrante de leurs fonctions mais très peu gratifiantes pour ces hommes de terrain, dont le trop plein d’énergie physique finissait par ronger la cervelle et la compassion. Ils faisaient partie d’une élite, disciplinés jusqu’à ce que les gestes et les procédures tiennent d’une seconde nature, mais ils restaient humains, jeunes et débordants, avides de prouver leur bravoure et leur valeur au combat.

Bien que l’épidémie n’ait pas touché Polis, la tension s’était infiltrée par-delà les blocus. Les ksatriyas étaient nerveux devant la piqure de rappel : l’humain restait un ennemi pour l’humain ; qui n’était pas de Polis était un étranger et tout étranger était susceptible d’apporter misère et destruction. Sans regarder en arrière, le lieutenant releva le bras gauche en un geste de halte, poing ferme et index courbé sur la gauche, signifiant aux soldats de la mettre en veilleuse. Puis il atteignit l’un des compartiments de sa ceinture tactique et en extirpa quelque chose qu’il conserva au creux de la main. De là, il tendit le bras en direction de la femme qui eut un sursaut craintif. Elle finit par relever la tête, hasardant un regard pitoyable vers lui pour n’y rencontrer qu’un grand calme. Alors elle tendit la main à son tour, paume vers le haut, et Alexandre y laissa tomber une balle de calibre 9.
« Entre Koprotinskaya et le Parc Culturel, vous trouverez un soigneur itinérant, » l’informa-t-il posément et sans la moindre émotion afin de ne pas susciter l’espoir, et la réitération de la mendicité. De même que les frontières logistiques de Polis, il devait en protéger l’esprit. La justice était une affaire toute relative ici-bas. « C’est son jour de passage. Demandez Gorka, il en viendra à bout. » Un soigneur itinérant qui avait toute une panoplie de coupe-choux de barbier. Il se tenait roidement, imposant et blindé, l’air machinal. La femme hocha humblement la tête à plusieurs reprises, murmurant quelques mots russes dans un patois mêlé d'arabe, et elle se retira en trainant l’enfant à sa suite. Départi de sa timidité, le gamin regarda en arrière à s’en décrocher le cou, comme s’il ne découvrait qu’en cet instant ces monstres mortellement équipés, avec leurs combinaisons, leurs armures partielles et leurs postures menaçantes, avant de rencontrer une dernière fois le regard du lieutenant. Tout en se faisant tracter par sa mère, il imita maladroitement le geste codé qui s’était imprimé dans sa mémoire vivace. Alexandre lui renvoya un salut martial et les regarda s’éloigner.
« Ils sont de plus en plus nombreux, comme ça, » marmonna le caporal à son attention.
« Je sais, » répondit le lieutenant pour clore le sujet. Il se fit craquer la nuque et roula d’une épaule pour se dégourdir. L’après-midi risquait de lui paraitre longue et il avait d’autres points de contrôle à rallier.

Prêt à rebrousser chemin, il scanna les voies d’un regard vigilant, aussi loin que sa vue le lui permît. Il considéra, dans une arrière routine réflexive, à emprunter une lunette dans l’inventaire. Les composants de ce type étaient réservés aux snipers et aux stalkers mais l'armurier ne verrait probablement pas d’inconvénient à lui en sortir un exemplaire des caissons. C’est alors qu’il se ravisa. Une silhouette désagréablement familière se profilait en avant-poste, marchant nonchalamment au beau milieu de l’artère principale.

Merde. Dis-moi qu’je rêve. Une décennie s’était écoulée mais il s’en souvenait comme la veille. La haine et le désordre, des frères injuriant d’autres frères, une divergence de mœurs qui scinda la chambrée entière. Une bagarre à laquelle il mit un terme, par force et par rhétorique, alors qu’il n’était en ce temps qu’un simple caporal. Quelques semaines plus tard, l'aspirant ksatriya au cœur de la tourmente fut retrouvé mort dans un boyau d’exploration, entamé par les rats. Les circonstances du décès avaient été classées comme accidentelles. Alexandre avait appris aux dépends du soldat Dmitri Petrovitch Volkonski, que certaines choses devaient être tues et ignorées, et le colporteur, alors âgé de 17 ans, avait été pris à parti par la vindicte soldatesque et jugé responsable de ce qui était arrivé à Volkonski. Accusé par les équipiers et proches de Dmitri Petrovitch d'être la cause de sa perdition, en l'ayant poussé à s'exposer inconsidérément en public. Mais aucun n'avait tous les éléments en main, et une défiance délétère s'était installée parmi le cercle des protagonistes : un ksatriya aurait-il vraiment pu assassiner un frère ? Le doute avait fini par s'estomper, et l'affaire avait été refoulée dans l'inconscient collectif, assurant le moral et la cohésion des troupes. Les soldats de la section avaient été réaffectés dans d’autres unités, et la vie martiale avait reprit son cours disciplinaire. Suite à cela, Airat Ivanov était officieusement devenu persona non grata autour de Polis. On ne plaisantait pas avec la caste des guerriers, mais elle pouvait être manipulée par de plus hautes influences et pour des intérêts privés. C'était une partie de la politique.

A une centaine de mètres derrière lui se trouvaient Dezhnyova et Uitsky, respectivement sergent-chef et starchina, maître principal. Des anciens, comme lui. Il et elle se souviendraient, comme lui.
Aussi, Alexandre prit congé du caporal sans autre forme de procès et se dirigea énergiquement à la rencontre du colporteur. Avec l’intention de l’intercepter avant qu’un air de sédition ne vienne souffler sur les nerfs inflammables de ses hommes.
Airat Ivanov
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Airat Ivanov
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Dim 11 Mar - 2:23

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 J'ai envie de vomir. Cet endroit me retourne l'estomac, c'est...J'vais pas tenir. Polis, Polis tout près. Et la douleur avec elle. Je regarde ce poste de garde, avec tous ses soldats, et j'ai qu'une envie : prendre mes jambes à mon cou.  je reconnais très bien cette silhouett lourde, armée. Celle des militaires. Et putain, ça fait mal, ça me fout dans une colère...Je sais pas ce qui me retient de me jeter sur l'un d'eux, lui arracher son arme et les flinguer. Et puis si j'avais ce courage, je remonterais jusqu'à Polis, j'irais finir le boulot, je la finirais la vielle conne, la salope comme je l'ai rebaptisé dans ma tête.
Je suis là pour le boulot, parce que j'ai une chance inespéré d'avoir une excuse pour croiser quelqu'un qui le connaissait bien. Mais je commence à regretter. J'vais faire un pas de travers, Polis est le seul endroit où je ne suis pas foutu de marcher sans me prendre les pieds dans le tapis. Et maintenant qu'on m'aveugle avec la haine, ça va être encore pire. J'aimerais bien savoir toutes la merde qu'ils ont déversés sur nos nom.  A quel point ils ont déformé les choses pour leur petit confort. Et ma génitrice adorée, elle a dit quoi au juste ? Je sens presque les coups de couteaux qu'elle m'a foutu dans le dos, le jour où elle a laissé partir la rumeur, comme un serpent. Mes yeux, merde ! Ils sont à bout, irrités par le sommeil, et tout ça... Si je chiale, je...Je rien du tout. Si je pleure, j’essuierais mes larmes. Qu'est ce qu 'il y a d'autre à faire ? La vérité est celle des vainqueurs. Moi je suis juste un malade, un dégénéré qui a perverti un soldat, et qui a battue sa mère. Il me va bien ce rôle de salaud. Je le porte de mieux en mieux. On croirait que c'est moi .


Airat s'avança vers le poste. A chaque pas hésitant, le bout de bâtiment grandissait, son cœur frappait plus fort dans tout son corps, l'assourdissant. Sa respiration commençait à tomber en miette, la fatigue de ses cauchemars de chaque nuit s'écrasait d'un coup sur ses épaules. C'était à peine si il pouvait garder les yeux ouverts. Et cette état misérable était le sien depuis longtemps, c'était peut-être pour ça qu'il avait foncé tête baissé en reconnaissance le nom de code utilisé par Prokhorenko pour passer une commande anonyme aux colporteurs : Kopt1.

Il l'avait appris par hasard il y a 3 ans, quand il avait mis un doigts dans l'engrenage des codes utilisaient dans le milieu des colporteurs. Par les rumeurs, et en soudoyant quelques collègues, il avait finit par pouvoir être quasiment sûr que Prokhorenko était gentiment caché derrière ce nom.

Prokhorenko. A l'époque, il était le caporal de Dimitri, et avait même arrêté une bagarre qui avait commencé à dégénérer entre son amant et  ses coéquipiers. Airat n'était pas là quand les faits s'étaient produits, mais il se souvenait assez bien du goût de sang sur les lèvres blessés de Dimitri après. Et de la dispute, des mots qu'ils s'étaient crachés. « Gamin débile » « Que de la baise »  « Ca n'a aucun sens ». Des classiques, mais qui faisaient toujours mal. C'était peu-être ce coté trop « classique » qui avait mis la puce à l'oreille de l'adolescent qu'il était il y a dix ans. Dimitri était franc, peut-être trop. Il disait les choses crûment, quitte à faire rougir de gêne ou de colère. Et là, tout ces mots avaient sonné faux.
Finalement le soldat avait éclatait en larme (pas dans ses bras, comme dans une belle romance, non, à deux bons mètres de distances), hurlant qu'Airat n'avait pas sa carrure, que ces coups là pouvaient tuer l'adolescent, que la possibilité que des soldats s'en prenne à lui n'en était plus une. C'était une certitude, il fallait juste laisser le temps faire.

Le colporteur soupira en ce sortant de son souvenir.

Il était resté au poste de garde, dans l'ombre, mélangé à tous ceux que l'épidémie du la Hanse avait poussé jusqu'ici. Il avait guettait Alex depuis 3 jours sans avoir un moment pour lui parler seul à seul, et la fatigue avait eu raison de lui. Airat avait finit pat s'avancer vers l'avant garde, se passant rapidement une main au creux de ses cernes noires. Il devait approcher de l’aspect d'un camé. Yeux rougis,  cernes, maigreur...

Finalement, il fut assez proche pour que l'homme le voit. Voir ce géant presque courir vers lui pour éviter un scandale le fit rire, d'un rire sec aux airs de toux.

« -Salut. »

Lâcha il d'une voix enrouée, fixant le lieutenant qui arrivait à sa hauteur droit dans les yeux.

Alexandre Prokhorenko
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Alexandre Prokhorenko
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Dim 11 Mar - 11:08

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Le souvenir de la suspicion, désagréable, était jusqu’alors profondément enfoui en son esprit. Enchaîné et cadenassé dans un coffre-fort de Faraday mnésique. Car tous ces hommes, derrière lui, étaient sa caste et sa famille, et qu'en dépit des aspérités comportementales et du caractère extrémisant d'un certain nombre d'entre eux, ils étaient des ksatriyas.
Peu importe sa race, son origine, sa religion, son physique : tout ce que tu tiens sur un frère, t’es en droit de le lui sortir à la gueule, racontait-il à un ami du civil, qui s’étonnait d’entendre les soldats redoubler d’inventivité dans des échanges qui s’apparentaient à des concours d’insultes. C’est superficiel, tout ça. Et si l’mec craque juste parce qu’on le traite de consanguin afghan, de sale ricain, d’adorateur d’Allah au cul levé ou de suceur de bite, qu’est-ce que ça sera en vrai conflit ? Le doute n’avait toujours pas quitté son interlocuteur, une moue hésitante faisant office de sourire. Vois ça comme une démonstration d’affection… Un truc qui signifie ‘mec, je sais que t’es suffisamment costaud pour te faire pourrir sans moufter’, avait-il conclu, qu'il l'ait convaincu ou non.

Alexandre était assuré d’une chose : peu importait la violence des altercations et des invectives qui fusaient entre soldats, les vendetta internes ne dépassaient jamais les bornes d’un mauvais coup ou des petites crasses douteuses. Et gare à celui qui s'y faisait prendre. Le manque de furtivité et l'incompétence à couvrir ses traces étaient sévèrement punis.
Non, ce soldat qui venait de traiter son équipier d’impérialiste bisexuel bouffeur de copeaux d’merde pour avoir fait part de son appréciation du thé en provenance de VAR, donnerait sans hésitation sa vie pour sauver ledit impérialiste bisexuel bouffeur de copeaux d’merde. Peu importait leur différence, ils partageaient un même ethos, un même destin. Ils étaient les derniers remparts avant le chaos et chaque situation critique venait le leur rappeler. Ils donneraient leur vie pour le maintien de l’ordre, ils donneraient leur vie pour sauver leurs équipiers. Et c’était pourquoi le lieutenant Prokhorenko écartait catégoriquement la possibilité d’un fratricide ksatriya.

Au plus Alexandre se rapprochait, au plus l’apparence du colporteur l’interpelait. De loin, Airat Ivanov lui avait paru fringuant, presque provoquant de nonchalance devant la tension du cordon militaire. Fantômes du passé se superposant au présent, illusion complaisante éloignée de la déplorable réalité. Le gamin avait changé. Aussi, son expression se fit plus concernée encore, lorsqu’il franchit les derniers pas qui les séparaient. Il s’immobilisa au-devant de l’apatride, laissant ses séquences analytiques tourner à plein régime : tout, depuis le visage creusé et cerné, jusqu’à la posture du colporteur l’alarmait. Ses yeux n’en ressortaient que plus clairs, céruléens dans la grisaille. Il paraissait prêt à se faire sauter devant les barricades, fomentant un attentat. Si le lieutenant évaluait précisément l’ampleur du ressentiment qui animait l’amant du défunt caporal Volkonski, il espérait toutefois se tromper sur les raisons de sa présence.

« Hey, Airat Ivanovitch, » répondit-il gravement, le timbre bas. Il l’observait attentivement, le rais ambré de son regard plongé dans les yeux de son interlocuteur. Nulle hostilité n’en émanait, au contraire, la sympathie qu’il ressentait pour lui se traduisait en un sourire discret, encourageant. Dix ans. Il se racla la gorge, abaissa le canon de son fusil en position réglementaire et se relaxa, adoptant une posture de repos. Les deux soldats qui s’étaient machinalement rapprochés d’une vingtaine de mètres, ne s’y trompaient pas : le lieutenant était sur le qui-vive. Son imposante carrure était relâchée pour mieux claquer, sa musculature prête à fulgurer à la moindre alerte.
« J’aimerais pouvoir te dire que t’as l’air en forme, » admit-il, brutalement sincère et empreint de considération tout à la fois. Son regard promena sur la mise du colporteur, rapidement, avant de retrouver les prunelles céruléennes du visiteur. Le temps pressait, il était en service et anticipait les questions personnelles d’Oksie. Le sergent-chef Oksana Philipovna Dezhnyova qui les scrutait de loin et qui était au moins aussi protectrice que lui. Il pouvait sentir la focale de son regard chirurgical tailler des points d’interrogation sur ses dorsaux, entre autres.
Airat Ivanov
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Airat Ivanov
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Dim 11 Mar - 15:03

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 Le colporteur eu un infime sourire en reconnaissant le regard scrutateur de Prokhorenko. Il faisait déjà ça la dernière fois, scanner, analyser les gens. Disséquer leur âme. Ça le faisait un peu rire intérieurement. Il y a quelques années, quand il était tombé  sous ce regard, le Russe ne l'avait pa ramené, se tassant. C'était la seule fois de sa vie qu'il avait apprécié sa taille. Pouvoir se planquer derrière toutes ces armoires à glaces qu'étaient les soldats avait été un soulagement.
Maintenant, il résistait sans problème à cette épreuve, fixant l'homme droit dans les yeux, une lueur de défit dans ses orbes glacés. Une glace brisée, qui allait bientôt fondre. Lui aussi se prêtait à ces petites séances de décorticage maintenant. C'était un bon moyen de savoir à l'avance si l’individu en face de vous avez l'intention de vous arracher votre marchandise et de partir en courant, ou de payer. Oui, le connard qu'il était regardait les gens droit dans les yeux, et leur collait une jolie étiquette sur le front, pour voir si il était face à un congénère, quelqu'un dont il devait se méfier.

La méfiance était son créneau. Il excellait quand il fallait avoir des soupçons envers son prochain au moindre de ses gestes, quand il fallait lui mentir, lui dissimuler quelque chose. C'était plus qu'un très de caractère, une facette de lui. Une sorte de seconde nature.

Pourtant à ce moment, elle n'était pas là, cette parano. Dans un coin de sa tête, il ne pouvait pas s'empêcher de se dire que cette homme avait sauvé son amant. Il avait retardé sa mort de quelques semaines, en sachant parfaitement que Dimitri était tout aussi intéressait par les hommes que par les femmes. Prokhorenko aurait pue laisser les choses faire. Traîner le cadavre d'un Pédé dans un tunnel oublié n'était pas compliqué, rien n'aurait été retenue contre lui.  Mais il l'avait quand même protéger. Ça devait être pour ça que sa méfiance restait sage dans un coin. Ne t'inquiète pas. Si il avait voulue te faire du mal, il l'aurait fait depuis longtemps.

La peur se réveilla d'un coup. Elle fit le tour de tout son système nerveux en quelque seconde, le secouant du décharge. Le bruit métallique de l'arme du lieutenant l'avait sortie de son état de confiance animé pas les souvenirs. Le con ! Mais le con putain ! Ce type était armé ! Sous son manteau qui peut-être dissimulait sa soudaine tension, Airat était prêt à se jeter sur le PSS de Vladimirovna ou le coupe choux de sa bien-aimée Baba Yaga.

Même si maintenant le fusil était tournait vers le sol, Airat avait retrouvé son état(soi-disant) habituel. Il ne fallait jamais oublier qu'en face, ça voulait te faire la peau. Peut-être que c'était une trop grande confiance qui avait coûte la vie à Dimitri.

« -J'aimerais te dire que t'es pas ridiculement grand. Mais ça, ça à pas changé. »

Dit il avec un sourire presque provocant sur les lèvres. Le colporteur était d'humeur à jouer avec les nerfs.

« -Bon, cher...Kopt1. C'est pas que je t'aime pas, mais si on pouvait régler cette histoire de silencier vite, ça m'irait. Et si on pouvait... »

Il indiqua les soldats dans le dos du lieutenant d'un coup de menton, avant de reprendre à vois basse, cette fois sans une pointe d'amusement dans  la voix.  Il y régnait même une colère étouffé, qui rendait sa voix plus roque.

« -...Parler plus loin, ça m'irait. Leurs tête me disent vaguement quelque chose, c'est pas bon signe. Que ce soit pour mon ou toi. Le soldat modèle- T'es lieutenant de ce que j'ai entendu- qui traîne avec l'ex-détraqué de Polis, ça le fait moyen pour la carrière. »

Airat lui lança un regard sombre, bizarre. Comme de l’inquiétude. Il ne voulait pas que Prokhorenko se fasse descendre comme Dimitri. C'était assez étrange comme sensation, ce n'était pas quelque chose né de la reconnaissance, ni de l'amitiè. Mais plus...D'un besoin viscéral de prendre la défense de tout ce que Polis aurait pue vouloir mener à sa perte. Si un jour L'homme en face de lui ce mettait la Cité à dos, il aurait un allier assuré. Une vrai teigne.

Alexandre Prokhorenko
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Alexandre Prokhorenko
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Dim 11 Mar - 19:58

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Où t’es parti gars ? avait-il presque été tenté de lui demander, tandis qu’une bande onirique défilait derrière le regard fiévreux du colporteur. Un moment d’absence, rompu par le cliquetis métallique de son fusil auto. Airat Ivanovitch n’était jamais passé à autre chose, comprit-il instantanément. L’esprit de Dmitri Petrovitch ne reposait pas en paix. Il errait, depuis une dizaine d’années, tourmentant la mémoire des vivants, de tous ceux qui ne parvenaient à l’oublier. Tout comme Andreï avait tenté de rejoindre sa femme et sa gamine, par-delà les plafonds baroques de Polis, au-delà de la surface irradiée et jusqu’au ciel lumineux, où tombaient des averses de photons qu’ils ne verraient probablement jamais. Parce que nous irons en enfer.

Le lieutenant se fendit d’un large rictus de capitulation devant la répartie du colporteur, laissant échapper un discret soupir nasal en guise de rire. Petit con. Il n’eut d’autre réaction que de se redresser machinalement, donnant raison à son interlocuteur en se faisant d’autant plus imposant. C’est alors que le nom de code tomba, élucidant le mystère de la présence d’Airat Ivanovitch Ivanov, fils de brahmane déclassé, aux avant-postes de la Cité.

« Je vois, » l’interrompit-il avant qu’il n’ait achevé sa première phrase, coïncidant avec le coup d’œil qu’il tentait de jeter aux soldats. Alexandre faisait rempart de sa carrure, tant pour cacher l’un que pour masquer les autres. Son regard se sabra sous un engrenage de réflexions et de planifications, alors qu’il rappelait à sa mémoire immédiate le fonctionnement du Circuit et les informations qu’il y avait injecté quelques semaines plus tôt. La commande passée, les valeurs d’échange proposées. Et maintenant, un endroit et une heure convenables pour l’inspection de la marchandise et la transaction.

Les mots d’Airat résonnaient dans un ronronnement lointain, sans que leur charge provocatrice ne semble l’atteindre. Mais il harponna son regard avec fermeté, l’ambre liquide, étincelante, se fossilisant dans le bleu pâle. L’agressivité lui restait étrangère, un aplomb colossal semblait ne jamais le quitter.
« Allons, ta notoriété n’est pas si grande, » décocha-t-il sur un ton passablement amusé, avec trop de prestance pour avoir l’air goguenard. Le réprouvé était physionomiste, toutefois, et afin de ne pas précipiter de réaction, il jugea préférable de ne pas confirmer ses doutes quant à l’identité des ksatriyas. Alexandre tentait de réinstaurer un climat de confiance, aussi ténu fût-il, et Airat lui semblait déjà suffisamment nerveux, voire instable, en dépit de son attitude bravache.

Il bougea à peine la tête, étendant instinctivement son champ de vision périphérique avant de poursuivre, sans lever le ton : « Et si j’étais carriériste, je siègerais à l’état-major. Ankylosé dans un fauteuil. » Un clin d’œil éclair clôtura la réplique, assorti d’un sourire éclatant. Une radiance solaire au milieu des projecteurs crus, à peine ternie de la pointe d’amertume qui sourdait de ses mots. Répercussion d’une fraiche dispute avec sa hiérarchie au sujet des opérations civiles en cours. L’évaluation d’une situation ne donnait pas les mêmes résultats, selon la position de l’observateur : à quelques mètres d’ici ou à deux heures du terrain, dans les compartiments luxueux du pouvoir décisionnaire.

« Mais oui, » se hâta-t-il d’ajouter sans le quitter des yeux, « pas ici, pas maintenant. » C’était une évidence. Au jugement d’Alexandre Nikitovitch, il en allait bien plus qu’une simple transaction d’affaire, bien qu’Airat Ivanovitch l’ignorât peut-être encore. Un appel à l’aide. Des fantômes à conjurer. Il n’avait jamais voulu chercher l’occasion de lui parler, d’exposer les conclusions de son enquête privée. Et d’éteindre la rancune qu’Airat entretenait pour ses frères. Mais il était grand temps.
« Station jumelle de Volkhonka, au croisement de Gogolevsky. Le Gusli. » C’était un cabaret à dockers, avec location de cabines au second niveau. Il marquait une micro pause à chaque information délivrée, s’assurant que le colporteur en suivait la topographie. La plateforme Volkhonka se trouvait à l’Est de la station Kropotkinskaya, toujours dans la puissante orbite de Polis, mais à quelques kilomètres seulement de la frontière de la Hanse. C’était un ancien poste de la Ligne Rouge durant le conflit de 2023. Il se hâta de préciser: « Dans huit heures environs. » C’est alors qu’une clameur montante, inharmonique, s’amplifiait au loin, annonçant l’arrivée de la première vague de gitans repérée depuis Kievskaya.
Airat Ivanov
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Airat Ivanov
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Sam 24 Mar - 10:27

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 L e colporteur eu un rire grinçant, presque sinistre. Un son où tu pouvais presque entendre une malveillance contre tout être vivant. Oui, c'est vrai. Peut-être qu'avec le temps, on l'avait peu à peu oublié. Mais il n'y avait pas de plus grande erreur que de se croire en sécurité. Encore plus dans une entité vivante et grouillante comme le métro, encore plus près de Polis. Si la cité était le dernière refuge de la civilisation, il était aussi le nid de sa barbarie.
Et Airat n'était pas con. Les deux troufions derrière  le géant lui disait quelque chose. Ce tout petit air de déjà vu devait suffire à l'inquiète. Et lui aussi était facilement reconnaissable, avec cette tâche de vin barrant son visage. Sa génitrice lui aurait compliqué la vie jusqu'à la fin.

Et si il n'y avait réellement aucun risque, Prokhorenko ne leur lancerait pas de regard en coin. Enfin bon, monsieur n'était pas « carriériste » alors...Monsieur pouvait se permettre un clin d’œil à un « inconnu » ? Airat fronça les sourcils. Et voilà. Il était de retour. Le grand chevalier, le beau prince, le sauveur de ses dames. Tss. L'envie de lui cracher à la figure démangeait l'homme de la Krasnya. Il ne supportait plus les bons petits soldats. C'était impossible d'oublier ce qu'il y avait derrière le masque de héro : Des meurtriers.
Ou alors ce qui l'agaçait tant, c'était ce que représentais Prokhorenko. Un reflet en négatif d'Airat. Quelqu'un qui se battait pour Polis, pour les autres. Qui devait incarner au moins la moitié des valeurs que le colporteur avait tout simplement rejeté en bloc.

Finalement le militaire se décida à revenir au sujet initiale. Il n'avait pas l'air de comprendre qu'ici, quelqu'un ne demandait qu'à se faire la malle le plus loin possible du brasero des souvenirs. Le lieutenant ne s'en doutait peut-être pas, mais il était le coup de vent qui avait ravivé ces flammes. Le colporteur savait déjà quel serrait son prix pour le silencier. Pas de cartouches, mais quelque chose qui à ses yeux valait cent fois plus. Et qui faisait aussi bien plus mal qu'une balle dans la peau. Restait à voir si la douleur serrait la même pour Prokhorenko. Peut-être que ça le mettre face à certaines réalités qu'il n'acceptait qu'à moitié. Ou peut-être que ça ne ferait que raviver les vielles plaies. Dans tout les cas, ça ferrait mal au cœur ou à l’ego. Et cela suffisait amplement à l'homme de la Ligne Rouge.

« -Gusli, Ok. »

Airat sursauta. Des cris, des paroles, des murmures, beaucoup de voix humaines avaient raisonnés en  même temps. Il soupira en se passant une main sur le visage, là où la peau était rouge et granuleuse. Ce vacarme résonnait dans sa tête, et lui flanquait de sacrés coups de marteau.

« -Bon, j'te laisse, ta pause thé est finis. »

Ironisa il, un sourire en coin aux lèvres. L'homme de La Ligne Rouge tourna les tâtons, enfonçant ses mains dans ses poches.

« -Bonne chance. »

Dit il en se retournant pour à son tour adresser au lieutenant un clin d’œil. Sans raison, comme ça, sur une pulsion, un coup de tête.







Un tunnel. Sans fin, avec une lumière bleutée au bout, inaccessible. Il marchait vers elle, son sac pesant lourdes sur ses épaules fatiguées, les traits plus tirés que jamais. Il pataugeait dans une boue épaisse, haute de presque trente centimètres, chaque pas était un effort, mais son regard restait sur cette lumière bleu. Il fallait l'atteindre, il fallait.Alors il marchait, ne se rendant pas compte que la boue montait, dépassait ses genoux, puis lui arrivait mis-cuisse. Il ne baissa les yeux que quand un craquement se fit sentir sous son pied.
Plus proche, la boue révélait une particularité : sa couleur rouge sanglante.
Il fronça les sourcils et reprit sa marche, toujours accompagné de ces craquements... Ils le suivirent sur presque trois mètres avant qu'il ne baisse à nouveaux les yeux, cette fois sur une eau limpide, et que son estomac se torde. Là, au fond de l'eau. Le corps de Dimitri, le regard, vide, amputé de ses deux oreilles. Et sur ses lèvres le rictus de Baba Yaga...
Doucement une voix s'éleva, mélodieuse, mais si méprisable, si sale, la voix de...

Airat rouvrit les yeux, hagard, relevant la tête d'une coup. Il n'avait aucun idée d'où il était...Ha oui...Une table, Prokhorenko....Polis....Le rendez-vous....
Le colporteur se redressa, portant une main à sa tête douloureuse. Il avait eu la bonne idée de se glisser dans un coin sombre, une table à l’écart, poussée contre un mur. Depuis combien de temps dormait il ?....Aucune idée. Il était arrivé, avait fait un tour par le bar (une empilade de caisses de vin) trop éclairé à son goût, avec ses deux grand spots au dessus de la tête, puis était directement partie dans son coin, comme l'aurait fait un gamin associable de 10 ans...Lui il y a 17 ans. Décidément, il régressait d'heure en heure ici.

Et pour continuer sur la gaminerie, si Prokhorenko pouvait ramener ses petites fesses musclés de militaire dans quelques minutes...

Alexandre Prokhorenko
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Alexandre Prokhorenko
Lieutenant-instructeur, chef de section du Bastion Vympel
Sam 24 Mar - 17:14

Passeport
Age :: 32
Patronyme :: Nikitovitch
Surnom :: Stena
Alexandre était à des années lumières de s’imaginer la noirceur du ressentiment que nourrissait le colporteur à son égard. Parangon de la caste guerrière, il l’était. Sa vie appartenait à Polis, il se mettait en danger pour que d’autres puissent fonder une famille, pour que des scientifiques dissipent les nuages radioactifs et l’hivers nucléaire qui empoisonnaient la surface de la planète. Dans une relative sécurité. A l’abris des prédateurs que l’hubris des hommes, dans leur course au pouvoir, s’étaient créés de toutes pièces. Le monstre du docteur Frankenstein, la planète des singes et toutes les dystopies anti-transhumanistes développées dans la culture populaire des deux derniers siècles n’avaient rien à envier à la réalité. Et sans que les ciseaux génétiques n’aient eu besoin d’opérer.
Devant lui, un Rouge, un adversaire de faction qui n’était ni fondamentalement bon, ni fondamentalement mauvais. Un être humain, un homme abîmé. Coriace. Dmitri Petrovitch était mort mais Airat Ivanovitch était vivant. Un soldat mort pour rien. Une perte pour la ville-lumière et pour l’humanité entière.

Hey, reviens. Décidemment, le banni de Polis avait du mal à focaliser. Toutefois, il accusa réception des consignes délivrées par le lieutenant, et celui-ci l’observa un long moment, en proie à la perplexité. Pas plus que les premières fois, Alexandre ne réagissait aux provocations d’Airat. Pour plusieurs raisons : les mots du jeune homme ne l’atteignaient pas et il devait maintenir une attitude casuelle pour les soldats qui les observaient au loin. Ensuite, la marrée montante qu’il voyait s’approcher du point de contrôle commençait à accaparer toute son attention.

« Toi aussi, » répondit-il presque machinalement, captant l’attitude bougonne du colporteur, avant de perdre un dernier regard sur le visage taché au moment où celui-ci lui livrait un clin d’œil. Alexandre pesta un bref soupir en guise de rire et secoua lentement la tête, un sourire crâne à la commissure des lèvres. Puis le sérieux retomba sur ses traits comme une chape de plomb. Il l’observa battre en retraite tout en surveillant l’arrivée des gitans.

*

Le sergent-chef Dezhnyova vint à sa rencontre, tentant d’évaluer le nombre de voyageurs à la masse d’ombres, sombre, qui grossissait dans le grand tunnel. Mais son objectif était tout autre, et elle se posta devant lui, le coinçant avant qu’il n’ait pu rejoindre les premières lignes.
« Sanya, » l’interpela-t-elle, tout bas.
« Pas maintenant, » gronda-t-il sympathiquement en cherchant à la contourner. C’était sans compter la ténacité de la jeune femme, l’une des qualités qui avait convaincu Prokhorenko.
« C’était lui, n’est-ce pas, » s’empressa-t-elle d’enchainer, tout en marchant à reculons et sans le quitter les yeux. Le lieutenant avançait sur le sergent sans paraitre se formaliser, et tous deux dansaient un étrange tango, en ligne droite. Il répondit d’un haussement de sourcils, déportant son regard héliodore au-dessus de la tête inquisitrice. Elle devait tendre la nuque en arrière pour lui parler.
« Ce type, Sanya, c’est des ennuis, tout Vympel le sait. » Elle avait fini par pivoter pour le flanquer, épaule contre biceps, les canons de leurs AKS-74 et 74U formaient un parallèle parfait. Avant qu’ils n’atteignent les premières lignes, Prokhorenko la dépassa d’un pas et opéra une brusque volteface. Elle manqua de peu de lui rentrer dedans.
« Dites-moi sergent, combien ça fait de temps que vous êtes avec nous déjà ? » Il s’était exprimé à voix haute, distinctement, son timbre dangereusement suave. Elle cilla et secoua brièvement la tête.
« Quatre ans, lieutenant, et je ne vois pas le rapport », répondit-elle, un brin agacée. Les premiers forains sortaient enfin du tunnel.
Il la fixait maintenant en continu, lui montrant qu’elle avait obtenue toute son attention. Du bout des doigts, il lui pressa la clavicule et maintint le contact, comme pour établir une double communication.
« Quand tu t’es pointée pour la sélection, Oksie, les gars étaient unanimes », commença-t-il, le ton de sa voix, sec et mélodieux à la fois. « Toi et ta paire de nibards, vous alliez foutre la merdre dans la Vympel. » Une lueur d’agressivité sans joie passa dans ses yeux, et une mimique animale apparut au coin de sa bouche tandis qu’il s’exprimait. Il secoua la tête, l’air désolé. « Je suppose que tu ne vas pas remettre mon jugement professionnel en question, maintenant. Ou alors t’es en train de me dire que j’aurais dû décider de ton recrutement en fonction de ce que tout le bastion pensait ? »
Elle ouvrit la bouche sans qu’aucun son n’en sorte et finit par se racler la gorge, pour formuler un Okay, silencieux et outrancièrement articulé. Il lui tapota gentiment la clavicule et opina du chef à plusieurs reprises, comme si leur conversation venait de s’achever par télépathie.
Il le paierait très cher, mais plus tard.
« On a du boulot, Sergent. »
Ils rejoignirent les autres soldats.

*

Huit heures et une trentaine de kilomètres parcourus plus tard, Alexandre déboulait à l’entrée de la seconde station Volkhonka. Ici, l’espace était réduit, carbone et étouffant. La dominante architecturale consistait en un empilement de baraquements composites, enchevêtrés dans une rationalisation de l’espace qui rappelait l’époque communiste. Les volumes hétérogènes des commerces et des habitations semblaient tenir en place au mépris des lois de la gravité, prêts à s’écrouler à tout moment. Les fils électriques croisaient les fils à linge en formant des pelotes noires à toutes les altitudes possibles. L’endroit était un véritable souk. Et c’était aussi pourquoi d’aucuns appréciaient se fondre dans l’anonymat du bordel organisé. Sauf sa taille et son envergure, Alexandre aurait pu y passer inaperçu, avec son parka de chasse bistre dont le col, brun, était remonté jusqu’au nez. Mais il avait l’air d’un ksatriya même lorsqu’il était en civil, sa carrure et la manière assurée avec laquelle il se déplaçait, véloce jusque dans l’épuisement, le trahissaient.

Le patio couvert du Gusli était plein à craquer. Alexandre y reconnut quelques visages familiers, des aquaintances d’affaires dans les services de l’information. Mais personne ne viendrait ouvertement à sa rencontre et il pouvait se dispenser de toute forme d’étiquette. Ici, le protocole était l’absence de protocole. Le gestionnaire était installé dans un coin, tel un client lambda, rédigeant une missive. Un échange de coup d’œil eu lieu entre eux en guise de salut et ce fut tout. Le lieutenant avait repéré le colporteur, l’air hagard, avachi sur un haut tonneau en guise de table. Il força un passage entre les tabourets occupés et les caisses de marchandises, tout en dézippant le col montant qui lui masquait alors la moitié du visage. Le large capuchon rabattu, quasi monacal, n’était pas suffisamment grand pour lui couvrir la moitié des épaules.

Il annonça sa présence en un raclement de gorge, au milieu du brouhaha des conversations casuelles et des bruits de couverts. Non loin, un groupe d’hommes trinquaient avec des choppes emplies d’un alcool blond et mousseux. Bière locale à base de de lédon des marais et d’un mélange de tubercules, tous les ingrédients provenaient des cultures métroïdes, annonçait le tableau noir accroché au comptoir. Alexandre se pencha et prit appui des deux mains sur le chanfrein de la barrique, arborant une expression amène. Les constellations de préoccupations qui éclairaient chaque instant de sa vie consciente étaient figées dans le fond noir de son esprit.

« T’as faim… soif ? » demanda-t-il de but en blanc, la voix enrouée d’avoir passé les vingt dernières heures de son service à gueuler. Les traits creusés du colporteur valaient pour toute explication. « Je peux embarquer un truc en montant, ça n’est pas mauvais ici, » précisa-t-il aussitôt, lui annonçant par la même occasion qu’ils ne restaient pas en terrasse.
L’intention de prendre sa réponse au vol, il se redressait déjà, l’intimant à le suivre d’un regard le plus neutre possible. En dépit de la bienveillance et de la décontraction affichée, Alexandre était sur le qui-vive, quelque chose ne tournait vraiment pas rond chez Ivanovich. Jusqu’à lui faire soupçonner, l’espace d’un bref instant, un traquenard commandité. Heureusement, bien qu’à son insu, la pire atteinte à l’intégrité du soldat ambitionnée par le colporteur se résumait à un crachat en pleine face.

L’accès au compartiment qu’il louait se faisait par l’intérieur, en empruntant un escalier jusqu’au deuxième étage au-dessus du niveau du patio. Un système de communication par valves et conduits tenait lieu de télégraphe local, intranet de fortune, entre les cabines et le bureau de gestion. Alexandre appréciait l’organisation et la discrétion de l’établissement. Ce n’est qu’à regret qu’il devra changer d’endroit. Il ne gardait jamais bien longtemps une même planque, pour des raisons évidentes. Ses refuges éphémères étaient des coffres-forts mobiles, des retraites où gérer des problèmes qu’il ne pouvait décemment pas traiter aux quartiers généraux de sa caste, à la station d’Arbatskaïa, la petite Versailles. Informateurs, sources, agitateurs politiques. Surveillance informelle. La plus grande faiblesse de Polis la ville lumière était endogène, et l’ennemi intérieur, fait de guerres intestines. Le leïtenant n’avait jamais exprimé d’opinions politiques marquées et s’était jusqu’alors comporté en modérateur, lorsque les discussions animées s’élevaient dangereusement, jusqu’aux prémices du coup d’Etat. Loin d’ignorer le problème, il en était le témoin silencieux. Il écoutait les différents partis sans manifester de penchant. Une prise de position de sa part ne pouvait qu’envenimer les choses en radicalisant les plus réactionnaires, et c’était exactement ce pourquoi il restait en retrait.

Le mobilier de la cabine, confinée, consistait en un casier mural, un sofa défoncé, une table basse qui servait aussi probablement de bureau, et un coin relié aux canalisations derrière un paravent de bois sculpté. Déchets civilisationnels tenant lieu de luxe. Alexandre déverrouilla la porte et l’invita à entrer le premier, en une brève inclinaison de la tête, l'air marmoréen si ce n'était l'iridescence de ses prunelles d'ambre.
Airat Ivanov
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Airat Ivanov
Colporteur
Dim 25 Mar - 16:01

Passeport
Age :: 27 ans
Patronyme :: Ivanovitch
Surnom :: Rat

 A irat allait ressombrer dans les méandre d'un speudo sommeil plus dévastateur qu'autre chose quand Prokhorenko eu la bonne idée d'arriver en se raclant la gorge. Pour le coup, l'homme  de la Ligne lui en était reconnaissant. Il ne se sentait plus capable de supporter un autre de ces enfers oniriques. Celui là était doux comparé à ce que lui avait parfois réservé Baba Yaga. La légende avait puisé dans ce qu'il avait vécu de plus marquant. Bon ou mauvais elle prenait tout. Et si la moindre chose pouvait réchauffer le cœur d'Airat, elle le tournait en cauchemars. Tout y était passé, de l'anniversaire de ses 9 ans, à ses premiers ébats avec Dimitri.
Maintenant qu'il y pensait...Alex aussi avait fait parti de cette machine infernal.

« -Rat, grouille ! 

«-Pourquoi je te suis ! Mais pourquoi je te suis ! »

L'adolescent monta les marches du métro rapidement, pour rejoindre le militaire qui l'attendait en haut du couloir menant à une autre salle de Polis. Dès qu'il fut assez proche, Dimitri posa une main sur sa nuque, le seul geste qu'il pouvait maintenant s'autoriser, avec les soupçons qui commençait à peser sur...Lui. Airat lui s'en sortait. Il traînait beaucoup avec Irina, ou restait coincé dans sa chambre à lire les ouvrages que lui rapportait ça, personne n'avait fait le lien entre Dimitri et lui.

« -Fais pas ça. »

Lâcha il en dégageant la main du châtain d'un revers de la main. Il accéléra le pas, se mettant hors de portée des bras du jeune homme, provoquant un froncement de sourcil. Le soldat s'approcha, semblant le poursuivre alors qu'Airat zizaguait entre les gens de Polis pour rester le plus loin possible.

« -Mais putain Rat ! »

Finalement il mit la main sur le garçon, l'attrapant par les cheveux. Le future lâche une mélasse d'insulte contre son « ami particulier » en saisissant son poignet, lui enfonçant ses ongles dans la peau. Dimitri le laissa avec un rire amusé sous les regard furieux du plus jeune.

« -Mais t'as aucune limite ! »

L'homme s'excusa d'un sourire, reprenant sa marche après avoir envoyé un petit coup de coude à Airait.

« - Y'aura qui ? 

«-Aleksei, Vassily, et Alex. Bon, lui c'est mon supérieure, donc évite de me le foutre en rogne hein ! »

L'adolescent leva les yeux au ciel en entendant le soldat rire de sa speudo plaisanterie. Des fois il se demandait ce qu'il trouvait à ce grand con. Et puis ensuite il se lançait dans une liste effréné de toutes les qualités de cette homme. Et il se maudissait d'être aussi guimauve. On lui avait appris à peser le pour et le contre, et il y avait bien plus de raison de quitter Dimitri que de rester. Mais le cœur avait ses raisons que la raison ignore. La raison, et Airat.

« -Comme si j'avais que ça à... 
-Hey ! Dimiv ! »

Le plus vieux tourna la tête vers un groupe d'hommes, l'un deux la main levé. Il ne répondit pas, se content de lancer un grand sourire à ceux qu'il considérait comme des frères d'armes. Eux, il était à peu près sûr qu'ils ne lui planterait pas un couteau entre les omoplates. Le militaire s'avança vers eux d'un pas rapide, ne laissant pas le temps à Airat de parler, juste de le suivre docile.

« -Salut les gars. »

Le plus jeune du groupe resta en retrait, regardant son « ami » serrait de grandes mains couvertes de  petites cicatrices, distribuer des accolades. Ils discutèrent un instant, avant que Dimitri ne fasse les présentations.

« -...Et Alex Nikitovitch Prokhorenko, notre caporal bien-aimé , les gars, approuvez si vous voulez la promotion ! »

Le garçon rit distraitement en tendant une main à l'homme qui surplombait tout le monde d'une bonne tête, avant de se stoppait. Le regard de Prokhorenko. Airat déglutie en sentant qu'on le scrutait, qu'on cherchait quelque chose. Pendant un instant, la possibilité que cet homme soit au courant le fit trembler, avant qu'il ne se reprenne. Non, c'était le même regard que celui de sa mère. Un regard paré à toutes éventualité, là pour assuré la vie du propriétaire de ces yeux scrutateur. Et en dehors de ses yeux, le caporal n'avait rien de glaçant. Il laissant un sourire lumineux au plus jeune, comme si sourire comme des idiots étaient la marque des soldats de Polis.
Mais les mots qui sortir de sa bouche firent désenchanter l'adolescent.

« -Donc c'est à cause de lui que tu es mort Dimitri ?
-Ouais ! Halala...Et dire qu'en restant avec une fille je serrais encore en vie...J'aurais peut-être même une famille ! »


Le cauchemard avait continué comme ça, mais le colporteur ne préférait pas y penser. Il leva sur L'homme un regard endormis, mettant plusieurs minutes à capter ce qu'il disait. Les lèvres du lieutenant bougeait, mais aux oreilles d'Airait il n'en sortait qu'une bouillit difforme.

« -J-je...Nan, rien, j'ai pas faim... »

Marmonna il, encore dans les vapes. Il se leva difficilement, se mangeant au passage le comptoir dans l'épaule dans un grognement de douleur, et suivit Prokhorenko, retenant comme il pouvait le chemin. On ne savait jamais, peut-être qu'il aurait à le faire en sens inverse, et à toutes jambes. Peut-être que tous ça était un énorme piège. Il n'en savait rien, son corps ne fonctionnait plus.

La seule chose qui réussit à remettre ses neurones en branle fut le sofa dans un coin de la planque du lieutenant. Il était en piètre état, mais il était. Et les 60 Kilos d'Airat n'auraient pas raison de lui. Il se dirigea mécaniquement jusqu'à lui, se laissant y tomber sur le ventre avec un soupire.

« -Le sommeil est un amour perdu... »

Marmonna il. Pour le coup, son amour était vraiment perdu, du moins pas temps que Baba Yaga ne lui aurait lâché les basckets.
Il ferma les yeux, sa respiration se calmant lentement.

« -J't'écoute hein. Mais j'suis canapé-sexuel. »

Dit-il avait un petit sourire. Ca faisait plaisir d'enfin pourvoir parler librement.


Alexandre Prokhorenko
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Alexandre Prokhorenko
Lieutenant-instructeur, chef de section du Bastion Vympel
Jeu 29 Mar - 17:40

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Surnom :: Stena
L’état du colporteur avait empiré depuis le début d’après-midi et Alexandre remarqua les coups d’œil discrets, méfiants ou plein de mépris, que la faune locale leur jetait. La souffrance et la maladie devaient faire profil bas, les citoyens de Polis n’aimaient pas que la fragilité de leur existence leur soit rappelée en pleine face. Le principe avait cours à Volkhonka II comme partout ailleurs dans l’orbe de Polis. Le gérant n’était plus à sa table, les ayant précédés à l’intérieur. Le cadran de l’établissement indiquait 10 :20 PM. Airat suivait Alexandre comme une ombre inconsciente, lui emboitant le pas dans une démarche trainante qui avait quelque chose de mécanique.

Alors qu’ils empruntaient les escaliers, le proprio sortit de la réserve et tendit une bouteille au travers des barreaux. « On dirait qu’y’en a besoin, » remarqua-t-il, caustique. Alexandre s’était immobilisé sans préavis, et qu’Airat ne lui soit pas tout bonnement rentré dedans avait tenu du miracle. « Merci, prof, » accepta-t-il, inclinant vers lui un visage amène. Les marches craquèrent sous son poids tandis qu’il fléchissait ses jambes musculeuses pour happer la bouteille. Tlegen Kystaubai était le bouilleur de cru qui avait commis le crime d’enseigner à Prokhorenko l’art de la distillation. Ici, tout le monde s’accordait pour l’appeler ‘le Kazakh’, par sa nationalité d’origine et pour son mode de vie. Le sexagénaire n’étalait pas ses richesses et l’évaluation des avantages que lui rapportait le troc de ses breuvages n’était pas une science exacte. Le troc primait de moins en moins sur l’économie de marché, émulée par les munitions. Le système métroïde était beaucoup plus proche du capitalisme que la population n’aurait voulu se l’avouer, la haine de l’occident étant une pratique culturelle endémique.

Il enjamba les marches trois à trois, seul moyen de ne pas s’y prendre les pieds. Les planches n’étaient pas large, et les trois-quarts de sa semelle reposaient dans le vide s’il touchait l’angle avec la coque renforcée de son godillot. En arrière routine, ses alertes étaient en mode veille, tandis que de vieux souvenirs se frayaient un chemin à la surface de sa conscience. Le sentiment d’inachevé et d’inclassé qui accompagnait le phénomène lui était désagréable. Les lieux étaient irrémédiablement associés avec les informations glanées sur le Conseil, les courants antagonistes et les alliances éphémères pour la conservation ou la prise du pouvoir. Une plongée en abysses marines, dans le regard insondable d’Akilina Ivanova, passant maints paliers de pressurisation avant d’avoir pu atteindre le fond des intentions de cette femme. Elle était la mère du banni, Alexandre le savait pertinemment. A ce souvenir se superposait la rencontre de son fils, rapatrié une nuit de permission qu’il passait avec ses frères ksatriyas. Dmitri s’était montré nerveux tout au long de la soirée, peut importaient les activités, et Stena était resté suffisamment sobre pour guetter les nombreux relâchements de vigilance qui s’accroissaient avec l’ivresse chez les autres. Pourtant, il n’en aurait pas eu besoin. Car dès le moment ou le rais de ses prunelles d’ambre s’était fossilisé dans le bleu céruléen de l’adolescent, il avait su. C’était quelque chose qui lui était impossible à expliquer. Une sorte de radar doublé d’un baromètre à problèmes.

Aussi, les comportements du soldat Volonski s’étaient dévoilés à son analyse sans angle mort. Ce qui n’avait pas empêché l’assassinat de ce dernier. Blond et sombre, un regard amical et douloureux, souvent réservé lorsqu’il devait s’adresser à lui ou répondre à l’une de ses requêtes. Il ne se mêlait pas souvent aux rituels primitifs que les ksatriyas menaient entre eux et évitait avec une furtivité des plus impressionnantes, les bizutages et les rassemblements initiatiques. Il était pourtant l’un des fidèles aux séances de randoris qu’organisait Prokhorenko, après les cours de techniques de combats obligatoires. Doué et intuitif, ses coups percussifs et ses projections fulgurantes en avaient latté plus d’uns. Il lui suffisait d’observer un mouvement pour le reproduire et le passer dans l’échange à pleine vitesse.
Mais ce soir-là, Alexandre n’avait pas été le seul à remarquer quelque chose, et si nul des ksatriyas présents n’était responsable des rumeurs, un air vicié de défiance allait sournoisement s’infiltrer dans les chambrées claniques. L’engueulade monumentale que le caporal abattit sur ses frères au point culminant du scandale calma le jeu un bon moment. C’était du moins ce que tous avaient pensé. Pourtant, lorsque Dmitri manqua à l’appel en retour de permission, quelques semaines plus tard, un nœud ferrugineux se forma dans l’estomac d’Alexandre, et accompagné de Vassily, de Ranvir et d’Oksana, il se mit à sa recherche. Puis il le trouva.

Le film s’était déroulé jusqu’à ce que la pellicule claque derrière ses rétines, et il eut un instant d’absence en regardant passer Airat dans l’encadrement de la porte. L'air marmoréen si ce n'était l’iridescence de ses prunelles d'ambre. Avant d’entrer à son tour, il était resté un instant contre le chambranle, saisi devant l’état de fatigue extrême du colporteur. Celui-ci s’était à peine délivré de son sac à dos avant de s’étaler de tout son long sur le sofa, la hanse encore accrochée au creux du coude. Alexandre s’était machinalement frotté la mâchoire en l’observant, un mauvais pressentiment se formait de nouveau, tel une bille de fer dans ses entrailles. Il est en danger, comprit-il intimement, la nature de l’intuition, imbitable.

La sémantique des premiers marmonnements du colporteur le laissa pantois. Il referma la porte derrière lui, s’avança au milieu de la cabine pour déposer la bouteille sur la large table basse avant de se débarrasser de son anorak en quelques secousses d’épaule. Le teeshirt qu’il portait était d’un vert délavé, devenu véronèse, collant aux reliefs de sa musculature en une seconde peau, comme la plupart des vêtements à sa disposition. Sous l’éclairage blanc, ses prunelles ambrées paraissaient en absorber le spectre, prenant une tonalité viride. Il balança sa veste sur le dossier de l’unique chaise et dut tout rattraper in extremis, le support trop mince se renversant sous le poids et le volume du vêtement. Se délestant ensuite de sa ceinture tactique, il répondit distraitement : « Tu veux dire philo-sofa, non ? » Il s’immobilisa soudain, sa lourde ceinture d’arme en main, faisant mine de réfléchir à ce qu’il venait de dire, un air d’autosatisfaction surfait flottant sur ses traits de fine brute. Puis il se mordit la lèvre inférieure, la faisant rouler sous ses dents jusqu’à libération, en hochant la tête à plusieurs reprises. « Elle était bonne, celle-là. Reconnais-le. » L’air on ne peut plus sérieux, il haussa les épaules avant de disparaître derrière les panneaux en bois. Paravent qui ne le masquait qu’en dessous des omoplates. Il réapparut aussitôt avec deux verres d’eau potable qu’il déposa à côté de la bouteille. Une enjambée avait suffi à le ramener près du canapé.

D ’un coup de main leste, il bazarda les jambes du colporteur hors de la banquette, de manière à pouvoir s’assoir. Le sofa grinça et la gravité s’effondra dès qu’il renfonça sa titanesque corpulence contre le dossier, aspirant tous les corps solides vers l’irrésistible attraction de sa massivité. La ceinture était étalée sur le bras du sofa, Marakov sagement rangé dans le holster, et le tout n’échappait pas non plus au tangage provoqué par sa présence.  
« Si tu me montrais plutôt ce que t’as pour moi, et ce que tu attends en échange, » balança-t-il calmement, envoyant le coude par-dessus le dossier matelassé dans une occupation de l’espace hautement territoriale. Il l’observait en contre bas, l’air flegmatique d’un grand félin alangui, et son regard héliodore se fixa, prêt à attraper celui du colporteur au tournant.
Airat Ivanov
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Airat Ivanov
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Sam 7 Avr - 2:42

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 Sans ouvrir ses yeux bleu et veinés de sang, Airat haussa un sourcil sous la plaisanterie. Et merde. Ils étaient entre minables de l'humour. Z'étaient pas bien. M'enfin. Par réflexe, par l'envie de ne pas toujours chercher à piquer et à mordre, et pour une fois dans sa vie au moins caresser quelqu'un dans le sens du poil, il rit du bout des lèvres. Un ricanement qui exceptionnellement n'avait rien de sarcastique ou moqueur, et pouvait presque paraître amical. Autant qu'un type aussi méfiant que lui pouvait l'être avec un militaire de sa chère station maternelle. Et qui plus est, le supérieure de l'un des humains qu'il avait réussit à la plus aimer. Le cloporteur garder quand même dans un coin de sa tête que l'arme de Prokhorenko était largement à la portait d'une de ses mains, et que les mains en questions pouvaient elles aussi le tuer sans problèmes. Le plus petit se demanda un instant ce qu'il se passerait si il se redressait d'un coup, sous une pulsion d'adrénaline (la même qui lui avait permis de rester immobile pendant plusieurs heures alors que des putains de saloperies de merdes de nosalis lui grignotés sereinement les épaules) et attraper l'arme pour la plaquer sur la gorge du lieutenant. Et ce que si par chance il y arrivait, Prokhorenko le désarmerait, malgré le risque ?...Voir cette immense silhouette que rien semblait pouvoir abattre perdre le contrôle, à quel point cela pouvait-il être l'avant signe d'une mort prochaine ? Mais c'était violemment tentant.
Airat n'aura pas su dire pourquoi, mais ça l'était.
Ce devait être le cerveau qui déconnait avec la fatigue. Ou le besoin de vengeance et de destruction qui depuis un moment déjà brûlait silencieusement, sans laisser échapper un crépitement. Ou alors était-ce le besoin de pour une fois maîtriser les événements, d'assouvir un besoin de contrôle, même si c'était une fraction de seconde, même si c'était illusoire.

Comme pour lui rappeler qu'il ne faisait pas le poids, Prokhorenko dégagea ses jambes comme si elles n'étaient rien, et s'assit, faisant ployer le sofa sous son poid.

« -Okay Okay ! Elle était bonne, elle était géniale, orgasmique si tu veux ! Mais me noies pas dans les abîmes de ce sofa ! »

Lâcha-il, mis-las mi-amusé alors qu'il se sentait glisser vers le militaire.Il s'appuya contre le dossier,et ramena ses jambes sur celles du géant, les croisant avec arrogance, les yeux toujours fermés. Il était bien. Pendant quelques petites secondes, il pourrait croire revenir à l'époque où tout allait bien....Ou du moins, à l'époque où il n'avait pas encore conscience que les choses allaient mal.

« -Là ? Rien. J'ai rien. En faîtes je préfère fixer le prix tout de suite, et savoir si il y a des réseaux que je dois éviter. Si d'une manière ou d'une autre, t'es persona non gratachez certain fournisseur, qui serrait tentaient de me coller une balle entre les deux yeux si ils apprennent que je bosse pour toi. »

Et ça, je préfère demander pardon à ma mère que de te le dire, mais si je suis là, c'est aussi parce que tu connaissais Dimiti.

Pensa Airat en ouvrant les yeux, jettant un regard en totale décalage avec ses gestes et le sourire semblant complice sur ses lèvres. Un regard glaciale comme une lame, tranchant, et résumant parfaitement Airat. Méfiant, rempli de colère, couvert de haine, avec une terrible douleur, et une faiblesse immense.

« -Quel serait ton prix idéal ? »

Il avait posé cette question avec le même décalage entre voix et visage qui pouvait en déconcerter plus d'un. A voir si cela marchait aussi avec Prokhorenko.

Alexandre Prokhorenko
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Alexandre Prokhorenko
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Sam 7 Avr - 12:31

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L’appât était là, tentant et à portée de bras pour le plus suicidaire, ou moyennant un prétexte pour le plus téméraire. Lorsqu’un homme de la trempe de Prokhorenko vous observe d’un regard brouillé avec un air sibyllin sur la figure, vous n’essayez pas d’atteindre son arme, découverte ou non. Car cela le décevrait terriblement et la déception avait le pouvoir de le faire sortir du rang. Bien qu’il ne le sût pas encore à cet instant. Le colporteur lui avait paru dès l’abord infiniment nerveux, survolté. Une excitation nerveuse manifeste d’un débordement dopaminergique et adrénergique, dans une cervelle de civil prêt à commettre un meurtre. Avec le courage du désespoir, le support de la drogue, ou l’énergie noire de la faim. Et le colosse avait accepté de le rencontrer. Non pas qu’il tînt à ce point au suppresseur de son Marakov, mais parce qu’en tant que kshatriya loyal, Alexandre le devait à son frère assassiné.

Or, l’attitude trouble d’Airat Ivanovitch, humeurs et gestuelle rappelant une caisse de grenades au plâtre sortie des eaux, avait déclenchée toutes ses alarmes. Dans le lot de pétards mouillés, il en avait toujours un bon à exploser. Aussi, et avec toute la sympathie qu’il était capable d’éprouver pour le boyfriend du feu Ryadovoï Volkonski, Alexandre n’oubliait pas un seul instant que son invité était un jeune homme aliéné par la douleur et le rejet. En tant que tel, Airat était instable et dangereux, impression viscérale que ne venait pas apaiser la teneur des regards dérangés qu’il lui portait, ni l’intonation sombrement suave avec laquelle il s’exprimait.

Si le colporteur s’était emparé de l’arme, et à compter que le kshatriya ait seulement poussé la curiosité jusqu’à le lui permettre, l’entrevue aurait été terminée. S’il l’avait pris en joue avec le canon du pistolet, Prokhorenko l’aurait désarmé en un instant, lui pétant le pouce dans le procès. La confiance mutuelle était une denrée mince, et les fortifications, fragiles à la base, nécessitaient le liant de la patience et du contrôle des impulsions, quelle que fût leur nature. Pendant ce temps, dans le monde des apparences, un sourire flottait sur le visage du militaire, et il dardait le Rouge d’un regard magnétique, effroyablement décontracté dans sa banquette défoncée. Il ne perdit qu’un soupir nasal en guise de rire lorsque son invité se réinstalla allègrement, jambes par-dessus ses cuisses massives. Amusé, il jeta un rapide coup d’œil sur la mise du jeune homme avant de reporter sa focale ambrée dans les prunelles givrées. Son corps n’avait pas même accusé un soubresaut de surprise. Garder l’ennemi proche, et choisir la proximité dans laquelle il était prêt à se compromettre, c’était exactement ce qu’Airat Ivanov venait de faire, ses jambes tenant lieu de point de contact et de garde-fou. Tout cela, Alexandre le percevait à des niveaux routiniers et instinctifs.

Il l’écouta poser ses conditions et faire part de ses demandes en le fixant d’un air magnanime, à la fois attentif et évanescent, avant de baisser les yeux dans un moment de réflexion, prunelles mordorées se voilant de longs cils noirs. Il s’humecta les lèvres, en mordilla longuement le charnu inférieur et termina par porter la main droite à sa figure, frottant machinalement la ligne de sa mâchoire carrée. Le moindre de ses mouvements activait les rouages de sa musculature avec une indécence menaçante et ses intentions demeuraient illisibles, pour lui-même également.
Ainsi, Airait ne serait pas en possession de l’objet et devait tirer ses propres ficelles. Ça, ou alors, il lui mentait. Il haussa les épaules sans retirer son bras gauche du dossier, sa main noueuse à portée de la tête du jeune homme, et répondit d’un air détaché, sur fond d’embarras lointain. « Evite les types qui fournissent l’Union des patriotes. Evite aussi les Mkhedrioni, les frères tchétchènes, et les mecs qui approvisionnent les anciens du FSB. » Des prorévolutionnaires qui avaient un intérêt certain à ce qu’éclate ouvertement le conflit de castes et à l’affaiblissement de Polis. Ces groupuscules étaient dans le collimateur du lieutenant qui, aux yeux desquels, passait jusqu’à présent pour un conservateur modéré. De son coté, Alexandre avait tout intérêt à ce que cela ne change pas. Il appuya son propos d’un hochement de tête, et reporta le rai iridescent de son regard dans les yeux d’Airat, balayant au passage la strie blanche qui lui entaillait la lèvre supérieure.

Le colporteur n’avait pas besoin de connaitre les détails, mais seulement d’être en possession des bonnes informations. Alexandre marqua une pause avant de se lancer dans les négociations. Un instant de réminiscences durant lequel son regard se troubla, perdu dans un abysse de considérations difficiles. Il prit une brève inspiration et secoua la tête, les traits de son visage forcissant soudain d’un sérieux religieux, départis de tout faux semblants. « Airat, je peux trouver ce fils de pute, » assena-t-il d’un soudain, le timbre de sa voix, grave et retentissant avec vibrance dans la cabine. Il n’était plus même question d’un prix ou d’une négociation d’affaires. Kopt1 était un bon payeur et ses points de réputation sur le réseau crevaient les plafonds. Non, ce dont il était véritablement question était de mettre un terme à l’errance et au désœuvrement du jeune homme, de tarir la haine qu’il vouait en aveugle à ses frères. Inébranlable, il porta le dernier coup, l’air terrible. « Car je te garantis que tu te plantes d’ennemi. » Son regard étincelait sous ses sourcils froncés de concentration, prêt à essuyer une réaction violente et cathartique de la part d’Airat, si proche en cet instant, et tout aussi imprévisible.
Airat Ivanov
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Airat Ivanov
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Sam 7 Avr - 17:27

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 Il avait était sage. Airat s'était bien tenu, il n'avait pas bronché en sentant sous ses jambes les muscles du soldats un instant se tendre pendant sa réflexion, puis revenir à leur état serein de béton charnel. Il avait écouté les ordres de Prokhorenko, avait acquiescé d'un signe de tête et d'un « Okay ». Chaque nom était gravait dans sa mémoire le temps de son contrat, il avait déjà commencé à réfléchir aux possibilités restantes, son projet de meurtre lui était passé. il avait tout fait comme il fallait.
Malgré ça, Prokhorenko n'avait pas respecté ce qui avait semblait aux yeux d'Airat un accord tacite. Dimitri ne devait être que dans leurs silence.s Il n'avait pas besoin d'y faire référence, pas à voix haute, encore moins aussi subitement, aussi violemment.
La voix du militaire lui avait fait l'effet d'un effondrement, d'un cataclysme. Il n'avait d'abord pas compris, puis avait senti la première vague de colère. De quoi ce mêlait-il ? Et ce qu'il pensait vraiment qu'on pouvait payer avec une vengeance, avec la vie de quelqu'un ? Et la deuxième phrase avait finit d'achever le colporteur. L'envie d'égorger le lieutenant était de retour, mais bien plus violente, et cette fois mue par le désir de détruire, de blesser, d'évacuer la douleur par n'importe quel moyen, de l'éparpiller autour de soi, mais pitié qu'elle sorte de ce corps.

Airat se maîtrisa un long temps, fermant les yeux, détendant comme il pouvait son corps, ne bougea pas d'un cheveux. Il fallait donner l'impression que cette phrase l'avait apaisé, si il voulait avoir une chance de porter un coup à Prokhorenko. Le colporteur respirait lentement, calmement, se préparant à attaquer, à se battre. Ce qu'il évitait depuis qu'il avait quitté Polis.

En une seconde il se redressa, envoyant son poing vers le torse de l'homme. Il avait trouvé une vitesse sortie de la colère, enfouit quelque part dans son corps, mais endormis depuis longtemps. Mais une vitesse insuffisante face à l’entraînement du militaire.  Une main se referma sur son poing, un avant-bras para un coup envoyait vers le ventre. Airat desserra les dents en se préparant à frapper une nouvelle fois hurlant tout ce qui lui passait par la tête.Tant pis si on les entendait, tant pis si un con se ramenait, tant pis si Prokhorenko le tué. A l'instant, il fallait juste frapper. Même si il voyait à peine flancher le soldat, même si une douleur se rependait dans ses poings.

« -Connard ! Vas te faire mettre putain ! On ne parle pas de lui ! Putain ! On ne parle pas de lui, c'était logique!Bordel! Vas crever ! Qu'est ce que tu sais de mes ennemis ! Fais pas comme si t'avait un début d'affection pour moi ! Tu veux juste ta merde de silencier ! Mais tu crois qu'il vaut un putain de morceau de métal!Pauvre type ! Pauvre merde ! Espèce de chien du conseil !»

Il allait loin, beaucoup trop loin, et la moitié des mots prononcés n'étaient pas pensés, mais rien à foutre, rien à battre ! Prokhorenko délaissa la défense pour l'attaque. Le géant le repoussa en arrière en essayant de planquer sa main contre les lèvres du colporteur. Le sofa suivi le mouvant. Airat  se redressa et faisant glisser son sac de ses épaules pour l'envoya valdinguer dans le canapa éui bascula en arrière.
Puis il trébucha et se mangea la table en retombant au sol.

« -PUTAIN ! »

Par réflexe, le plus petit repoussa le meuble, se relevant aussi vite que possible. Le colporteur était hagard, perdu, l'arrière de sa tête lui faisait mal, tout son coude était secoué d'une douleur électrique. Et avait qu'il n'ai pu tenter de se relever, un coup était porté à ses jambes, le faisant partir en avant. On le saisit à l'épaule et le fit pivoter pour passer un bar autour en dessous de ses épaules, planquer une  main sur sa bouche, un autre bras au niveaux des coudes.
Dans son dos, Airat sentait le ventre du militaire, et la sensation d'étouffement autour de lui.
Tout ça, la lutte, la fatigue, la douleur firent remonter d'autres souvenirs, très différents. Ceux-là n'étaient pas sous le signe de la vengeance, mais sous celui de la honte et du silence. Le genre de mauvaise expérience qu'on tait, qu'on garde pour ça, encore plus en Russie, encore plus quand on est un homme.
Le colporteur serra les jambes, aussi bien au souvenir de la cicatrice à l’intérieure de sa cuisse, que par un réflexe vain de protection. Derrière lui ce n'était plus Prokhorenko, c'était une menace. Il tentait d'enfoncer ses ongles trop courts dans les cuisses du militaire, mais arrivait juste à commencer à s'arracher un ongle. Pendant une dizaines de secondes Airat se débit comme un fou, comme bien pire même, hurlant contre la paume de l'homme, envoyant des coups de pied, griffant, mordant. Tout ce qui comptait, c'était de se libérer de cette étreinte qui n'avait rien de rassurant.

Puis il s'arrêta d'un coup, ses jambes lâchant. Le colporteur ne restait debout que par le soldat qui le tenait encore, sa tête finissant par reposer contre le haut du bras le ballonnait. Il mordilla après un instant faiblement les doigts de Prokhorenko, comme pour dire « C'est bon, je vais me taire. T'as gagné. »

Alexandre Prokhorenko
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Alexandre Prokhorenko
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Dim 8 Avr - 13:29

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Le kit de déminage était branché depuis le départ. Ne restait plus qu’au kshatriya de choisir le moment de faire sauter le missile. Au niveau de l’instructeur Prokhorenko, ce n’était qu’un énième déclenchement de réaction en chaine visant à l’ouverture des viscères d’une jeune recrue. Mais le colporteur n’était pas une recrue, pas plus qu’il n’était jeune, mais un homme profondément blessé et mentalement dérangé. Quel métroïde ne l’était pas ? Certains moins que d’autres. Au plus tôt Airat explosait, au plus vite pourraient-ils passer aux choses sérieuses, avait-il estimé. Sauf que l’évaluation de la charge logée dans la poitrine de son invité laissait à désirer. Airat était plus abîmé encore que ce qu’il ne l’avait pensé. Erreur de calibrage. Ainsi, le colporteur explosa à retardement, et avec force violence.

La tension nerveuse qui traversa le jeune homme, telle une décharge d’électricité changea l’atmosphère au point qu’Alexandre le sentit avant de le voir, sur les traits soudain ombrageux en vis-à-vis. Sa main reposait toujours avec décontraction en haut du dossier, non loin du visage d’Airat. Aussi, lorsque partit la première tentative de frappe, le lieutenant, instructeur en combat rapproché, n’eut qu’à l’abattre en un mouvement fouetté. Un parage aussi sec que claquant sur le poignet de son cadet. Et il lui épargna le rebond du revers de son poing en pleine figure, la tête brune aux premières loges pour l’enchainement dynamique d’un tel mouvement. Premier avertissement.

Non content d’essuyer le cuisant d’un tel coup de fouet, le cadet revint à la charge, manifestement décidé à brûler le combustible de la haine et du désespoir jusqu’à la cendre. Les cales du sofa grincèrent et glissèrent sur le sol charbon de la cabine lorsque partit la seconde attaque, car Alexandre s’était vivement redressé cette fois, percutant le coté du poing d’Airat d’un coup de plat du coude, luminique, sans avoir ne serait-ce que relevé le bras. Son bassin, en réalité, avait déclenché le parage, dans une secousse de hanches vibratoire. Le meuble était acculé contre le mur et ne pourrait pas aller plus loin.

Ce n’était pas la première fois que l’instructeur subissait un pétage de plomb, et devait sécher un soldat déclenché en mode berserker. A la différence près que ceux-là ne le visaient pas expressément ni en personne. Le terrain, la mort, la gratuité de la violence par laquelle leurs frères avaient été fauchés sous leurs yeux, l’impuissance devant le carnage. L’implosion, la projection cathartique d’éjectas psychiques, lancés à bout de poings. Le besoin de détruire quelque chose comme avait été détruit leurs espoirs, leurs fondations. Mais face à lui, une haine personnelle, qui lui était destinée à la fois pour ce qu’il représentait, la caste militaire de Polis, et pour ce qu’il était. Un homme bon, bienveillant, qui avait eu suffisamment de couilles pour protéger un homosexuel. Une cible à la fois dangereuse et facile. Car le Rouge savait au fond de lui que Prokhorenko ne le tuerait pas, pas plus qu’il ne lui ferait mal.

Aussi, lorsqu’Airat se mit à cracher ses mots durs et injustifiés, tels les relents d’une engeance d’Ékhidna échappés des entrailles des enfers, Alexandre sentit sa patience et sa compréhension partir en fumée. L’espace d’un instant seulement, mais un instant déterminant qui allait mettre un terme au bordel inadmissible que foutait son invité. Avant qu’Airat n’ait pu laisser libre court à sa verve colorée, Alexandre avança sur lui et le poussa simplement d’un coup de paume de main sur le plexus. L’impulsion, qui sollicitait toute la chaine dorsale de sa musculature en partant de la hanche, fulgura, sèche et contrôlée. Et donc, puissante. Le colporteur perdit l'équilibre et tomba en arrière, bousculant la table basse dans le procès. La bouteille roula pour échouer sur le tapis, sans se briser. Les verres glissèrent jusqu’au rebord.

Il l’observa d’un regard sévère, déployé de toute sa stature et menaçant, priant pour que le jeune homme reste au sol et ne se relève pas, sinon penaudement. Qu’il comprenne que son quota de défoulement était dépassé. Mais ce n’était pas encore assez, le combustible noir brûlait toujours en lui, et il le vit se redresser d’un bond, sincèrement impressionné. Son regard iridescent était magnétisé à la silhouette d’Airat, car l’intention ne se lisait pas dans les yeux, mais sur la position de corps de l’adversaire. Il décela l’appui, la contraction et la détente, prévoyant instinctivement le coup de pied, lancé pour pousser brutalement, lancé pour le simple besoin de libérer une onde de choc dans la rencontre matérielle. Et Alexandre partit dans l’attaque, instantanément, frôlant la jambe projectile au moment où Airat frappait, dans un déplacement chassé. Il pivota contre lui et se retrouva derrière en un éclair, le ceinturant d’une étreinte implacable en le décollant du sol un bref instant, coup de bassin en prime. Ses bras se verrouillèrent avec force pression autour de ceux du jeune homme, sous les coudes et au niveau des biceps, sa main droite recouvrit la mâchoire blasphématrice. Il serrait, et la première phalange de son index recouvrait le nez de son captif, l’empêchant de respirer pour de bon. Un souffle sec s’échappa d’entre ses lèvres, à peine détachées, et son emprise se resserra plus encore, étouffante. Avec la bonne pression, il pourrait lui broyer la cage thoracique. Mais il se contentait de l’immobiliser, l’empêchant de se débattre tout en lui permettant d’évaporer ses dernières ressources d’énergie.

Vingt secondes à peine s’étaient écoulées depuis la première offensive. Prudemment, Alexandre inclina la poigne qu’il tenait au visage d’Airat, lui permettant de respirer par le nez. Il le sentait en reddition contre lui, soudain délassé après avoir tout donné. Du moins, l’espérait-il. Des pas, dans l’escalier. Quelqu’un frappa à la porte, Tlegen, probablement, à qui le raffut n’avait pu échapper.

« Tout va bien », annonça fermement le kshatriya, la voix portante. Il y eut un silence, et lui-même retint sa respiration, tenant toujours vigoureusement Airat contre lui. Enfin, il fit lentement glisser sa main sur la bouche prisonnière et inspira profondément, soulagé, d’entendre la voix de la raison parler au travers de son captif. Alors seulement, il donna du leste sans le libérer pour autant. Airat ne la lui ferait pas une seconde fois, décida-t-il, contrarié. Il se relaxa à son tour et pencha légèrement la tête, boa constricteur enroulé autour d’une proie et surveillant son état. « Je n’étais plus en train de te parler affaires, » déclara-t-il tout bas, le plus calmement possible, « mais j’ai reçu le message. »

La force de son étreinte diminua, ses bras se relâchèrent autour du buste du jeune homme, jusqu’à refermer les mains à ses poignets. De là, il lui intima de se retourner, exerçant une simple pression, et recula d’un demi pas pour recréer de l’espace entre eux. Lorsqu’Airat fut face à lui, il l’observa d’un regard concerné, l’air désolé sans que les rémanences de sévérité n’aient entièrement quitté ses traits. Il s’humecta les lèvres, conscient d’un goût ferreux inopiné : il avait dû se morde la langue dans l’action, comme un débutant. Le timbre de sa voix perdit une tierce lorsqu’il s’exprima à nouveau, et il s’enquit gravement :« Si je t’ai porté tort d’une manière ou d’une autre, j’en suis désolé. »  Il détourna les yeux.
Airat Ivanov
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Airat Ivanov
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Dim 8 Avr - 15:43

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 Le corps d'Airat n'avait pas réagit quand on avait frappé à la porte. Même pas une accélération cardiaque. D'ailleurs l'esprit non plus n'était pas très réceptif. C'était difficile à expliquer, mais s'être déchaîne contre Prokhorenko avait été...Libérateur.Un peu comme se passer la tête sous l'eau froide.  L'humain a fait mieux en matière de confort, mais au moins, on en sort généralement l'esprit un peu plus clair. Lui ne se sentait peut-être pas détendu, mais il avait l'impression que ses peurs, en étant ressortis c'étaient un moment éloignées. Il senti un instant le militaire bouger derrière lui, avant de l'entendre parler. A voix basse. Ça, le colporteur ne s'y était pas attendu, et la basse continue qu'il sentie vibrer dans son dos  lui arracha un sursaut. Ce ton presque...Réconfortant le dérangeait un peu...Il ramenait Prokhorenko à son statut d'humain, plus de militaire. Et Airat perdait un peu de la haine qu'il avait plus contre le grade que contre l'homme.

Il du se remettre sur ses jambes en sentant le militaire relâcher sa pression, ou il aurait finit par terre. C'était étrange cette impression de redécouvrir son corps...Comme si pendant un moment, il n'avait plus été à lui. Le plus petit suivit le mouvement que lui intimait le lieutenant, gardant son regard bas, comme un gamin prix en flagrant délit. C'était ce qu'il était. Maintenant il se sentait con d'avoir attaqué Prokhorenko, ça n'avait aucun sens d'avoir fait ça...Mais c'était le seul moyen qu'il avait trouvé pour se protéger.

Airat porta son point devant ses lèvres, étouffa un hoquet. Les excuses dissimulés de l'homme avait eu un peu plus d'effet que souhaité. Il n'était pas habitué à ce qu'on s'excuse lorsqu'on le blessait... Et ces simples mots l'avaient touchés plus que ne le voudrait la bienséante insensibilité viril.

«-Je...»

Il arrêta sa phrase pour grimacer en sentant une larme glisser sur sa joue. Avec un sanglot, le colporteur appuya son front contre le torse du militaire. Il gardait les yeux plissaient, essayant de retenir ses larmes traîtresses.

«-...Me renvoies pas sa mort en pleine gueule comme ça, je... Je peux pas faire face à tout ça en même temps, je peux pas revenir ici, te voir, et parler de lui...Et je peux pas...Je peux pas... »

Lâcha il, la voix entre-coupée par les poses nécessaire pour ne pas fondre en larmes. Il s'était juste penché en avant, laissant la distance de sécurité instauré par Prokhorenko. Lui au moins comprenait ce qui ne se disait pas...Contrairement à certain, qui était un brin trop sincère pour le mettre à l'aise. Ses traits se décrispèrent, alors qu'Airat soupirait. Il n'avait pas pleuré depuis...Longtemps. Parce que dans le métro, tu ne pouvais pas te permettre la plus petite faiblesse. Ses yeux se fermèrent calmement, sa respiration se calma, alors qu'il arrêtait de résister, laissant silencieusement les larmes courir.

«- Si ça avait rien à voir avec les affaires... Pourquoi tu ferais ça? Qu'est ce que tu y gagnerais?... Et juste pour indice, si tu veux réellement arrêter le « fils de pute » à l'origine de tout ça...J'vais commencer à me poser des questions sur ma grand-mère. »

Souffla il, le cynisme de ses derniers mots presque indiscernable. Est-ce que Prokhorenko s'était d'une manière ou d'une autre attaché à Dimitri? « Frères d'armes » ou quelque chose comme ça, qui ne parlait pas à Airat, mais allumait quand même un flambeau de jalousie...

Alexandre Prokhorenko
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Alexandre Prokhorenko
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Mar 10 Avr - 10:22

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Implosion, ignition et libération aveugle de l’énergie en rayon de Schwarzschild balayant tout sur son passage. Le kshatriya venait d’assister à un effondrement de cœur et faisait maintenant face aux rémanents de l’explosion. La détresse désamorcée pulsait faiblement devant lui, et il se sentit soudain impuissant, ne sachant que dire ni faire. Lorsqu’Airat se mit à trembler, tentant de contenir les secousses et les larmes, Alexandre eut un instant de panique et entrouvrit la bouche sans qu’aucun son n’en sorte. Il avait relevé les mains, survolant la carrure du colporteur dans un geste incertain, alors qu’il n’avait eu aucun mal à le ceinturer brusquement quelques secondes plutôt. La situation était différente. Mais l’embarras fut de courte durée et se dissipa lorsque le jeune homme s’appuya sobrement sur son plexus. Alors, et avec une hésitation maladroite, il referma les bras autour de ses épaules nerveuses, pour le ramener prudemment contre lui, gardant le silence.

Et il l’écouta vider son sac, redécouvrant l’importance du deuil. Tourner la page et survivre à la mort d’un être cher, survivre à l’amour. D’une certaine manière, il s’était montré insensible. L’enchainement de ses propos et de ses actions n’avait été que le résultat d’un calcul de rendement poussif, dans sa cervelle pragmatique de militaire instructeur. Andreï et Airat géraient chacun à leur façon, sans succès jusqu’à présent, la perte de leur raison de vivre. Alexandre s’en était toujours protégé, poursuivant ardemment les rares intimes qui le connaissaient trop bien pour se laisser entièrement captiver, en partie immunisés à son magnétisme et à son pouvoir de séduction, et qui savaient lui opposer avec jeu, une résistance inaltérable. Ainsi, sa raison de vivre l’était également. Il aimait ses frères, sa caste, Anna, Andreï, Oksana, Alekseï, Yuriy, sa famille étendue au sens large de Polis et jusqu’à l’humanité entière, et rien ni personne ne le lui enlèverait jamais. En retour, ses frères, sa caste et Polis lui permettaient de prouver chaque jour qu’il était digne de leur foi et de leur respect. Mais pas plus que le stalker ou le colporteur, le lieutenant n’était à l’abri de la dévastation Des frères pouvaient le trahir, comme ils trahissaient leur caste en gardant les secrets de brahmanes, peu scrupuleux, qui pourraient sauver les vies des stalkers. Sa caste pouvait le trahir, comme elle avait trahi le soldat Volonski. Il n’était pas prêt à le voir, tout comme il n’était pas prêt à bien d’autres choses.

Les larmes du Rouge traversaient la fine étoffe de son tee-shirt, tièdes sur sa peau brulante. Il l’enlaça plus fermement encore, d’un seul bras, longeant les dorsaux tendus jusqu’aux reins, tandis qu’il lui caressait doucement la nuque, insistant sur les tendons aussi durs que des câbles. Son regard était perdu dans une autre dimension, lointain en dépit de l’espace exigu. Les questions d’Airat retentissaient en canon sous son crâne, polyphoniques, et les harmoniques qui s’en échappaient lui révélaient les inquiétudes et les interrogations tues, abyssales, même pour lui. Il ferma les yeux et prit une profonde inspiration, le volume de son vaste pectoral soulevant la tête qui y reposait. Puis il rapatria sa main depuis la nuque brune jusqu’au visage humide, pour en brosser la pommette saillante, essuyant les larmes, tandis qu’il l’intimait à le regarder. Ses traits étaient froissés de contrariété, et ses sourcils froncés de désarroi au-dessus des prunelles d’ambre trouble. Il comprit ce que Dmitri avait trouvé, dans le bleu minéral en contre-bas, tandis qu’il passait le visage proche au rayon flou de son regard. A l’époque, Airat était un adolescent déconnecté des règles de leur civilisation, miraculeusement parvenu à vivre en dehors du joug, avec un charme d’invincibilité en poche. La beauté de la liberté, le trait de la rébellion qui lui rappelait Anna. Aujourd’hui encore, le déchu paraissait en décalage et en lutte perpétuelle contre l’ordre des choses. Inconsciemment, il poursuivit l’exploration de son visage avec le pouce, éprouvant la tâche lie-de-vin en une pression légère, et jusqu’au charnu de sa lèvre inférieure, pour s’arrêter sur la ligne de sa mâchoire. « Ce n’est pas de ta faute, tu n’es pas responsable, » feula-t-il tout bas, les mots s’étranglaient dans sa gorge. « Ou alors, nous le sommes tous. » Sa main redescendit lentement au cou du jeune homme, pour retrouver sa nuque dans un geste irréfléchi. Connaître l'identité du commanditaire était une chose, retrouver l'exécueur en était une autre.

« Quelqu’un a assassiné l’un de mes hommes, un frère », articula-t-il péniblement, en un souffle, « alors que j’avais ouvertement pris sa défense. Que l’affaire était bouclée. » Le timbre de sa voix n’était plus qu’un bas vrombissement. Il déglutit et s’humecta les lèvres à nouveau, soudain sèches sous l’afflux corticotrope. Une colère sourde, ancienne et calcifiée, qui reprenait vie. Pour Alexandre, Dmitri avait été la victime d’un crime de haine et il avait incinéré une partie de lui-même en même temps que son frère d’arme. « Il était un d’mes meilleurs… Il pouvait en envoyer sept au tapis. Il n’aurait jamais dû être seul dans ce… C’est… » C’était à la fois un affront personnel face à son autorité et un fratricide, une attaque préméditée par une ou plusieurs personnes qui avaient accès aux aménagements militaires d’Arbatskaïa, ou qui avaient obtenu les horaires de service et de permission du soldat. Un avertissement et un message pour tous, reçu loud and clear. Revenir sur le sujet lui coutait, il marqua une pause en rompant le contact pour se frotter la figure, ou se cacher. Il le délivra en même temps de son accolade pour se prendre littéralement la tête à deux mains et, poursuivant jusqu’aux omoplates, s’étira de toute sa stature avant de baisser les bras. Il était resté sur place et ne s’était pas éloigné d’une once, la chaleur entre leur corps, redoublée dans l’immédiate proximité.

« A l’époque, j’étais cerné. On m’a ordonné de regarder de l’autre côté et de laisser pisser. De coller à la version de l’enquête. Une faute, un manque de prudence de la part d’un militaire de caste. » Il perdit un rire mauvais, et un sourire résiduel éclaira ses traits d’une désillusion noire. « Ma carrière n’était pas seulement en jeu. C’était toute la différence que je pouvais faire, tout ce que je pouvais apporter… ça ou être dégagé, ou… » comme lui, assassiné ? Il secoua la tête, se passa une nouvelle fois la main sur la gueule, et enfonça subrepticement pouce et index dans ses orbites tout en ouvrant une grimace agressive, lui donnant un instant l’air carnassier. « Ça ne l’aurait pas ramené, pas plus que ça n’aurait fait avancer les choses. » Il renifla, les traits durcis de résolution lorsqu’il reporta le rais de son regard fossilisé dans le bleu rougis. « L’attention n’est plus braquée là-dessus, c’est enterré. Mais moi, j’n’ai pas oublié, et j’ai des moyens que je n’avais pas à l’époque. Des réseaux d’informations, de l’influence, un statut, le soutien inconditionnel de mon bataillon. » Il détourna les yeux, incertain et soudain anxieux, puis s’éloigna pour tourner comme un lion en cage, avant de se laisser tomber lestement sur le sofa. Il repositionna machinalement la ceinture tactique sur le bord du mobilier et se rehaussa, ne parvenant à trouver une position confortable.

Depuis son assise, il chercha le colporteur du regard, les yeux grands ouverts, fenêtre sur son âme lorsqu’il n’était pas capable de s’exprimer tout haut. Les limites de sa sincérité étaient atteintes avant qu’il ne se mette en danger. Avec hésitation, il tenta de rassurer le jeune homme, à moins qu’il ne tentât de se rassurer lui-même, ambigu. « Je n’suis pas… » Il secoua la tête et courba sa colossale carrure sous le poids de la confusion, en proie à l’indicible. Aucune formulation n’était acceptable pour son honnêteté. « J’n’ai jamais… » Non, décidemment, ses alarmes psychiques hurlaient dans un clignotement violent de lumières rouges. Au bord de l’exaspération, il finit par balancer, avec force soulagement et d’un ton ferme qui ne souffrirait aucune contradiction : « C’est par principe et par loyauté envers un frère. » Et dans le fond, c’était la pure et simple vérité. Il retrouva un calme de façade et insinua en baissant le ton, le timbre de sa voix rayé d’appréhension : « Alors ce suppresseur…, tu vois, il pourrait m’être utile. » Car depuis le temps, Alexandre avait retenu la leçon : mieux valait ne pas faire de bruit.
Airat Ivanov
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Airat Ivanov
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Sam 21 Avr - 3:34

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 Le colporteur sentit tomber lentement contre son dos le poids des bras du militaire. Deux membres en reliefs, beaucoup trop musclés pour être inoffensifs, pour lui inspirer confiance. En tout cas, c'est ce qu'il se disait il y a quelques minutes. Mais maintenant, même un coup de poing l'aurait réconforté. Peut-être que son esprit avait abattu les dernières barrière qu'il lui restait. Mais son corps lui, était crispé contre Prokhorenko. Ce n'était même plus de son fait, juste les marques d'une trop longue exposition  à la méfiance. Tout comme les stalkers qui étaient trop exposés aux radiations de la surface. Seulement, lui pouvait encore être soigné, ou plutôt, pouvait encore se soigner. Airat ne savait pas si il pouvait se laisser aller... Si le lieutenant avait voulu jouer au shérif ramenant un malfaiteur au bercail après des années de cavales, il aurait pu le faire plutôt. Et puis bon sang, tout montrait qu'Alex n'était pas son ennemi ! Mais il restait ce petit rien, ce 0,01% qui l'empêchait de définitivement abandonner toute prudence. En cela, l'homme en fasse de lui était inquiétant, et devrait être sérieusement surveillé à l'avenir. Si 9 heures lui avait suffit pour pousser le Rouge à remettre en question toute sa relation avec autrui, le résultat sur la durée pouvait être...Déstabilisant ? Avec presque les mêmes hésitations que le soldat, et peut-être aussi quelques questions et déductions commune, Airat passa ses bras autour de la taille d'Alex...Tient, il était passé au prénom ? Pourquoi pas...

Le plus petit se crispa quand le géant entreprit une sorte de massage sur ses cervicales. Il ne s'y était pas attendu, pas réflexe sa tête disparu entre ses épaules, comme l'aurait fait une tortue (ces grand animaux marin qu'il n'avait vu qu'en image dans un livre). Le mouvement resta régulier, ralentissant légèrement, comme si Alex pensait à autre chose, et lentement, le colporteur se détendit, fermant les yeux. Il laissa ses 60 kilos de muscles, os, organes, tissu, et peut-être quelque part, graisse, peser contre le militaire en s'endormant presque. Une main passant sur sa joue le rappela à la réalité. Par réflexe, il releva les yeux vers Alex, croissant dans les orbes ambres certaines émotions..Qu'il se rendait compte ne pas vouloir voir. Du doute, peut-être une sorte de peur, et... un regard trop appuyé sur son visage, sur la tâche rouge qui s'y était invité. Et comme pour lui assurer qu'il avait vu juste, le lieutenant passa son pouce sur la peau sombre, et continua jusqu'à ses lèvres. Ça par contre, il ne l'avait pas vu venir, et ce regard comme absent, érotisé sur les bords non plus. Il regarda l'homme d'un air presque perdu, ou plutôt dans l'attente, comme si il lui disait Mais qu'est ce que tu comptes faire?
Sentir la main d'Alex retourner sagement à sa place fut un soulagement. Il y avait eu une montée de tension de son coté, qu'il ne voulait pas revivre avant un moment. Et pourtant il était à peine sortie d'affaire.
Maintenant, Alex parlait, et c'était encore pire. Entendre une voix qui d'habitude parlait avait assurance, et donnait fermement des ordres à tout Polis, écouter cette voix trembler et s'arrêter comme si elle n'allait jamais pouvoir repartir, c'était troublant...Et vraiment pas rassurant. Finalement, les muscles ne protégeaient que le corps. Pas l'esprit, et pourtant c'était ici que les blessures étaient les plus profonds. Si bien que lorsqu'on pensait en avoir touché le fond, on s'enfonçait encore plus dans le désespoirs.

La main du lieutenant quitta sa nuque, lui faisant lancer un regard inquiet sur son visage qu'il semblait cacher derrière ses doigts. Pour se couper du monde et réfléchir, ou...Se protéger. Attraper ces deux immenses mains, et les éloigner pour regarder le soldat dans les yeux, c'était un plan tentant. Mais pour le quel Airat n'avait pas encore assez de force. Un peu de chaleur humaine, juste encore un peu, et il aurait assez de courage pour soutenir Alex. Pour l'instant, il restait contre lui, s'appuyant contre son torse pour les dernières secondes.

Les traits de l'homme n'arrêtaient pas de changer, changer très vite. Trop pour qu'Airat les analyse, et les comprennent. Si le visage était une infime représentation de se qu'il se passait derrière cette façade de muscles, ça devait être la quatrième guerre mondiale dans la tête du militaire. Encore une fois, le colporteur hésita à s'approcher, à agir. Mais voir Alex s'éloigner d'un coup pour marcher en rond dans la pièce le laissant un moment paumé, plus si sûr de vouloir agir. Ça faisait ça de perdre sa bouillotte ? C'était ce que ressentait Klara dès qu'il s'en allait ?...

Il se concentra sur les paroles du lieutenant, essayant de les comprendre, d'en deviner les vides, mais c'était flou, très flou...trop flou. Et inquiétant. Le rouge avait l'impression qu'Alex était sur le point de se jeter dans le vide, qu'il suspendait un pied dans le vide, et finalement s'arrêtait et reculait.

Airat resta quelques secondes immobile face au géant, son regard sur le sol. Avec un soupire, il tira sur la fermeture de son manteau, retirant rapidement le vêtement pour le glisser sous son bras. Le colporteur glissa ses mains dans les poches de son jeans, avançant terriblement lentement vers le sofa, utilisant des chemins détournés, reculant, tournant sur lui même. Il effectuait une petite valse en  solo, aussi bien pour essayer d'extirper au militaire un semblant de rire, même amer, que pour réfléchir à l'éventuelle connerie qu'il pourrait faire.
Inévitablement, il finit par arriver près d'Alex. Son pied butta contre le sofa, et son regard se stoppa sur le militaire. Le colporteur le dévisagea un long moment, faisant de son regard un couteau pour dépecer le soldat. Chercher ce qu'il avait voulut dire, et le trouver... Airait aurait eu plus de chance de faire la paix avec sa mère. A part sentir qu'il n'était pas le seul à se tenir à la limite de ses retranchements, il ne trouvait pas grand-chose...

Avec un soupire, il  se laissa tomber à coté d'Alex, se calant comme il pouvait contre lui, son manteau lui servant de sorte de couverture commune. Le rouge inspira profondément, s'apprêtant à parler.

« - Je savais que tu l'avais protégé un peu avant que... Mais je pensais pas que vous étiez si proches... Et je pensais pas que ça avait pu...T'atteindre autant. »

Il referma ses dents là où sa lèvres était balafrée, mordant la peau restait fragile sans pitié. Il avait été con.

« -J'aurais...Dû revenir ici plutôt. En faîte j'aurais dû rester ici. Et leurs faire discrètement et diplomatiquement la peau. »

Airait pouvait faire beaucoup d'efforts, oublier son autodestruction qui ne le menait nulle part, mais il ne pouvait pas arrêter de penser à une éventuelle vengeance. Pas maintenant. Du coin des yeux, il regarda le soldat qui semblait avoir retrouvé son masque. Mais si il grattait un peu la surface, est-ce qu'il tomberait à nouveau ? L'idée était tentante, mais inutilement sadique. Et pour une fois, le colporteur ne voulait pas faire de mal à Alex. Il ferma les yeux, basculant sa tête en arrière, les sourcils légèrement froncés.

« - Putain... Et toi, t'as dû jouer la comédie...Tout les jours, toutes les heures pendant dix ans ? Faire des sourires et des révérences à ces chiens qui ont fermé les yeux, qui même y trouvaient leurs comptes à voir D..Imitri disparaître... »


Alexandre Prokhorenko
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Alexandre Prokhorenko
Lieutenant-instructeur, chef de section du Bastion Vympel
Sam 21 Avr - 15:10

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Quitter l’obscurité et poser le pied en surface, dans l’immensité vertigineuse de l’horizon gris, la vue inadaptée aux lueurs vivaces du ciel blanc, éblouissantes et blessantes. Le sol ferme n’avait été qu’une antichambre aveugle, un purgatoire de confinement sans fenêtre, rassurant dans ses limites, inéluctable. Il était né dans les entrailles de la terre, dérobé aux vastes étendues des territoires humains, étranger aux combats sociaux, au militantisme de sa mère, morte dans sa condition subordonnée, conformé au cadre étriqué de la civilisation métroïde, ce grand bond en arrière obscurantiste et militariste, tyrannie sans philosophe. Et il y survivait, adapté, reconnu, respecté. Ce n’était pas dans le vide, qu’il venait de faire un pas, mais dans l’incommensurable. L’espace d’un instant, le monde s’était mis à tanguer, dérobé sous ses pieds, le laissant déstabilisé et aux prises d’une chute infinie, sans fond. Un pas arrière pour sentir le joug rassurant sur ses épaules, le retour de l’ordre et des certitudes. Remettre en question l’autorité et le pouvoir était une chose, remettre en question ce qu’il était en était une autre.

Heureusement, il ne pouvait tomber plus bas, déjà assis pour ce qui allait suivre. Mais il sentit ses dorsaux s’enfoncer dans le dossier et ses genoux s’écarter en s’éloignant du bord de la banquette, tandis que sa posture s’effondrait un peu plus encore, traduisant un lent glissement de terrain. Le sofa produisit maints grincements plaintifs sous l’appesantissement du quintal d’Alexandre, comme pour lui reprocher le différentiel inacceptable entre sa carrure et sa soudaine perte d’assurance. Car lorsqu’il vit le jeune homme se débarrasser de sa veste pour s’avancer vers lui avec cette démarche lente et reptilienne, la crise cardiaque n’était pas loin. Il n’avait pas encore refermé la bouche, l’écho des derniers phonèmes prononcés à peine dissipé sans qu’il ne parvienne à se formuler, et encore moins à demander, ce qu’Airait fichait, ou ce à quoi il jouait.

Toujours bouleversé de ce qu’il venait de dire ou de ne pas dire, de ce qu’il avait ressenti ou n’avait pas ressenti, la confusion l’emportait et le rendait imperméable à l’humour, grave devant sa révélation. Il l’avait suivi d’un regard somnambulique, magnétisé aux mouvements fluides de la silhouette, sa nuque roulant contre le support matelassé tandis que le jeune homme se déplaçait pour venir s’installer à ses côtés. L’ambre trouble de ses prunelles recevait les coups de scalpel acier en les absorbant, la flamme solaire de son regard vacillant, liquide, ne pouvant le trahir plus surement. Oui, l'espace de quelques instants, il l’avait désiré charnellement, après une décade de déni et d’auto conditionnement, jeté corps et âme au service de la grande cité Lumière. Le syndrome de Stockholm était devenu le syndrome de Polis.

Enfin, il se souvint qu’il devait respirer pour vivre, et revint au présent en un puissant soupir. Il cilla, déporta son attention vers la table basse, repoussée contre le mur au-devant, les deux verres ayant à peine versés, et la bouteille au sol. Il n’aurait plus qu’à tirer le cadran du canapé pour le déployer, un peu plus tard, car il se sentit soudain très las. Vingt-deux heures de veille, une cassure dans le continuum de son identité et de son monde, une irruption violente du refoulé et de l’oubli. Rentrer aux quartiers d’Arbatskaïa et affronter la construction de sa réalité, alors qu’il en voyait présentement les échafaudages, mis à nu, le rebutait. Il devait se réadapter à ce monde qui était le leur et dans lequel ils n’étaient pas libres. La liberté était addictive, il suffisait d’y penser pour en être contaminé, pour en être malade, et il venait d’en respirer le pathogène à pleins poumons, de bruler à son contact, jusqu’au désir, puni d’ostracisme ou de mort.

La donne avait changé, les gestes et les positions se chargeaient de significations nouvelles, lorsque quelques minutes plus tôt encore, ils s’étaient trouvés nonchalamment installés, les jambes du Rouge par-dessus les cuisses du kshatriya de caste, une proximité ambigüe d’ennemis alliés, d’antagonistes plus proches qu’ils ne le voudraient. Il baissa la tête, observant penaudement le manteau qui les recouvrait tous deux, comme s’il s’était agi d’un matériau dangereux, et finit par ajuster machinalement la couverture improvisée. Son silence confirmait les dires du colporteur, il n’avait rien à ajouter quant à sa relation avec le soldat Volonski. C’était un frère et un ami, comme les soldats du bastion Vympel, mais un frère qui lui ressemblait beaucoup et à la place duquel il aurait pu se retrouver, n’eût-il corrigé sa trajectoire balistique à temps. La suite du propos l’amusa, et il perdit un souffle nasal en guise de rire. « Diplomatique, c’est l’idée, » plaisanta-t-il, revenant de ce fait à quelque chose de concret, auquel il pouvait se raccrocher. La logistique de l’enquête, la logistique d’un crime. Il avait maintenant tourné la tête, toujours calé, et regardait le Rouge, le sanguin énervé, celui qui avait le droit de s’emporter.

Le grand sourire qu’il arborait se résorba lentement, sans que l’éclat de combativité, marquant sa présence et l’entière attention qu’il portait à son interlocuteur, ne quitte ses yeux. « C’est un peu plus compliqué qu’ça, » répondit-il sympathiquement, sans aucun reproche dans le ton. Car il n’avait pas fait semblant, il aimait sa caste et donnait sa vie pour Polis malgré tout, c’était sa famille, chez lui. Il remarqua qu’Airat était parvenu à prononcer le nom du soldat. Aussi, il enchaina pour que la conscience du moment ne brise pas leurs progrès. Il parla à voix basse, le timbre bourdonnant : « Cela prouve qu’il y a un entrisme officieux des brahmanes, un accès aux militaires… Des coalitions éphémères, qui ne visent pas le bien commun, mais des intérêts privés. Ta… » mère. C’était bien ce qu'il lui avait révélé peu avant, l’amertume plein la bouche, lorsqu’il évoquait le fils de pute qui avait donné l’ordre. Il se racla la gorge et secoua brièvement la tête avant de reprendre. « Qu’une personne comme elle ait obtenue la tête d’un de mes hommes, sous mon nez, en dit long sur l’étendue des… Sur le pouvoir d’influence, et la connivence, de certains brahmanes sur les kshatriyas. Quel était le deal… en échange du silence, pour étouffer l’affaire ? Un chantage a été exercé auprès de mes supérieurs... Avec quoi, ou contre qui, à quels niveaux, tous, quelques uns ? » Les questions avaient été posées d'une traite, sur un ton routinier volontaire, déclaratif. Ses yeux étaient à la fois plissés de suspicion et écarquillés de provocation, et ses prunelles héliodore flamboyaient de sédition. Ces questions-là n’étaient pas nouvelles pour lui, mais c’était la première fois qu’il les émettait tout haut. « Eux sont intouchables, en revanche… J’aurai celui ou ceux qui l’ont fait. Et tu pourras laisser la diplomatie à la porte. » Un rictus animal tordit la commissure de ses lèvres, avant de s’étirer en l’un de ses sourires rayonnants, revigoré et transpirant d’aplomb en dépit du discours de mutinerie qu’il venait de servir. Réassurance fragile.

Mais plus que cela, il était à l’aise, à demi affalé sur son assise, le biceps fermement appuyé contre l’épaule du colporteur, s’indulgeant un contact dont il n’avait jusqu’alors pas conscience d’avoir été à ce point privé. Tactiles, ses frères l’étaient presque tous : car ils n’avaient rien à craindre les uns des autres, c’était de la camaraderie virile, encouragée et louée dans sa caste. Avec Airait, il rencontrait quelque chose de différent, de conscient, car la possibilité existait et planait au-dessus d’eux telle une épée de Damoclès, qu’elle tombât ou non.

Sans bouger, il ferma les yeux et laissa passer un moment de silence, préparant une question difficile qu’il n’était pas sûr d’avoir le droit de poser. Mais au vu de l’état dans lequel s’était mis le colporteur lorsqu’il avait fait mention de Volonski, et de l’état général dans lequel il l’avait trouvé en dehors de toute autre considération, Alexandre savait qu’il l’avait justement cerné, dès l’abord. Une décade de remords, de regrets, de culpabilisation avait mené l’adolescent rebelle à l’autodestruction, et si le jeune homme installé contre lui dégageait toujours une aura de révolutionnaire, il payait encore le tribut de la mort du soldat. Le kshatriya rouvrit les yeux en un regard beaucoup plus neutre. « Depuis… Depuis Dima tu n’as été avec personne d’autre ? » Sa voix n’était qu’un murmure, la réponse à cette question avait quelque chose de terrifiant pour lui, car c’était tout ce qu’il avait toujours fui en se noyant dans le devoir et l’héroïsme. Il ajouta en hâte : « Rien ne t’oblige à répondre, c’est juste que… » Il fronça les sourcils et le nez, l'air méchamment contrarié, incertain de ce qu’il avait voulu dire et de ce qu’il cherchait. Une confirmation d’avoir choisi le mode de vie le plus adéquat, ou au contraire, la confirmation d’avoir loupé quelque chose d’important.
Airat Ivanov
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Sam 21 Avr - 22:52

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 Airait eu un infime sourire. Le militaire semblait perdu par leur proximité. Peut-être pas effrayé, mais au moins gêné. Ç’aurait pu être drôle, mais voir Alex comme ça, aussi mal, aussi rongé, ça ne faisant que l'inquiéter. Ce qui signifiait que dans ses relations, Alex était au même rang que Klara... A la différence que dans un cas, une poussière de désir pouvoir s'insinuer et dérégler la machine. Il tourna la tête vers le soldat, regardant son sourire victorieux se décomposer. Le feu s'amenuisait, mais la chaleur était toujours là, dans les yeux du lieutenant. Immédiatement, le géant se mit à parler à voix basse. L'hésitation au moment  de mentionner sa mère lui fit froncer les sourcils. Alex faisait attention de ne pas mentionner  les noms qui pourraient lui faire sortir les crocs ? Enfin, même si elle n'était pas cité, elle en restait hautement dangereuse. Il n'y avait pas que ses connaissances d'avant, ou le siège à son nom au conseil qui en faisant un prédateur. Akilina était un monstre humain. Elle n'avait pas du avoir de mal à corrompre les soldats avec Dimitri. Quand à faire taire leur supérieures... Il y avait tant de services qu'elle aurait pu leur rendre. Juste pour la mort d'un homme. Airat n'arrivait pas à comprendre ce qu'elle avait espéré en commanditant l'assassina de son amant... Le punir ? Le protéger ? Est ce qu'elle l'avait renier au point de souhaiter jusqu'à la destruction de tout son monde ? La brahmane l'avait frappé bien plus qu'en plein cœur, et elle l'avait fait à un moment cruciale comme l'adolescence. Des fois, quand il voyait la vitesse avec laquelle il retombait dans ses travers, il se demandait si un jour la plaie cicatriserait....

« -La diplomatie me rappelle un peu trop les cours d'une certaine personne...Je lui ai craché à la gueule depuis longtemps... »

Marmonna il en s'étirant, levant les bras vers le plafond. Ses muscles se relâchèrent, et il re-glissa au fond du sofa, encore plus mollement qu'avant. Sans y réfléchir, Airat laissa basculer sa tête contre le bras d'Alex. Ç’avait été naturel pour lui, pas de piège, pas de provocation. Il resta comme ça, coincé ou blottie entre le soldat et le dossier du sofa, participant au silence qui s'installait doucement mais certainement. Un moment, le colporteur cru même qu'il c'était endormis, jusqu'à ce que le lieutenant ne pose à voix basse une question qui eu l'effet d'un coup de poing.

Le rouge resta à fixer le vide une dizaine de secondes, pesant dans sa tête le pour et le contre de ce qu'il allait faire. Finalement, lentement, très lentement, il se retourna vers Alex, se redressant sur ses genoux. L'homme face à lui avait l'air désolé, secouant légèrement la tête comme si ç'aurait pu annuler ses dernières paroles. Airat tendit les bras vers le militaire, les passant autour de son cou. Il posa ses lèvres sur son front, les yeux dans le loin. Son cerveau tournait à plein régime pour trouver la façon la moins violente de s'adresser au géant.

« -Je....Nan. Je me suis remis avec personne, en faîte j'ai pas cherché à m'approcher de quiconque... »

Souffla il, au point que même Alex devait avoir du mal à l'entendre. Ce qu'il avait à dire après pouvait coûter la vie au soldat...Comme pour Dimitri. Il se pencha, venant parler plus près de son oreille, comme si il avait dans la pièce  une autre personne, un invité surprise.

« - Alex...T'es pas intéressé que Par les femmes, hein.... ? »

Alexandre Prokhorenko
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Alexandre Prokhorenko
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Dim 22 Avr - 13:32

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La corruption existait et croissait, hémiparasite, dans les organisations totalitaires plus qu’ailleurs. Semyon lui avait répété que les systèmes étaient inexorablement voués à la faillite et à l’échec. Selon lui, le premier axiome de la systémantique de John Gall était que tous les systèmes en général fonctionnaient mal ou pas du tout. Alexandre n’avait jamais lu John Gall, mais il croyait le vieil érudit sur parole. En revanche, il était fermement convaincu de la droiture et de l’irréprochabilité de ses supérieurs directs, et ne pouvait envisager que le commandant-major Lobatchevsky ou le Capitaine Mishkin se révèlent corruptibles. Pourtant, il suffisait d’une faille seulement, infime, pour s’insinuer dans la psyché d’un homme et l’exploiter, et peut-être, ne les connaissait-il pas aussi bien que ce qu’il le croyait, de même qu’ils ne connaissaient pas non plus les recoins de son âme, ainsi que son activisme politique dissimulé. Le major et le capitaine avaient des familles, femmes et enfants. Des responsabilités civiles, des points de pression. Mais la méfiance et la remise en question de la hiérarchie militaire était une gangrène virulente, et les membres infectés étaient amputés le plus tôt possible. Le lieutenant le savait et recadrait très vite les recrues, au moindre soupir, au moindre haussement de sourcil retors ou dubitatif. Démêler un réseau tentaculaire constitué de micro soudoiements était impossible : il ne devait pas démultiplier son objectif.

Les séries causales de ses réflexions se déployaient en arrière-plan, derrière ses rétines, alors qu’il venait de poser une question hautement personnelle. Et il le réalisa subitement, un instant trop tard, devant le regard figé du Rouge. Aussi, les traits de sa figure redoublèrent de confusion, passant de contrariété à embarras, et son regard fossile s’anima soudain, chatoyant : « J’suis pas en train de juger ou quoi… » grognonna-t-il, appréhendant un nouvel accès de violence de la part d’Airat. Son discernement à toute épreuve venait de prendre un sacré coup, et ses routines analytiques tournaient dans la glue, tandis qu’il observait le visage tout proche, plantant ses prunelles héliodore, les yeux écarquillés, dans l’azur lointain troublé d’embrun. Sous le manteau, sa poigne crispée malmenait la housse du canapé, et son bras gauche était prêt à fulgurer. Mais le cadet restait calme, définitivement passé à autre chose, et il le vit se surélever avec une décontraction fluide, dénué d’intentions cathartiques.

Puis tout alla très vite. La veste glissa et tomba au sol lorsqu’il enlaça la taille ferme en retour, sans s’être redressé ni remis d’aplomb, et le duo clandestin se resserrait en une étreinte braque, intense et maladroite. Alexandre prit une longue inspiration dans le vieux sweat anthracite, cédant sans retenue au besoin de consolation, insatiable, dont il ignorait être porteur jusqu’alors. Il ne tressaillit pas, ni n’opéra le moindre mouvement de recul lorsqu’Airat posa les lèvres sur son front, et le monde devint blanc. A l’abris d’un cocon anentropique, un moment d’éternité pendant lequel son esprit se taisait, envahi d’une sensation de bien-être étrangère à la réalité rigide et martiale du quotidien. Le feulement rauque, presqu’inaudible, grésilla à sa conscience et le ramena partiellement dans la cabine à l’éclairage cru, avant que le message détonne, terrible. Isolement, solitude, gestion et compartimentation des affects, renoncement. « Dix ans, » commenta-t-il en un râle, taciturne.

Dix ans ou une vie entière, changer ses propres désirs pour pouvoir changer le monde, aux lenteurs de l’érosion et de la sédimentation. Dix ans, une vie, deux vies, dix vies. Le tissu frottait contre sa joue et il ferma les yeux tandis qu’Airat bougeait contre lui. Il relaxa l’étreinte, ne l’enlaçant plus que d’un seul bras, passé dans le dos nerveux, tandis qu’il se renfonçait dans le sofa. Un craquement plaintif pour interlude. Il songea brièvement qu’il devait abandonner l’endroit une bonne fois pour toute, sa planque étant compromise. La paranoïa dans le métro n’était qu’un autre nom de la prudence, une attitude saine et survivaliste. Or, l’afghan savait qu’Alexandre était à sa cabine, accompagné d’un individu louche à l’air maladif, et aussi sympathique que fût le bouilleur de cru, il n’était pas à l’abri d’une investigation officieuse, ni à l’abri du chantage. Un jour ou l’autre, Zhumabek Kystaubai risquait de dire, forcé à la déclaration : Oui, je reconnais cet homme, il n’était pas seul, et il n’a quitté l’établissement qu’au matin, avec son compagnon. De la laine de verre était nichée dans le bien-être cotonneux, et un frissonnement désagréable déferla le long de son échine, mitigeant le plaisir de leur rapprochement.

La sémantique de la question franche d’Airat le frappa à rebours, tant il s’était exprimé tous bas. Ce n’était plus un souffle, mais un fil de voix ténu, synesthésique, de lumière rouge et d’alarmes tonitruantes, houleuses et ionisées. Un percept chimérique. Il ferma les yeux et baissa le menton, un sourire triste à la commissure des lèvres. Un moment de silence passa avant qu’il ne puisse formuler quoi que ce soit, sa main refermée à la hanche dure du jeune homme, qu’il mut en une caresse légère, mesurée. Il secoua doucement la tête avant de rouvrir les yeux, forant de sa focale d’ambre fossile la surface de la table basse, comme s’il eut cherché à y graver un message. « Ce que j’aime ou non n’importe peu… » murmura-t-il, amer. Son sourire n’avait plus rien de solaire, mais l’éclat noir d’une nova déchargée de toute énergie. Il s’humecta les lèvres et avala sa salive, difficilement, avant de suivre le cheminement de sa pensée : « … Les galeries et les tunnels m’emporteront tôt ou tard... » Le timbre de sa voix était bas et vibrant, propre à broyer du minerai. « Alors, autant ne laisser personne derrière. » Comme Dmitri avait laissé Airat, comme Sevastiana avait laissé Andreï, incomplets et dysfonctionnels, trahis.

Le joug s’appesantissait sur ses épaules, et les prolongations de veille active commençaient à le terrasser. Métabolisme évolutionnaire, adapté à la vie souterraine, auto-régulant. Il pouvait parfois passer trente heures sans faiblir, ne dormir que trois heures par nuit toute une semaine et rester vigilant, mais sa machine rodée réclamait l’arrêt et finissait par se mettre en standby à l’encontre de sa volonté, préservant ses ressources, avant l’épuisement fatal. Ses paupières devenaient lourdes, son sourire se résorbait lentement tandis que son menton cédait à la gravité, touchant presque son pectoral massif. Le coffre de sa colossale soufflerie, avachi dans le canapé, se soulevait et s’abaissait avec régularité. Sa main droite était machinalement allée se poser sur la ceinture tactique, ses réflexes et ses routines plus fortement ancrés encore en état d'inconscience.
Alexandre venait de s’endormir dans un maelstrom d’engrammes mnésiques, regroupant pêle-mêle des considérations sur sa prise de service dans sept heures, une nouvelle planque, le suppresseur, le major Lobatchevsky, les opérations civiles et les gardes sans visage de la section noire, un moyen de recontacter Airat, l’immensité des étendues de la surface et la liberté, insaisissable.
Airat Ivanov
Date d'inscription : 22/09/2017
Messages : 145
Airat Ivanov
Colporteur
Dim 22 Avr - 16:11

Passeport
Age :: 27 ans
Patronyme :: Ivanovitch
Surnom :: Rat
Le colporteur attendit patiemment la réponse du lieutenant. Il avait de quoi s'occuper, profitant de la pression du bras d'Alex. Oui, ça faisant dix ans qu'il n'avait pas embrassé, touché, effleuré un homme. Et même si sa vie avec Klara ressemblait à celle d'un couple qui n'aurait pas pu se résoudre à briser la tension permanente, le fil qui était tendu entre eux avant qu'ils ne mélangent leur chair, la nature avait ses raisons que les hommes ignorent et n'écoutent décidément pas. La médecin était une femme, Airat aimait les hommes. Et retomber entre des bras masculin après dix ans d’abstinence plus ou moins volontaires faisait l'effet d'une décharge, en bien ou en mal. C'est troublant, inquiétant, plaisant. Les souvenirs remontaient à la surface comme la vase quand on jette une pierre dans la marre. Le rouge fixa un instant le mur. Pour un peu, il aurait pu croire que c'était le bras de Dimitri qui passait dans son dos. Seulement son fantôme d'amant avait lui la décence de n'avoir fait que 12 centimètres de plus qu'Airat.

Il passa le bout de ses doigts sur les cheveux presque rasés du soldat, frôlant sa nuque. Son geste était presque inconscient, lui de son coté réfléchissait à ce que venait de souffler Alex. Dix ans. Maintenant que c'était dit, mit sous forme de mots, tous ce que cela représentait le frappa. Dix ans...Vu les chances de survie dans le métro, un quart de sa vie. Airat n'était pas du genre à tenir temps que ça à l'amour, en faîte la mort de Dimitri avait comme qui dirait mit le sujet en pause. Mais...C'était dramatique par tout ce que cela montrait de son cuisante échec pour faire inconsciemment un début de deuil.
Airat eu pendant un instant un geste de fuite en sentant la main d'Alex passait fantomatiquement sur sa hanche. Il se retient d'attraper le poignet du soldat. Mais peut-être pas pour lui lancer un regard digne de l'azote, et lui cracher de ne jamais recommencer.C'était en train de germer tout doucement et dans un silence profond, mais peut-être qu'Airat pourrait finir par voir le militaire autrement que comme une menace...Et pas non plus comme un ami avec qui on échange une tape virile sur l'épaule...

Le mouvement d'Alex contre son torse lui fit baisser les yeux. Instinctivement il se repencha en avant. Comme si il avait pu, de ses épaules, empêcher l’aveu de sonner dans la pièce. Il resta silencieux, les yeux presque clôt. C'est vrais qu'Alex pouvait mourir... Là encore, la parole donnait du poids à l’événement. Le colporteur chercha à savoir comment il réagirait à la mort du lieutenant, appuyant ses lèvres contre son crâne. Et ce qu'il serait venu aux honneurs ? Même si cela signifiait potentiellement se faire prendre pas les autorités de Polis, la grande Polis ? Est-ce que sa mort l'aurait simplement émue ? Quelque chose lui faisait dire que oui.
Quant a son esquive plus ou moins réussite de la question du colporteur...Le silence et  l'évitement étaient plus parlant qu'une réponse lançait cash...

Peu à peu la tête du militaire pesa plus lourd entre ses bras, jusqu'à y reposait. Le rouge souriat faiblement. Pour s'être endormis maintenant, avec un type qui un instant plutôt lui sauté à la gorge pour clairement tenter de lui faire la peau, Alex devait être à bout. Il en était un peu responsable, sa dernière question avait été de trop. En faîte non, il en était totalement responsable. Tout ça était un énorme effet papillon qui avait eu lieux il y avait douze ans, quand Airat avait répondu « Pourquoi pas... » à un ami lui proposant de l'accompagner à l'Arbatskaya..

Gardant l'homme serrait contre lui, resserrant même son étreinte, le colporteur commença à légèrement se balancer. Il regardait dans le vague, commençant à réfléchir au meilleur endroit pour remettre le silencier au lieutenant. Avec un soupire, il finit par lâcher le militaire, accompagnant précautionneusement le mouvement de sa tête qui partie lentement en arrière. Il jetta sur la pièce un regar circulaire, jusqu'à entrevoir l'angle d'une commode derrière le paravan. Premier tiroir : papier. Le rouge en attrapa un vieux froissé dans un coin, et ramassa son sac en revenant vers Alex. Il sortie un crayon de son barda et commença à écrire, rapidement, ses gestes saccadés et presque violent. Ecrire. Il détestait ça. Le savoir ramenait toujours à Akilina. Airat se redressa, pour s'avancer vers le militaire, glissant le papier dans sa main libre, l'autre refermait sur son arme, assez pour qu'on ne puisse par le prendre sans réveiller celui a qui il était destiné.  Le colporteur attrapa son manteau et l'enfila rapidement, refermant ses doigts sur la sangle de son sac. Il lança à Alex un regard, restant sur place, comme si il hésitait.

« -Tant qu'à faire... »

Airat repartit dans l'autre sens, posant une main sur le mur derrière le géant en se penchant dangereusement sur lui. Il embrassa rapidement le coin des lèvres de l'homme, ne s'attardant qu'un fragment de seconde. Comme si Alex avait pu se réveiller.
Et il partit, fermant silencieusement la porte, quittant Les alentours de Polis le visage dissimulé sous sa capuche.

« Bon, monsieur a préféré Morphé à son silencier, alors je laisse un message à monsieur. Vu les réseaux que je dois éviter, je prévois large : Rendez-vous dans un mois à la Station Park Kultury, au bar ***. Si tu peux pas, fais passer un message dans le réseaux anonyme.

PS : Même endormis, t'as un bailai dans le cul... »
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